CHAPITRE I : LES JUSTIFICATIONS DE LA REGULATION
Forme actuelle d'encadrement social, la régulation
couvre nombre de domaines de l'économie, y compris les prix. Elle
apparaît comme une technique de gestion des prix, associant des acteurs
aux fondements d'actions et finalités égoïstes parfois
antagonistes, mais tous mus par un objectif, à savoir la protection de
leurs intérêts économiques167. La
finalité de la régulation se trouve ainsi être le devoir de
protection étatique de ces intérêts. En effet, les
intérêts particuliers contrastent avec l'intérêt
général. Aussi, la recherche de l'équilibre entre ces deux
types d'intérêts, contradictoires mais parfois
complémentaires amènent-elles la régulation à
concilier entre la nécessité de protection de
l'intérêt général (Section II) avec
l'impératif de préservation des intérêts
catégoriels (Section I).
SECTION I : LA PROTECTION D'INTERETS ECONOMIQUES
PARTICULIERS.
La vraisemblable redondance du concept
intérêt économique168particulier
n'enlève rien au fait qu'il concerne, non pas l'ensemble de la
communauté, mais deux catégories spécifiques d'acteurs,
généralement distingués en matière de
commercialisation. En effet les intérêts ici
protégés sont ceux du consommateur (paragraphe I) et ceux de
l'opérateur (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA PROTECTION DES INTERETS DU
CONSOMMATEUR
La notion de consommateur varie suivant que l'on
considère le commerce des marchandises ou des services. Pour le commerce
des marchandises, il s'agit de celui qui les utilise, pour satisfaire ses
propres besoins et ceux des personnes à sa charge, non pas pour les
revendre, les transformer ou les utiliser dans le cadre de sa profession. Pour
le commerce des services, il s'agit de tout bénéficiaire d'une
prestation169. Contre les manoeuvres frauduleuses
167 Entendu dans le cadre de ce devoir comme l'ensemble des
droits, avantages, et prérogatives légalement garantis aux
différents acteurs sur le plan économique.
168 En effet étant en matière économique les
intérêts évoqués ici ne peuvent qu'épouser
cette nature.
169 Cette définition apparemment simple et claire
pèche pourtant par une certaine imprécision. Notamment, pour ce
qui est du sens du concept « Propre besoin ». Ce concept aussi vague
qu'ambigu laisse à l'acquéreur du bien le pouvoir de lui donner
la direction en termes d'usage au gré de ses intérêts. Le
danger étant de pouvoir y dissimuler la vente, la transformation et
l'usage professionnel.
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ou véreuses des commerçants et les exigences
liées à la politique économique de l'Etat, le consommateur
doit être protégé et défendu. C'est ce qui a
justifié en droit camerounais la consécration du droit à
la protection du consommateur (A) quand bien même son corollaire, le
droit à la défense (B) n'a reçu aucune
considération similaire.
A- LE DROIT A LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR.
Le droit à la protection du consommateur est
consacré au Cameroun à la faveur de la loi régissant
l'activité commerciale au Cameroun, et il est
réitéré par son texte d'application. La Charte des
investissements oblige le secteur privé à exercer ses
activités avec le souci de préserver les intérêts et
la santé des consommateurs et des usagers. Les droits du consommateur
doivent donc être préservés en matière de prix, de
même doivent-ils être préservés contre les pratiques
et manoeuvres visant à entamer sa liberté contractuelle.
1- La garantie des droits du consommateur.
Le mouvement consumériste né, aux Etats-Unis,
s'est répandu sur le reste du monde. Il n'a pas épargné le
Cameroun. Sur le plan interne ce droit est consacré depuis
1990170 sur le plan interne. A l'échelle communautaire, un
acte sur les contrats de consommation demeure en étude. La faiblesse
économique du consommateur justifie l'envol du législateur
à son secours. En dehors de la protection par les règles communes
du droit des contrats, le consommateur est protégé par des textes
spécifiques. Il s'agit du droit à l'information, à travers
la publicité des prix et le respect des règles liées
à la facturation171
a- Le droit à l'information à travers
la publicité des prix
Dans tout contrat, la période précontractuelle
ouvre droit à l'obligation d'information entre les parties172
afin d'éviter le dol ou l'erreur. Cette exigence va d'ailleurs
jusqu'à l'exécution du contrat. Le droit à l'information
du consommateur se décline également en
170 Le Titre 4 de la loi de 1990 régissant
l'activité commerciale au Cameroun est intitulé « De la
protection des consommateurs ».
171 La protection de la santé et de la
sécurité du consommateur relève de la
réglementation des normes, poids et mesures.
172 NYAMA (JM), Eléments du droit des
affaires.... Op-cit P 261
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obligation de renseignement sur les prix. Cette obligation
apparaît d'ailleurs comme une condition essentielle à la
transparence du marché et au jeu de la concurrence173. Cette
obligation repose, outre, sur les caractéristiques du produit, les
garanties du service après vente, principalement sur la publicité
des prix174. La publicité doit se faire par voie de marquage
et d'étiquetage, d'affichage, ou par tous autres moyens
appropriés. Elle doit être juste et réelle. À
défaut, elle devient mensongère175, et donc
susceptible de sanction quelque soit la voie. Par ailleurs, toute information
sur les prix doit faire apparaître « le prix unitaire
» et le prix réellement ou effectivement payé.
