PARAGRAPHE I : LA MOBILISATION D'INSTITUTIONS
PUBLIQUES231
Les institutions publiques chargées de la
régulation des prix recouvrent non seulement l'administration
économique compétente à titre général ou
spécial en matière de prix (A) mais aussi, la justice des prix
(B).
A- L'ADMINISTRATION DES PRIX
L'organisation économique de l'Etat permet en effet de
dégager l'existence d'une administration des prix232. Cette
administration permettant de distinguer autant les institutions-personnes que
les institutions-organes ; se décline en administration centrale et
administration périphérique des prix.
1- L'administration centrale
L'administration centrale des prix est soit politique, soit
technique.
a- L'administration politique
Il s'agit des autorités politiques notamment le
Président de la République, le Gouvernement à travers son
Chef, et le Conseil Economique et Social (CES).
Le Président de la République est le Chef de
l'administration économique de l'Etat233. Il dispose à
cet effet de nombreux pouvoirs tant implicites qu'explicites. Les
231 Seront considérés dans le cadre de cette
recherche comme institutions publiques toutes celles relevant de l'Etat en tant
que personne morale de droit public
232 ORSONI (G), L'administration de l'économie, LGDJ,
Paris, 1995. P. 183 et svtes. 233MOMO (B), Op. Cit. P. 12.
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pouvoirs explicites découlent de l'article 5,
alinéa 1 de la loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996 qui
reconnaît au Président de la République le pouvoir de
conception de la politique de la nation y compris donc en matière
économique. Il peut en plus se substituer au pouvoir législatif
en vertu de l'article 28. De même peut-il directement empêcher au
parlement d'arriver à faire passer une loi en matière
économique à travers le pouvoir discrétionnaire dont-il
bénéficie du fait de la promulgation des lois234 . Le
Président de la République peut influencer sur les prix par son
seul pouvoir financier et budgétaire235. Par ailleurs, les
grandes lignes du programme économique social et financier
présenté par le Premier Ministre à l'occasion des sessions
budgétaires du parlement sont tracées par le Président de
la République. Faut-il rappeler en plus que le régime
général des prix au Cameroun repose sur une ordonnance ?
L'analyse des pouvoirs économiques du Président de la
République a amené le Dr Bernard MOMO à dégager les
pouvoirs implicites qu'il détient en la matière236.
Le Premier Ministre joue un rôle primordial en
matière économique qui pourrait amener dans une certaine
interprétation, à le considérer comme l'autorité
des prix. Son pouvoir, tant hiérarchique que tutélaire sur les
institutions chargées des prix, lui confère en effet
d'énormes prérogatives en la matière237. Il
coordonne par ailleurs l'action du gouvernement et donc, des
départements ministériels en charge des prix ou concernés
par les prix. Son pouvoir réglementaire permet d'évoquer nombre
de textes juridiques238 . Il veille sur l'efficacité de
l'administration technique des prix, au côté du Conseil
économique et social.
Le Conseil économique et social (CES) est un organe
consultatif en matière économique et social,
constitutionnellement institué. Il est composé de 45 membres
désignés par le Président de la République qui en
détermine également le programme de travail. Ses membres
représentent divers secteurs et diverses sensibilités de la
nation. Le Conseil
234 Cependant, le Président de l'Assemblée
Nationale peut en vertu de l'article 31, alinéa 2 de la loi
constitutionnelle du 18 Janvier 1996, se substituer au Président de la
République après avoir constaté sa carence. Il faudrait
souligner ici que ce pouvoir n' »est en fait qu'une faculté mais
aussi que la constitution n'a pas précisée les conditions
à partir desquelles l constat de la carence du Président de la
République devrait être opérée. Ceci dénote
d'un vide juridique expressément ou inconsciemment orchestré par
le législateur constitutionnel de 1996.
235 Cela a été par exemple le cas, ou du moins
l'objectif de l'ordonnance N°2006/001 du 28 Septembre 2006, portant
révision de la fiscalité applicable à certains produits de
première nécessité, avec répercutions sur les prix
desdits produits sur le marché.
236 Dans le cadre de la présidence du conseil des
Ministres, des messages à la nation, de la réfection des
délégations étrangères des bailleurs de fonds, de
la représentation de l'Etat auprès d'organisation internationale
à vocation économique. Pour ce faire, le Président de la
République dispose des services internes et rattachés. MOMO (B),
Op. Cit. P. 13 et svtes.
237 Ces institutions doivent généralement lui
dresser un rapport en fin d'exercice avec un volet important sur
l'évolution les litiges ou les problèmes liés au prix.
238 Entre autres, décret N° 93/720/PM du 22
Novembre 1993, fixant les modalités d'application de la loi
régissant l'activité commerciale au Cameroun. Décret
N° 2005/1362/PM du 06 Mai 2005 fixant la composition, des modalités
de fonctionnement et de saisine du comité antidumping et des
subventions. Décret N° 2005/1363/PM du 06 Mai 2005 fixant la
composition et les modalités de fonctionnement de la Commission
Nationale de la Concurrence etc....
