3.2- Le web-documentaire peut il nous enseigner
l'Histoire ?
« Informer, éduquer, divertir », telle
était la devise de John Reith lorsqu'il fonda la BBC. Un triptyque qui
va rythmer la programmation des médias télévisés
durant de nombreuses années avant que les télévisions
privées ne fassent leur apparition notamment en France. Le webdoc
historique peut il reprendre cette devise à son compte ?
3.2.1- Les attributs d'un média : quel tâche
incombe au web-documentaire historique ?
Dans un article passionnant, Erhard U. Heidt tente de classer
les médias selon leur pertinence et leur
eficacité dans l'optique d'un apprentissage. A dessein
il souhaite « esquisser une théorie des fonctions des
médias dans le processus éducatif, notamment pour expliquer leur
influence sur les processus d'apprentissage »126. Selon
lui toujours, chaque média est doté d'un ou plusieurs attributs
spécifiques qui permettent de cerner les « possibilités
» de chaque média. Tout attribut n'est pas en soi
eficace mais dépend de la tâche à
accomplir du récepteur. Par ailleurs, il est nécessaire de tenir
compte des individualités : « l'utilisation d'un attribut
propre à un média éducatif peut être eficace pour un
certain type d'étudiant mais ineficace ou même
désavantageux pour un autre étudiant ayant d'autres
caractéristiques »127.Cette théorie nous
amène à poser deux questions essentielles. La première
découle du fait que le webdoc historique s'inscrit dans une logique
multimédia. D'autre part, pouvons nous envisager le web-documentaire
comme un média éducatif ? Pierre Olivier François pense
que le web-documentaire doit être un outil éducatif notamment
suite à ses propres observations lorsqu'il a présenté le
webdoc Adieu Camarades à des étudiants : « Nous
avons présenté le webdoc devant des étudiants et, comme
c'est assez ludique, ça passe très bien. Il faut que
l'éducation nationale se l'approprie ». Murielle,
institutrice, pense également qu'il « s'agit d'une bonne
idée pour l'illustration historique en classe ». Bien que le
web-documentaire historique ne s'assigne aucun tâche particulière
et que sa dimension multimédia complexifie les données, nous
pouvons tenter de classer le web-documentaire historique selon des
critères cités précédemment.
3.2.2- Quelle place pour le web-documentaire dans la
classification ?
Heidt montre que plusieurs modèles existent pour
classifier les médias selon leur eficacité
éducative. Nous ne pouvons utilisé celui de Bretz qui distingue
sept classes de médias en fonction du type d'informations qu'ils
présentent (auditive, visuelle fixe ou animée, textuelle etc).
Trois modèles ont cependant retenu notre attention.
Le premier est celui de D.T. Tosti et J.R. Ball. Il s'agit
d'un des modèles les plus cohérents dont la nouveauté est
de proposer une distinction entre média et mode de présentation.
Ils utilisent l'exemple de l'éléphant128. Selon Tosti
et Ball , « un étudiant n'apprend pas par le média. Il
apprend
126 HEIDT Erhard U. La taxinomie des médias, in
Communication, 33, 1981, pp. 51-74
127 Ibid
128 « l'image d'un éléphant dans un livre et
la description verbale de l'éléphant par un maître sont
différents à la fois quant au média et au mode de
par la forme de présentation. Les médias ne
font guère plus que présenter la chose à apprendre sous
une forme de présentation choisie précédemment
»129. Les deux auteurs distinguent six
dimensions130 de la forme de présentation. Si l'on se
réfère aux deux typologies (l'une construite sur les deux
critères n°1 et n°2 et l'autre sur les n°1 et n°3),
le web-documentaire se situerait entre le laboratoire d'image et la
diapositive, le film, la peinture et la photographie. La notion de
multimédia prend ici tout son sens. Si nous construisons notre propre
typologie à partir du premier et quatrième critères, nous
constatons que la diapositive et le webdoc se rejoignent une nouvelle fois.
Tout comme la diapositive, le web-documentaire invite à l'action et au
commentaire, à la contextualisation. Dès lors, peut on
déduire que le mode d'enseignement du web-documentaire prend source dans
celui de la diapositive ? Un tel modèle ne permet pas de tirer ce genre
de conclusion mais toutefois donne l'opportunité de saisir quelques
manières de présenter et faire circuler le savoir. Dans cette
optique, le web-documentaire est proche de la diapositive.
Le modèle de Clark est essentiel dans le sens où
il prend en compte que les effets d'un apprentissage sont le fruit «
d'interactions entre les traits spécifiques du traitement du message
éducatif et les caractéristiques propres de l'individu apprenant
»131. Les variables liées aux médias et
celles liées à l'individu interagissent dans le procès
d'apprentissage. Clark veut prendre en considération le comportement des
personnes. Cela nous paraît essentiel tant nous l'avons observé au
cours des entretiens. Les individus observés se comportent
différemment par rapport à un même web-documentaire et leur
apprentissage du sujet en est impacté.
Enfin, il existe le modèle de Salomon. Ce dernier
soutient que l'essentiel dans le comportement de l'individu réside moins
dans les réactions extérieures de l'apprenant que dans les
opérations internes.
« Les médias doivent être décrits
par rapport aux différents niveaux de supplantation des
opérations mentales qu'ils peuvent atteindre. Il veut dire par là
que les médias peuvent être intentionnellement conçus pour
présenter explicitement et donc supplanter ce qu'autrement l'apprenant
aurait à faire lui -même intérieurement et pour cela se
fonde sur ce que nous croyons savoir des opérations mentales
associées à une tâche d'apprentissage précise.
»132.
Nous pensons que le web-documentaire, en proposant un
modèle de pensée associative, anticipe une démarche
intellectuelle propre à l'apprentissage. Le web-documentaire
dévoile l'ensemble des mécanismes techniques et propose une
poétique du lien. Cette double caractéristique incarne les
processus à l'oeuvre lors de l'apprentissage.
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