B- LA RECURRENCE DES PROCEDES PARTICIPATIFS
Deux procédés se développent en termes
d'encadrement participatif des prix. La multiplication des cadres de
négociation de prix entre l'Etat et les opérateurs, aboutit
finalement au développement de la technique contractuelle.
1- La concertation ou la négociation des
prix
La démocratie participative, impulsée par les
bailleurs de fonds internationaux et réceptionnée dans le cadre
interne, n'a pas laissé de surprendre par son action dans la
transformation des habitudes et des pratiques publiques au Cameroun. Cette
approche est en effet aujourd'hui en vogue et elle s'observe en matière
d'encadrement des prix. Le département ministériel principalement
en charge des prix a particulièrement développé cette
technique sous l'ajustement structurel. Les vertus du dialogue
économique sont explorées à tous les niveaux de la
chaîne économique et à la moindre possibilité. La
réglementation autoritaire et l'imposition de mesures
unilatérales cèdent la place à la concertation, à
la consultation, à la négociation, à l'exhortation,
à la sensibilisation, à la reddition des comptes. Même la
technique des boîtes à suggestions qu'il ne faille
considérer participe de cette logique.
En fonction des problèmes conjoncturels
circonstanciels, ou ponctuels, les différents acteurs des
filières concernées sont appelés à la table de
négociation par l'Etat pour une résolution collective desdites
situations. Ceci participe d'un double souci. Il est question en premier lieu
d'impliquer les différents intervenants afin que, se sentant
impliqués, ils s'y reconnaissent et soient donc tenus de respecter de
bonne foi les engagements pris. Cette
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approche offre en second lieu, une tribune importante
d'expressions, pour une meilleure prise en compte des préoccupations de
tous les acteurs. Mais surtout, elle permet d'être solidaire du
gouvernement car elle légitime ses actions et ses décisions.
La négociation des prix reste cependant plus formelle
que réelle. L'administration abandonne assez difficilement ses
prérogatives de puissance publique pour traiter d'égal à
égal avec les opérateurs274. Ces négociations,
lorsqu'elles ne portent pas sur les difficultés de leur mise en oeuvre,
aboutissent parfois à la signature de protocoles d'accords sur les
prix.
2- La contractualisation ou les protocoles d'accords
à la mode
Monsieur Thomas BIDJA NKOTTO, en affirmant que «
l'existence des conventions des prix n'est pas établie au
Cameroun »275semblait avoir ignoré que les
conventions en matière de prix ont été consacrées
dans l'ordonnance N°72 en l'alinéa c de l'article 4.276
soit trente ans avant ses travaux de recherche. La conventionnalisation n'est
donc pas une nouveauté de l'ère de la libéralisation. Elle
est simplement plus à la mode aujourd'hui avec la prolifération
de protocoles d'accords signés entre l'Administration et les
opérateurs économiques. Ces protocoles d'accords sont variables
en fonction des domaines277. Il se pose le problème de leur
nature et de leur force juridique.
Pour le premier problème, force est de constater que
leur nature juridique est incertaine parce que rendant vaine, toute tentative
de classification dans une catégorie juridique du droit des contrats.
Ils ne sont rigoureusement ni contrats privés, ni contrats
publics278 pour Monsieur BIDJA NKOTTO, reprenant une décision
du Conseil d'Etat « en présence d'accords entre
l'administration et les représentants de la profession [l'accord
est
274 L'administration maintien comme une épée de
Damoclès, sur la tête des opérateurs ; l'arsenal juridique
de mesures contraignantes que lui reconnaît la loi, bien que consciente
de ce que l'efficacité de leur mise en oeuvre serait incertaine dans la
plupart des cas
275 BIDJA NKOTTO (T), Les contrats de l'Administration au
Cameroun, Thèse droit public, Paris-Panthéon-Sorbonne,2000,
p.270 .
276 L'alinéa c de l'article 4 de l'ordonnance N°72
prévoit en effet la détermination des prix « par convention
avec les sociétés ou les secteurs professionnels, garantissant
une stabilité globale et relative des prix ».
277 Protocole d'accord entre le gouvernement de la
République du Cameroun et les opérateurs économique de l
filière poisson congelé importé, de la filière riz,
de la filière sel brute du 3 Octobre 2006 communiqué de presse
N°0380/CP/MINCOMMERCE/CAD sur la concertation avec les opérateurs
et professionnels de filières de l'édition et de la vente du
manuel scolaire d'une part, et de la confection des tenues scolaires d'autre
part du 13 Août 2007 ; protocole d'accord entre le gouvernement de la
République et la filière agricole du 15 Décembre 2006,
protocole d'accord tripartite entre le Ministère du Commerce, les
fournisseurs et les responsables des supermarchés portant
modalités d'exécution de la campagne promotionnelle des produits
de grandes consommation pendant les fêtes de fin d'année 2006 et
de nouvel an 2007etc...
278 La présence de l'Etat, l'existence de normes
exorbitantes de droit public, l'objectif de réalisation d'un besoin
d'intérêt général cohabite avec l'absence des
différents critères de définitions d'un contrat
administratif.
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qualifié de] décision
unilatérale à caractère réglementaire prise en
accord avec la profession ». Cette assertion ne peut que
surprendre tant elle semble contradictoire. Il apparaît assez subtil de
considérer qu'une opération mettant en scène deux acteurs
puisse être unilatérale quelque soit le degré d'implication
de l'un ou de l'autre. En réalité, ces protocoles peuvent
être considérés comme des codes de conduite épousant
le contenu des contrats d'engagement avec obligations de moyens et non de
résultats. Ceci se justifiant par le caractère synallagmatique de
l'acte et par son caractère relativement contraignant.
La force juridique d'un acte, considérée comme
la capacité à s'imposer ou à se faire respecter,
paraît être l'enfant pauvre des protocoles d'accords. Ceci
participe de deux raisons. Premièrement, les opérateurs qui
prennent ces engagements manquent dans leur grande majorité de
légitimité en termes de représentation des
filières. Mais aussi les protocoles d'accords semblent ne pas tenir
compte de la structure des prix, des autres éléments entrant dans
la structure du prix. Au-delà de ces considérations, il faudrait
ne pas oublier les effets de la mondialisation de l'économie sur les
modalités internes d'encadrement des Etats.
Au regard de ce qui précède, l'encadrement des
prix apparaît comme le maître mot des manifestations de la
régulation des prix. Il apporte transformation au niveau des
détenteurs du pouvoir d'encadrement à travers le
phénomène de démocratisation de celui-ci et aussi une
transformation dans la substance même de l'encadrement au travers d'un
processus de flexibilisation de celui-ci. L'option - sous l'effet de la
libéralisation - d'une approche participative favorise un encadrement
concerté et souple des prix.
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