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économique et social fonctionne en sections, au nombre
desquelles la section économique qui y occupe une place centrale, bien
que ses avis ne lient ni le Gouvernement, ni le parlement239. Le CES
exerce également une fonction quasi-contentieuse en matière
économique. Ses avis, quels qu'en soient les cas, restent d'une
importance certaine dans l'encadrement des prix au même titre que les
institutions de l'administration technique.
b- L'administration technique
Parler d'administration technique revient à
évoquer les départements ministériels directement ou
même incidemment concernés par les prix au Cameroun. Il s'agit de
ceux chargés principalement de mettre en oeuvre les orientations donner
par l'administration politique en la matière. Sous ce dernier registre,
il convient de relever la prépondérance du ministère en
charge du Commerce240, sans toutefois négliger la place
importante des autres départements ministériels dont le
rôle n'est pas moins important dans la régulation des prix. Il
faudrait à cet effet, reconnaître à la suite du Dr Bernard
MOMO, citant Monsieur De LAUBADERE que «Tous les
Ministères présentent un aspect économique
»241 et par ricochet, sont concernés
directement ou indirectement par les prix. C'est d'ailleurs ce qui explique que
les commissions des Comités tournant autour de la gestion des
problèmes du prix ont généralement une composition
interministérielle. Le Conseil des Ministres, formation
interministériel par excellence, constitue également une
structure centrale d'encadrement des prix à cet égard.
2- L'administration
périphérique
239 Le Dr Bernard MOMO souligne que le CES « offre le moyen
au pouvoir public de connaître le point de vue de chacune des grandes
catégories professionnelles. Il est le lieu de confrontation des points
de vue et de rencontres des personnes de différentes horizons»
Op.Cit P.26.
240 La relative instabilité de l'organisation et de la
nomenclature des institutions gouvernementales dans le temps ne rend cependant
pas facile toute tentative de classification ou de hiérarchisation des
départements ministériels concernés par la
problématique du prix. Le Ministère chargé des prix a en
effet changé de casquette entre le Ministère du
Développement Industriel (MINDIC) et le MINEFI Ministère de
l'Economie et des Finances.
241 MOMO (B), Op. Cit. P.16.
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Suivant que le rôle des institutions centrales est
fondé sur un pouvoir hiérarchique, ou de tutelle, les
institutions périphériques en charge des prix sont
déconcentrées ou décentralisées.
a- L'administration
déconcentrée
La déconcentration de l'administration des prix est
soit technique, soit territoriale. Sur le plan horizontal, il faut noter la
fonction des services provinciaux et départementaux qui abritent en leur
sein des brigades de contrôle des fraudes commerciales. La
déconcentration verticale quant à elle permet d'évoquer
ici le rôle des gouverneurs de province et celui des Préfets dans
la procédure par exemple d'homologation préalable des prix. Les
commissions des prix tant centrales que provinciales participaient de ce qui
aurait pu être appelée une déconcentration technique
spécialisée242, malgré le fait que leur
mode de fonctionnement aurait pu militer en faveur de leur classification au
sein des structures publiques décentralisées chargées des
prix à titre principal ou accessoire. A côté de ces deux
commissions, qui n'existent plus, il existe aujourd'hui les commissions
spéciales prévues par l'article 3 de l'ordonnance et
organisées par décret. Tel est le cas de la commission
spéciale et nationale du médicament chargée de
l'homologation et de la mise sur le marché des produits
pharmaceutiques243
b- L'administration
décentralisée
Il s'agit à ce niveau de mettre en évidence
l'action d'organes plus ou moins rattachés à l'Etat, mais
jouissant d'une autonomie fonctionnelle et financière. Ces structures
exercent généralement une fonction consultative en matière
des prix. Certaines agissent cependant de façon directe sur les prix.
Au nombre des structures agissant directement sur les prix, la
Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH) occupe une place de
choix. Etablissement public crée par
242 En effet, elles ne sauraient relever de la
décentralisation malgré leur spécialisation ; parce que
relevant directement du département ministériel en charge des
prix. Il s'agit d'organe technique respectivement chargé d'assister le
Ministre du commerce et le Gouverneur dans l'application de la politique
gouvernementale des prix, en proposant des mesures sur l'orientation de ladite
politique et en donnant obligatoirement leurs avis pour l'homologation des
prix
243 Cf. Loi N°90/035 du 10 Août 1990, relative
à l'exercice de la profession de Pharmacien. Décret
n°88/465/PM du 22 octobre 1998 fixant les modalités d'homologation
et de mise sur le marché des produits pharmaceutiques.
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décret N°74/458 du 10 Mai 1974 et
réorganisé par décret présidentiel N°98/165 du
26 Août 1978, la CSPH est chargée d'une mission spécifique
de régulation des prix des produits pétroliers en vue d'assurer
la sécurité du consommateur face aux fluctuations des cours sur
le marché international des produits pétroliers244.