Le défaut de publicité en lui-même est constitutif de
délit d'autant plus que la publicité doit être faite ou
peut être faite par tout moyen d'information possible (écrit,
oral, audiovisuel), sans considération du lieu de diffusion. Toute
violation de la réglementation sur la publicité des prix est
sévèrement réprimée sans considération de
l'auteur réel, qu'il s'agisse donc d'un professionnel ou d'un simple
annonceur. S'adressant à des professionnels, à des
ménages, à des personnes physiques ou morales, la
publicité mensongère est condamnée en vue de
protéger les droits du consommateur, parmi lesquels, le droit à
la facturation.
b- Le droit à la facturation
Le consommateur à également droit à la
délivrance d'une facture à l'occasion de toute vente de produits
ou de toute prestation de service176. Quelque soit la destination du
produit, l'obligation de délivrance de la facture est
conditionnée par l'exigence de sa demande par le
consommateur177. Ceci paraît toutefois anormal au regard des
obligations comptables qui pèsent sur le commerçant autant que
pour la sécurité du consommateur en termes de preuves de la
transaction. La facture prouve et scelle d'ailleurs le contrat de vente tacite
ou verbal. Elle n'est valable qu'à condition de renfermer un certain
nombre de renseignements au nombre desquels le prix occupe une place de choix.
La facture est rédigée en double exemplaire, l'original
étant remis à l'acheteur. Elle a une validité de cinq ans
à compter de la
173 Article 20 de la Loi N°90/031 et Arrêté
N°009/MINDIC/DPPN réglementant la publicité des prix
à l'égard du distributeur, détaillant et du
consommateur.
174 Idem
175 Alinéa 2 Article 22 de la Loi N°90/031 «
toute publicité comportant sous quelques formes que se soit des
allégations, indications ou présentation fausse, ou de nature
à induire en erreur est interdite.
176 Le droit à la facturation est consacré depuis
l'ordonnance N°72/018 portant régime général de
l'Etat en ses articles 40 à 42.
177 Article 28 de la Loi N°90/031
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date d'émission. Il convient cependant de noter que
dans la majorité des cas et particulièrement dans les grandes
surfaces commerciales, la facture est systématique alors qu'elle ne
l'est pas pour un certain type de commerce. Tel est le cas dans les
boulangeries, les stations services, les ventes occasionnelles courantes
qu'englobe le secteur informel. Un secteur dans lequel nombre de pratiques
portent atteinte à la liberté contractuelle du consommateur.
2- La sauvegarde de la liberté contractuelle du
consommateur.
Le consommateur à droit à la liberté de
conclure un contrat et de choisir le contenu dudit contrat.
a- La liberté de contracter ou de ne pas
contracter
Le consommateur doit librement contracter, soit par sa propre
initiative, soit à la suite d'une proposition. Toujours est-il que son
consentement doit être volontaire et en toute connaissance de cause. A
cet effet, la loi interdit certains procédés de vente qui
altèrent cette liberté tout en réglementant d'autres. Sont
interdites par la loi régissant l'activité commerciale au
Cameroun, les ventes à la boule de neige (Article 25), les ventes
soumises à conditions liées (Article 26), le refus de vente
(Article 24), la vente par envoi forcé (également
condamnée par l'article 26 du Code Pénal camerounais), les ventes
jumelées, la vente des produits falsifiés (Article 258 du Code
Pénal camerounais).
Les ventes à crédit, les ventes en solde, le
démarchage (Article 30 de la Loi régissant l'activité
commerciale) et dans une certaine mesure les ventes avec primes ont
été réglementées178. Cet encadrement des
procédés de vente ne vise qu'à protéger le
consommateur. Il lui garanti de ne payer un prix, uniquement que parce qu'il
l'a voulu et qu'il a décidé de le faire. Il s'agit
également d'une modalité de rationalisation de la
publicité commerciale aux effets néfastes en vue d'en
atténuer l'influence sur le consommateur. Le rôle des pouvoirs
publics est de prévoir toute restriction de nature à obliger le
consommateur contre son gré par les effets contraignants de la
publicité.
178 Voir pour d'amples développements, NYAMA (JM),
Eléments du Droit des Affaires.... Op-cit, P264 et HEMAR (J),
« Droit de la concurrence et protection des consommateurs
», Gazette du Palais 97e année N°6,
Nov-Dec 1971, PP 575-581.
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b- La liberté de choisir ou de discuter le
contenu du contrat
La liberté contractuelle du consommateur se
décline également en droit de choisir le contenu du contrat, ou
d'en discuter les clauses. Ce droit est pourtant généralement
limité par la pratique des contrats d'adhésion
c'est-à-dire des contrats ne laissant aucune possibilité de
discuter sur les clauses. Ce type de contrat est fondé sur la faiblesse
économique du consommateur. Dans ce contexte, face à la puissance
du commerçant ou du professionnel, la protection du consommateur devient
un impératif. C'est ce qui a amené le législateur de 1990
à interdire et même à sanctionner de telles clauses. Aux
termes de l'article 27 de la Loi régissant l'activité commerciale
au Cameroun, il s'agit de contrats conclus entre professionnels et
consommateurs ; les consommateurs étant en fait obligés d'y
adhérer du fait de leur dépendance économique. Ces
contrats confèrent un avantage excessif aux professionnels en leur
permettant de se soustraire pour partie ou en totalité de leur
obligation légale ou contractuelle. La loi prévoit que ces lois
sont « réputées non écrites
», c'est-à-dire qu'elles sont frappées
d'inexistence avec tout ce que cela entraîne comme effets juridiques.
Cette sanction est fondée sur la théorie de l'abus de droit car
en effet, c'est à partir de leur puissance économique ou de leur
pouvoir que les professionnels imposent lesdites clauses aux consommateurs, qui
vulnérables doivent être protégés et même
défendus.
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