2.2.2- La mise en transparence, en visibilité des
moyens de production du savoir
La traçabilité de l'écriture a une double
signification : le procès de création du web-documentaire (il
s'agit d'une écriture dans le réseau) et la démarche de
lecture (le texte est réécrit par l'internaute). Le
web-documentaire historique est doté d'une dimension réflexive
très enrichissante dans le cadre de notre analyse. Il se donne à
voir à la fois en tant qu'objet médiatique mais également
en tant que procès de création. Chaque étape de sa
création semble être signifié voire même
sur-sémiotisé au sein même du dispositif. Alexandra Saemmer
propose une réflexion sur cette question qui fait l'objet d'un
article99 publié dans la revue Communication & Langages.
Selon elle, le texte numérique montre comment il a été
tissé. Il existe même un renoncement à l'illusion que le
texte s'énonce et se raconte tout seul. Désormais, le lecteur
peut accéder à des sources de l'auteur, à des suggestions
de lecture. Le texte est comme surveillé. Il entre dans un processus
d'auto-légitimation qui est propre également au web-documentaire.
En effet, si la figure de l'historien tend à s'effacer, les
bibliographies100 sont désormais des éléments
clés du web-documentaire historique. Ils sont cette trace de
l'écriture du point de la vu de la création. Les créateurs
des web-documentaires donnent à voir les coulisses. Olivier Aïm
parle d'« écriture de la transparence
»101. « L'écriture de la transparence est
une écriture du "tel quel" » selon Olivier Aïm. Dans le
web-documentaire historique les différents éléments
(archives, photographies, vidéos etc) se donnent à voir tels
quels. Il s'agit de document souvent à l'état brut. Le
web-documentaire Indépendance Chacha propose des rapports, des
vidéos d'actualité de l'époque et des photographies des
journaux à l'état brut. Les internautes peuvent d'ailleurs
télécharger les documents. On donne à voir les coulisses
de la création.
« La transparence se met volontiers en scène
dans des gestes réduits à une pure logistique : l'information est
à cliquer, les rapports sont à télécharger, les
données sont exhibées dans une
écriture de l'ostension
»102.
Cette écriture de l'ostension est exactement ce qui
caractérise l'écriture du web documentaire. Les documents sont
mis à disposition de l'internaute qui peut reconstruire,
réécrire le document. C'est le cas par exemple d'Alice qui a
téléchargé plusieurs documents pour les lire plus tard.
« je préfère aller aux faits concrets et archives et les
témoignages sont au second plan »103 La
majorité des personnes observées ont besoin des archives,
d'informations historiques car ils ont besoin de construire le contexte dans
leur processus de compréhension. Cette construction est possible car les
auteurs mettent en scène ces possibilités d'assembler, de tisser
des liens entre les documents. O. Aïm souligne que d'un « point
de vue éditorial, la transparence s'exhibe dans une mise à
disposition équivalente des contenus et des acteurs sur le même
plan, celui de la "ressource" [... J La
99 SAEMMER, Alexandra, Le texte résiste t-il
à l'hypermédia ? Dans DESEILLIGNY, Oriane et CLEMENT, Jean
(dir) Communication et Langages n°155, L'écriture au risque du
réseau, Armand Colin, 2008
100 Annexe 12
101 AÏM, Olivier, La transparence rendue visible,
Médiations informatiques de l'écriture, dans PÈNE,
Sophie (dir) Internet optique du monde Communication & Langages n°147,
Armand Collin, 2006
102 Ibid
103 Annexe 17
médiation des savoirs se lit souvent comme une mise
en scène de l'acte même de transmettre un contenu vulgarisé
»104 Les instances d'énonciation elles mêmes
sont mises en visibilité. Cela incite l'internaute à construire
le sens puisqu'il peut envisager et voire ses actes selon un processus plus
global.
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