1.1.3.2- L'étude de cas : les fresques
hypermédia de l'Ina
Les fresques hypermédia sont publiées sur le
site de l'Institut National de l'Audiovisuel dans la rubrique "dossiers".
Réalisées par les équipes de l'Ina, ce sont des fresques
qui abordent différentes thématiques dont celles du festival de
Cannes et des discours du général De Gaulle. Nous avons choisi
ces thèmes pour analyser deux fresques. L'analyse
sémiotique34 de ces deux fresques s'est construite autour de
trois phases. Tout d'abord, nous avons mené un travail de recherche sur
la "médiathèque" de chacune des deux fresques. Puis ce sont les
"parcours" que nous avons observés. Enfin, nous avons porté notre
attention sur les contenus des deux fresques.
De cette analyse nous avons pu tiré quelques
conclusions qui permettent de délimiter les frontières du
web-documentaire historique. Suite à l'observation de ces deux fresques,
il nous semble que les créateurs de ces fresques construisent un
destinataire quelque peu différent. Au coeur de ces fresques
multimédia, les possibilités de recherche de contenus sont
multiples et visibles. Dans certains web-documentaires historiques, cette
possibilité existe notamment par le biais de la barre de recherche. Mais
cela reste rare. Les fresques hypermédia de l'Ina se construisent autour
de cette possibilité. Cela se traduit par différents dispositifs
techniques tels que la mise en visibilité de l'arborescence de chaque
rubrique. Ainsi l'internaute est amené à effectuer une recherche
plus ou moins précise. Qu'il sache ou, au contraire, qu'il ignore ce
qu'il souhaite visionner, il devra effectuer une action de recherche. Cette
situation peut se retrouver dans un web-documentaire où l'internaute est
délaissé par l'auteur. Il s'agirait dès lors d'un danger
puisque l'internaute aurait tendance à quitter la pager du
web-documentaire. Au contraire, les fresques de l'Ina semblent incorporer la
logique de recherche. Ce sont deux manières distinctes de construire un
lecteur. D'une part, le web-documentaire valorise les qualités
intuitives des internautes pour leur permettre d'explorer les contenus. D'autre
part, les fresques de l'Ina confèrent au lecteur la possibilité
de trouver rapidement le contenu qu'il recherche ou celui qui correspond
à ses centres d'intérêt.
Ces deux modèles s'incarnent dans une construction
spatiale différente. Alors que les web-documentaires historiques
proposent des sites qui bousculent les repères graphiques et
ergonomiques des pages web traditionnelles, les fresques de l'Ina se situent
dans le sillage de ces dernières. Ces fresques présentent
l'ensemble des caractéristiques d'un site classique : une home-page, une
barre de recherche, une barre d'accès aux rubriques, une lecture
verticale de la page avec un défilement vers le bas, le coeur de la page
composé de différentes rubriques etc. Bien que les
web-documentaires historiques soient des sites internet, il y a la
volonté de structurer et d'organiser le contenu de manière
différente afin de proposer une expérience nouvelle. Dans le cas
des fresques multimédia, il n'y a pas renouvellement de
l'expérience médiatique de l'internaute.
Néanmoins, les fresques sont organisées selon
une structure en strates qui permet de démultiplier les portes
d'accès aux contenus. Cette multiplication des points de contact
(notamment par le biais des parcours et de la médiathèque) est
une caractéristique des web-documentaires. Au regard de l'ensemble des
productions web-documentaires qui composent notre corpus, l'on peut dès
lors rapprocher les fresques multimédia des webdocs historiques si l'on
tient uniquement de la
C'est une des grandes promesses formulées par les
professionnels du web-documentaire :
précédente observation. Toutefois, il est
nécessaire de souligner que l'interactivité des contenus est plus
importante au sein de ces fresques que dans certains web-documentaires.
Nous pouvons établir une autre similitude avec les
web-documentaires historiques. Ces fresques reflètent à travers
cette « médiathèque » la matérialité du
contenu. Les analogies avec des lieux réels et naturalisés ne
sont ni anodines ni arbitraires. Le terme « médiathèque
» revêt un double sens. Ce terme renvoie d'abord à la
définition même de ce qu'est une médiathèque
à savoir un lieu où sont entreposés des documents de
nature diverse que l'on peut consulter. Par ailleurs, une
médiathèque est également un lieu que l'on traverse et que
l'on parcourt. Ce terme évoque une double dimension : pratique ou
fonctionnelle et imaginaire. Ce jeu qui s'instaure ici entre le monde
supposé virtuel d'internet et le monde réel trouve écho
dans le web documentaire qui mobilise des repères et des imaginaires
semblables. L'internaute est appelé à plonger, traverser,
s'immerger dans l'histoire et notamment dans le temps et les lieux. La
contextualisation des archives historiques qui est en jeu dans ces fresques de
l'Ina, se fait en partie par le biais des cartes et des frises chronologiques.
Cet enjeu et cet imaginaire sont essentiels lorsque l'on pense le
web-documentaire historique.
Malgré ces similitudes, les fresques multimédia
peuvent être comparées au modèle des manuels scolaires. Or
les web-documentaires historiques n'aspirent en aucun cas à ressembler
à ce modèle. Nous émettons cette hypothèse pour
trois raisons principales. Les outils de spatialisation et de
temporalité sont extrêmement prégnants dans les fresques
multimédia. Cela témoigne d'une démarche didactique
afirmée. Puis, la prédominance du texte au coeur
des fresques multimédia est telle qu'elle met en péril les autres
médias. Les textes de la plupart des vidéos est retranscrit sur
la droite de ces vidéos. L'internaute peut dès lors
connaître le contenu de la vidéo sans lancer la lecture. Il peut
même agir sur cette vidéo (avancer ou reculer) par le biais du
texte retranscrit. Enfin, les absences de témoignage et de point de vue
d'auteur font de ces fresques de l'Ina des sites internet
désincarnés.
Par le biais de cet étude de cas, nous avons donc mis
en évidence les principaux points d'achoppement entre les webdocs
historiques et ces fresques. Ainsi, au regard des similitudes et des
différences avec les fresque de l'Ina, nous ne pouvons pas remettre en
question les caractéristiques propres au web-documentaire historique.
Le web-documentaire historique remplit en partie ses promesses
de rupture à l'égard des autres formes médiatiques.
Néanmoins, la rupture n'est pas que sémantique et formelle. Il
s'agit également d'une rupture anthropologique puisqu'elle affecte nos
modes de lecture.
|