2.3- L'internaute est pensé et valorisé
comme un explorateur : responsabilité cognitive.
L'internaute est pensé comme un historien, certes, mais
également comme un explorateur. C'est à travers cette figure que
se construisent de nouvelles pratiques médiatiques induites par le
webdoc historique. L'internaute traverse le texte, le temps et l'Histoire.
2.3.1- Le web-documentaire historique et l'écrit en
strates
104 AÏM, Olivier, La transparence rendue visible,
op cit.
105 Annexe 10
106 Annexe 11
107 VANDENDORPE, Christian, Du papyrus à l'hypertexte,
op cit.
« Il s'agit de montrer ce que l'écrit a perdu
en épaisseur tangible, en dimension volumique présente dans
l'objet imprimé, il l'a recréé par ailleurs dans une
organisation logique qui se présente comme une superposition de couches
»108 . Tels sont les termes de Dominique Cotte qui
explique comment les médias informatisés ont comblé un
manque d'épaisseur matériel soit une perte de
tridimensionnalité par rapport au papier. C'est cette épaisseur,
cette structure en strates que les internautes sont amenés à
traverser lorsqu'ils visionnent un webdoc historique. La profondeur de
l'intertextualité implique ainsi un imaginaire de l'exploration
revendiqué par les webdocs historiques. Ils développent
l'idée que les internautes doivent s'immerger pour replonger dans
l'histoire et les souvenirs des témoins. Il y a également la mise
en exergue de la notion de découverte ou de redécouverte qui pose
l'internaute en explorateur. C'est le cas du webdoc Indépendance
Chacha et son injonction "Redécouvrez"pour lancer le
documentaire. L'internaute est donc celui qui va dévoiler un
monde occulté, oublié. Le terme "Entrer" qui
précède de nombreux lancements de vidéo d'introduction est
également significatif de l'idée que chaque web-documentaire est
un lieu que l'individu pénètre.
Ce sont également les éléments graphiques
qui contribuent à cette figure de l'explorateur. Les cartes ne peuvent
pas être dissociées de l'imaginaire de l'exploration. Dans la
création Adieu camarades, la carte de l'Europe sur laquelle se
surimposent des cartes postales sur-sémiotise cet imaginaire du
voyage.
Carte interactive de l'Europe extraite du webdoc Adieu
Camarades
L'internaute est également un chasseur d'images. Il
doit trouver des indices, aller à la rencontre de témoins. Cette
figure du détective est à rapprocher de celle de
l'explorateur.
2.3.2- L'imaginaire du voyage : explorateur technique et
explorateur du sens
Cet imaginaire du voyage est fortement lié à la
création de sens. Dans l'ouvrage L'outre lecture, les
108 COTTE, Dominique, Ecrits de réseaux, écrits
en strates op cit.
auteurs parlent de « géographie de
l'activité »109. Cette notion repose sur
différents principes dont celui du renouvellement de l'espace
numérique. Il faut tenir compte que l'espace de l'écran n'est pas
celui du document. « Il se peut que le document dépasse la
surface de l'écran »110. D'où l'importance
d'explorer ces espaces sans limites. Car c'est de cette exploration que nait le
sens du web-documentaire. L'internaute doit se déplacer, naviguer entre
les documents pour leur donner un sens. Au cours de ce déplacement,
« se succèdent les opérations dans une chaîne
d'activités qui nous montre que les sujets construisent d'abord
"l'information" comme un espace moteur et perceptif ».Ce
chaînage repose sur trois règles essentielles que l'on retrouve
dans le web-documentaire historique :
- « il s'agit d'un dispositif moteur dynamique
où chaque action transforme le champ des possibles suivants
»
- le chaînage est structuré selon un «
centre de gravité » qui assure une certaine
cohésion technique
- l'existence de stratégies-type d'action et de
déplacement.
Par le biais de ce chaînage, l'internaute se fait
explorateur de sens. Cette quête du sens est possible grâce au
repérage dont nous avons traité précédemment.
L'internaute ou plutôt l'explorateur doit avoir à sa disposition
une série de repères spatiaux temporels qui lui permettent
d'évoluer dans l'espace. Nous avons d'ailleurs émis
l'hypothèse que le web-documentaire pouvait être pensé
selon la théorie de Jean Davallon qui s'interroge si le musée est
vraiment un média. Nous pouvons retourner cette interrogation pour
émettre la question : le web-documentaire historique n'est il pas
d'exposition de l'Histoire ? C'est le parcours de l'internaute entre les
différents contenus qui crée du sens. Chaque internaute peut se
rendre, rester ou quitter tel ou tel espace.
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