PARAGRAPHE II : LES FONDEMENTS INFRA
CONSTITUTIONNELS
97 NYAMA (J-M) « La liberté de commerce et la
concurrence ... » Op. cit., p.60.
98 Le principe de la liberté de concurrence et celui de
la liberté des prix sont consacrés dans le contexte camerounais
par l'article 12 de la loi n°90/031 du 10aout 1990, régissant
l'activité commerciale au Cameroun, qui dispose « Les prix des
produits et des services sont librement déterminés par le jeu de
la concurrence sur le marché ».
45
La libéralisation des prix à travers
l'affirmation constitutionnelle de tous ces principes libéraux,
principalement celui du commerce et de la concurrence et celui des prix repose
sur des textes aussi bien législatifs (A) que d'origine administrative
(B).
A. LES TEXTES JURIDIQUES A CARACTERE LEGISLATIF
Il ne s'agit pas ici d'évoquer tous les textes de
nature ou de valeur législative qui fondent plus ou moins directement le
processus de desserrement de l'étau étatique sur les prix. Seules
seront évoquées quelques lois pertinentes régissant
notamment des objets entretenant un lien consubstantiel avec les prix, à
l'instar de ceux régissant l'investissement, l'activité
commerciale, ou encore la concurrence.
1. Les lois régissant l'activité
commerciale au Cameroun
Les lois régissant l'activité commerciale sont au
coeur du processus de
transformation de l'économie camerounaise, d'une
économie administrée à une économie dite de
marché, c'est-à-dire ouverte à la concurrence et à
toutes les libertés sus évoquées. L'article 1er de la loi
n°80-25 du 27 novembre 1980 fixant l'orientation de l'activité
commerciale prévoyait déjà à cette époque la
liberté de l'activité commerciale en la République Unie du
Cameroun. Seulement, à cette époque, c'est avec la même
ferveur qu'elle affirmait le monopole de l'Etat sur l'encadrement de
l'activité commerciale. Encore que ladite affirmation était on ne
peut plus vague99.
Dix ans plus tard, l'option résolument libérale
de l'économie camerounaise se fait plus nette à travers la loi
n°90/031 du 10 août1990 régissant l'activité
commerciale au Cameroun. Laquelle loi réaffirme le principe en le
précisant davantage en son article 4 qui dispose que :
« toute personne physique ou morale, camerounaise ou
étrangère, est libre d'entreprendre une activité
commerciale au Cameroun, sous réserve du respect des lois et
règlements en vigueur ». Si cette dernière loi
gagne en précision quant à la personnalité juridique des
bénéficiaires du principe, de même que sur la nature de
l'étendue de l'activité commerciale, il n'en demeure pas moins
qu'elle limite elle aussi cette liberté de s'établir
99 « L'activité commerciale est libre en
République Unie du Cameroun... », Article
1er de la loi n°80-25 du 27 novembre 1980 fixant l'orientation
de l'activité commerciale au Cameroun.
46
dans le commerce de son choix et d'exploiter à sa guise
son activité par le respect des exigences liées à l'ordre
public et de la réglementation en vigueur. Le fondement de la
libéralisation découle ici de la reconnaissance d'une
liberté d'engager une activité commerciale alors même que
seul l'Etat semblait avoir cette faculté. L'article 6 de ladite loi
reconnaît la faculté à toute entreprise de
déterminer librement sa politique de production, de distribution et de
commercialisation. La liberté de l'importation et de l'exportation
découle quant à elle de l'article 7.Cet Ensemble de mesures
traduit, ou invite à un recul, à défaut du retrait de
l'Etat du secteur marchand. La disposition la plus décisive en termes
d'affirmation d'une déréglementation normative des prix se trouve
dans les dispositions de l'article 12 de ladite loi qui consacre formellement
le principe de la liberté des prix en ces termes « les
prix des produits et des services sont librement déterminés par
le jeu de la concurrence sur le marché ». Ce texte
prescrit, certes, sous réserve des interdictions frappant certaines
pratiques anticoncurrentielles, l'éradication de toute fixation
étatique des prix, et suite, l'avènement d'une libre
détermination en référence aux lois de l'offre et de la
demande. Ceci étant, le principe de la liberté de concurrence
trouve également sa consécration dans des textes
spécifiques en la matière.
2. Les lois relatives à la
concurrence
La concurrence renvoie à une
compétitivité économique se traduisant dans un cadre
commercial et libre. Aussi, stipule-t-elle une sphère de liberté
en termes de déploiement de moyens pour s'attirer le plus grand nombre
possible de clients, dans le respect certes des normes100. A cet
effet, la présence de l'Etat ne peut qu'être résiduelle et
la réglementation du commerce, marginale voire inappropriée. Tout
texte d'encadrement de la concurrence ne vise qu'à la rendre possible et
viable par la création de ses conditions de réalisation. Ces
textes sont donc consubstantiellement porteurs de libéralisation.
Aussi paradoxale que cela puisse paraître, il convient
de noter que la concurrence est formellement consacrée depuis
l'époque de la réglementation tous azimuts de l'économie,
par des dispositions pertinentes de l'ordonnance portant régime
général des prix au Cameroun. La section III du titre VII de ce
texte portant « dispositions annexes à la
réglementation des prix » est intitulée
« du maintien de la concurrence ». Elle
condamne toutes pratiques
100 CHAPUS (Y), le Droit de la concurrence, que sais-je
? PUF, Paris, 1988 P. 3.