L'objectif primordial de la Caisse est donc la lutte contre l'inflation. Sa
tutelle est assurée par le Ministère en charge des prix. Cet
organisme joue également un rôle d'arbitrage entre les acteurs du
secteur et le règlement pré juridictionnel des conflits. La CSPH
gagnerait en inefficacité si elle ne pouvait s'en tenir qu'à son
rôle de régulateur rendu nécessaire après le vaste
mouvement de libéralisation du secteur des produits pétroliers
opérés depuis les années 1990245.
La libéralisation des prix a justifié la
suppression de plusieurs Caisses de stabilisation ou du moins leur
réorganisation. Tel a été le cas dans le domaine du
café et du cacao en particulier du secteur agricole en
général246.
Sous le même registre, doivent être pris en compte
les institutions telles que les agences de régulation qui jouent un
rôle très important en matière de régulation de la
concurrence et des prix ou tarifs des produits et services dans les domaines
dont ils ont spécifiquement247 la charge. Il faudrait
également évoquer ici l'existence des structures spéciales
compétentes en matière de prix tels que l'Observatoire du prix du
médicament, les Brigades spéciales de contrôle des prix des
logements universitaires248.
Les structures décentralisées
expressément constituées en matière des prix sont
légion. Il s'agit en majorité de commissions, de Comités
tripartites ou paritaires. Certaines ont une nature publique à l'instar
de l'Institut National de la Statistique (INS) qui fournit des
244 Elle prend en charge partiellement ou totalement les
augmentations des prix dans la mesure des ses possibilités
financières et intervient subsidiairement dans toutes les
opérations de nature à stabiliser les prix et à les
péréquer
245 Ce secteur était des plus monopolistiques. Le
régime des prix des produits pétroliers était soumis
à un système d »'homologation et de fixation administrative
des marges bénéficiaires. Depuis les années 1990,
plusieurs mesures de libéralisation a ont été prises : La
démonopolisation de la Société Nationale des Hydrocarbures
de la (SNH) en matière de livraison du pétrole brute à la
Société Nationale de Raffinage (SONARA) et l'élimination
de la subvention associée à cette livraison en 1995 ;
l'élimination du monopole de la SONARA en matière de fourniture
de produits pétroliers au marché local du fait d »'une
libéralisation progressive des importations depuis le 1er
Juillet 1998 ; l'élimination du monopole de la Société
Camerounaise des Dépôts Pétroliers (SCDP) en matière
de stockage des produits pétroliers en 1998, et la libéralisation
des prix et des marges de distribution des produits pétroliers depuis le
1er Juillet 1999 et enfin d'importantes modifications au niveau de
la fiscalité pétrolière allant dans le même sens.
Toute chose justifiant la création d'un organe de régulation tel
que la CSPH.
246 (L'ONCPB), l'Office National de Commercialisation des
Produits de Base a été liquidé et remplacé en
matière de cacao et du café par l'ONCC (Office National du Cacao
et du Café) et la CICC (Commission Interprofessionnelle du Cacao et du
Café) qui conjuguent leur effort avec la Société de
Développement du Cacao (SODECAO) Lire pour d'amples
développements TOUNA MAMA (Ss. Dir Op. Cit. P.66 et svtes.
247 Agence de Régulation du Secteur de
l'Electricité (ARSEL), Agence de Régulation des
Télécommunications (ART) Autorités portuaires...etc.
248 Arrêté préfectoral
N°0083/AP/JOT/BRP/2 du 13 Juin 2007 constatant la composition de l'antenne
locale de la brigade spéciale des logements d'étudiants de
l'Université de Yaoundé II à SOA.
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renseignements statistiques aux services centraux et
déconcentrés du ministère en charge des prix dans le cadre
de la surveillance ou de la maîtrise du marché en
général, et spécifiquement de la lutte contre
l'inflation.
A côté de cette structure, doit être
évoquée la chambre de commerce, d'industrie et des mines du
Cameroun rebaptisée en 2001 « Chambre de commerce,
d'industrie, des mines et de l'artisanat » en
abrégé CCIMA249. Assurant des missions
d'intérêt professionnels et des missions de service public en tant
qu'organe de liaison entre l'Etat et les milieux d'affaires privé dans
plusieurs domaines économiques, la CCIMA est placée sous la
tutelle du Ministère du commerce. Elle a un pouvoir d'enquête
économique et elle doit, d'une manière générale,
émettre des avis sur toutes les questions intéressant
l'économie nationale .Cette structure participe aux rencontres des
commissions et Comités auquel le secteur privé est
impliqué. C'est d'ailleurs à ce titre qu'elle assure la
coordination de la participation du secteur privé au Comité
interministériel élargie au secteur privé (CIESP).
La régulation des prix se caractérise ainsi par
l'éclatement de l'administration publique des prix en diverses
institutions plus ou moins directement compétentes en la matière.
Elle ne s'incarne pas uniquement dans ces structures non contentieuses. Elle
épouse aussi les contours d'une justice des prix.
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