3.1.4- Le web documentaire et la mémoire
individuelle, quel impact direct ?
Cette mise en scène impacte la mémoire
individuelle de l'internaute. Le procédé cité
précédemment n'est pas propre au web-documentaire historique. Ce
qui l'est toutefois, ce sont la structure tabulaire du contenu et donc des
images d'archives ainsi que la pensée associative.
L'intérêt du web historique est de présenter une telle
richesse de contenus et témoignages que l'internaute vit ou revit
l'évènement depuis une multiplicité de
subjectivités et points de vue. En cela l'évènement est en
perpétuelle régénérescence. La mémoire
individuelle d'un événement est alors fondée,
refondée ou revisitée par le web-documentaire. Dans chacun de ces
trois cas, l'oubli revêt une importance essentielle. « Pour
pouvoir vraiment se souvenir, il faut avoir oublié. Parce que se
souvenir ne veut pas dire seulement recopier un événement du
passé mais le revivre à nouveau »124. Mais
pour vivre un événement du passé, il faut pouvoir se
souvenir ou avoir su. Tel est le précaire équilibre qui se joue
dans le webdoc historique. Cet équilibre réside dans la
différence entre découvrir et se souvenir. Alice, dans son
parcours de lecture, préfère se diriger vers les archives :
« C'est intéressant d'avoir des avis différents mais
comme je connais pas trop l'événement, je préfère
avoir plus d'objectivité ». Cette absence de connaissance
initiale peut perturber le processus de mémorisation. En effet, si les
connaissances de l'individu sont faibles, la structure et la quantité de
contenus du web-documentaire peuvent s'avérer être des obstacles
à la compréhension. Dans le web-documentaire historique, la
logique et le fil conducteur doivent être pensés par l'internaute
(même si il est aidé). Dans le web-documentaire, il y a
coexistence d'images, de témoignages, de cartes qui sont autant
d'informations. Or Alain Lieury évoque et paraphrase la théorie
de McGeogh en afirmant que « l'oubli est
aggravé par les apprentissages ultérieurs et d'autant plus que ce
qu'on apprend ressemble à ce qu'on a appris »125.
L'absence de véritable fil conducteur peut perturber l'internaute si ce
dernier ne fait l'effort de développer une pensée associative.
D'autant plus que la surabondance d'information, caractéristique des
webdocs historiques, est la principale cause de l'oubli. Les réactions
des personnes observées recoupent un tel constat. Alice
l'afirme même explicitement :
« J'ai tendance à balayer les documents tandis
que dans un documentaire classique c'est fait pour retenir l'essentiel. J'ai
beaucoup d'info avec le webdoc mais finalement c'est mélangé,
c'est pas clair. Tout se mélange. J'arrive pas à avoir la ligne
directive ».
Le web-documentaire historique joue un rôle essentiel
dans la démarche de mémorisation et de commémoration.
Toutefois, ces deux processus nécessitent des connaissances
préalables. Dès lors, nous pouvons interroger la capacité
du web-documentaire à enseigner l'Histoire.
124 ATLAN, Henri et MORIN, Edgar, Sélection,
réjection op cit.
125 LIEURY, Alain, Oubli et traitement de l'information en
mémoire,in Communication, 49, 1989, pp. 113-123
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