47
anticoncurrentielles et les assimile à des pratiques
des prix illicites administrativement et juridictionnellement
sanctionnée comme telles101. Le souci d'adaptation de la loi
au contexte ambiant de libéralisation du commerce et des
échanges, a amené le législateur à adopter une loi
sur la concurrence en 1998102. Il faudrait cependant signaler
l'incomplétude de ladite loi qui ne réglemente que les accords
anticoncurrentiels, les abus de position dominantes, les fusions et les
acquisitions d'entreprise. Or, la concurrence va au-delà de ces quatre
situations, et englobe les pratiques restrictives de concurrence et nombre
d'autres pratiques de concurrences déloyales tant collectives
qu'individuelles.
Ce qu'il convient de retenir est que dans l'ordonnancement
juridique camerounais, nombre de textes de nature ou de valeur
législative consacrent la concurrence. Ce qui traduit son option pour
une économie de marché ouverte à l'investissement.
3. Les lois régissant l'investissement
Les différentes lois régissant l'investissement
au Cameroun reflètent la politique économique en vigueur à
chaque époque, Ainsi la loi N°84/002 du 04 Juillet 1984 portant
code des investissements en République du Cameroun, abrogeant le code
des investissements de 1960 avait le souci de donner la priorité aux
petites et moyennes industries (PMI/PME) orientées surtout vers la
transformation des produits primaires locaux. Ce code justifiait de fait
l'intervention de l'Etat comme locomotive du développement de
l'industrie. En revanche, le code des investissements N°90/007 du 8
Novembre 1990 préconisait l'option pour une politique libérale
certes imposée de l'extérieur.103 En effet, l'objet de
ce titre était de favoriser et de promouvoir les investissements
productifs à travers des mesures d'encouragement à la
création et au développement des activités
économiques104. Cette loi préconisait en outre la
promotion des exportations à travers la création des
régimes spéciaux procurant nombre d'avantages aux entreprises
parmi lesquels le régime de zone franche industrielle crée et
régie par l'ordonnance N°90/001 du 19 Janvier 1990 et
ratifiée par la loi N°90/023 du 10 Août 1990.
101 Articles 43 et 44 de l'ordonnance N°72 portant
régime général des prix.
102 Loi N°98/0 16 du 14 Juillet 1998 relative à la
concurrence.
103 TOUNA MAMA Op. Cit. P.95.
104 Article 2 alinéa 1 c'est-à-dire
activités commerciales et industrielles.
48
Ce dernier régime ouvrait en effet comme une zone et
des points « de non droit »105.
La loi N° 2002/004 du 19 Avril 2002 portant charte des
investissements en République du Cameroun actuellement en vigueur, a
abrogé les anciens codes autant que les régimes des zones
franches. Le changement de nomenclature n'est sûrement pas hasardeux. En
effet, si le code renvoie à un ensemble de textes normatifs
régissant une matière déterminée ou un domaine
spécifique, la charte en revanche, régissant certes aussi un
domaine spécifique, est emprunte, elle, de souplesse et de
flexibilité. La charte des investissements ressemble en
réalité à une série d'exhortation, de
sensibilisation, de programmation ou même d'incantation en faveur de
l'ouverture du marché, sans caractères véritablement
contraignants puisque sans sanctions, un véritable hymne au
libéralisme économique. Elle affirme le choix
pour« une économie du marché comme
mode d'organisation économique
privilégié »106, la reconnaissance
du rôle clé de l'entrepreneur, de l'investisseur, bref de
l'entreprise privée à côté toutefois du rôle
essentiel de l'Etat dans la promotion du développement économique
et social. La charte clarifie le rôle de l'Etat, celui du secteur
privé et de la société civile. Le respect de ces
rôles apparaît comme un gage de bonne gouvernance
économique. Elle préconise la formation d'un réel
partenariat entre l'Etat, le secteur privé et la société
civile, qu'elle considère comme la condition de recherche d'une
meilleure efficacité de l'économie. Ce texte par trop
libéral, préconise enfin la mise en place d'une fiscalité
incitative et attractive autant qu'un encadrement flexible et réversif
pour la compétitivité économique.
Dans cette logique, la charte réaffirme la
liberté d'entreprendre et d'investissement comme étant
« un principe général de droit
»107. Plus encore, la charte confirme la
liberté des prix à travers son article 13 qui dispose clairement
: « les mécanismes de l'offre et de la demande
s'appliquent aux services et biens offerts à la collectivité
». En d'autres termes, d'après la charte, l'Etat ne
devrait plus intervenir dans la détermination des prix. Il n'y a
guère meilleure argumentation pour fonder la
déréglementation des prix.
Au demeurant, le législateur camerounais mu par les
vents du libre échangisme ambiant, a usé de son pouvoir normateur
pour édicter des actes favorables à l'avènement d'un cadre
déréglementaire de prix. Ceci aura été le cas des
textes régissant autant l'activité
105 MEBENGA (M) Op.Cit. P.76.
106 Article 1er de la charte des investissements.
107 Titre 2 de la Charte.
49
commerciale que la concurrence et les investissements. Des
lois que sont chargées de mettre en application, des normes de valeur
infra législatives et de nature administrative.
|