CONCLUSION PARTIELLE
Ainsi donc, consacré tant dans le cadre juridique
interne qu'externe, la déréglementation des prix au Cameroun, la
forme d'une ouverture à la prise en compte considérable des
règles du marché ; consécutives au vaste mouvement de
désengagement de l'Etat. Ceci favorise naturellement une plus
significative action des acteurs du marché dans la détermination
des prix, sur la seule base des lois de l'offre et de la demande. Cet
état des choses expose cependant lesdits acteurs à une
insécurité juridique permanente du fait des insuffisances et de
la nature imprévisible des fluctuations du marché de même
que de l'instrumentalisation nocive des principes libéraux
affirmés. La déréglementation des prix se
révèle être à cet égard, un facteur permissif
de la concurrence déloyale, un mécanisme incitatif de
spéculation sauvage. La concurrence déloyale n'étant
possible et même nuisible que par les prix, la liberté des prix
mal comprise et mal exercée peut conduire à des résultats
éloignés de ses finalités ou de son objet.
Le contenu de la déréglementation, ainsi
dégagé après son affirmation, révèle son
caractère transitoire, mais surtout incomplet. Ses inconvénients,
ou du moins ses corollaires, sont de nature à fonder - fort
paradoxalement - les bases d'un besoin vital, de la présence
étatique en matière de prix. Une présence aux contours
cependant redéfinis en vue d'une adaptation de l'Etat aux exigences de
la déréglementation, une présence qui s'incarne
aujourd'hui sous la forme de la régulation des prix.
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SECONDE PARTIE
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La déréglementation est définie par
Gérard CORNU comme l'action de régler un phénomène
évolutif en général, et plus spécifiquement comme
une action économique, mi-directive, mi-corrective, d'orientation,
d'adaptation et de contrôle exercée sur les autorités par
un marché donné qui, en corrélation avec le
caractère mouvant, divers et complexe de l'ensemble des activités
dont l'équilibre est en cause, se caractérise par sa
finalité, la flexibilité de ses mécanismes et sa position
à la jointure de l'économie et du droit161. Elle
apparaît comme l'expression de la transformation de l'ordre public
camerounais, marque explicite de l'avènement de l'Etat régulateur
ayant conduit à la consécration d'un ordre public
régulatoire162 caractérisé par le passage de la
réglementation des prix à l'avènement de la
régulation des prix163, un véritable défi du
droit164.
La régulation entretient les rapports connexes voir
complexes avec la réglementation et se confond parfois avec elle
lorsqu'elle en fait un instrument165. Ainsi, la régulation
n'équivaut pas à un retour à l'interventionnisme, mais
simplement à un procédé de transformation de cet
interventionnisme. L'Etat n'a en fait pas l'intention de se retirer de
l'activité économique. La régulation apparaît alors
comme un point de rencontre entre l'idéologie libérale, le
néolibéralisme, voire l'ultralibéralisme et les
idéaux de l'interventionnisme keynésien. Elle est la
résultante consciente d'une approche participative et synergique
d'organes et d'actions, autant contradictoires que complémentaires
rendus nécessaires après le processus d'ouverture
opéré par la déréglementation des prix. Remise
en
cause de la réglementation, aspect, et corollaire de la
déréglementation des prix, la régulation constitue une
technique d'encadrement des prix procédant d'un souci non seulement
d'adapter la réglementation aux réalités et exigences
sociales mais aussi de favoriser la prise en compte de toutes les acteurs du
marché dans l'encadrement des prix. Elle
161 CORNU (G) Op. cit p. 778
162 MOHAMED MAHMOUD MOHAMED SALAH, « Les transformations
de l'ordre public, économique vers un ordre public régulatoire ?
», philosophie du droit et droit économique, mélanges
FARJAT, frison-roche, PRINCIPE 261-289
163 COHEN (E), « De la réglementation à la
régulation : histoire d'un concept », problèmes
économiques `l'Etat régulateur 'N°2.85. sept. 2000,
PP1-4
164 Le mouvement régulatoire né aux Etats-Unis
d'Amérique du Nord et amplifié en Grande Bretagne au
siècle dernier a imposé la régulation comme forme
privilégié moderne et contemporaine d'encadrement de la
société. Elle est l'objet d'étude de tout un courant
économique élaborant dans le cadre de la science
économique toute une théorie de la régulation sans cesse
renouvelée dont le contenue est différent de la régulation
telle qu'est appréhendée dans les facultés de droit. Elle
apparaît en effet comme un véritable défi du droit.
165 Les deux notions ont en effet des relations
étroites. Elles se départissent pourtant. Alors que la
régulation constitue un mode de gestion souple dévolu à
des personnes plus ou moins indépendantes du pouvoir politique et du
milieu sur lequel elles exercent leur contrôle. La réglementation
elle, relève du privilège exclusive et souverain de l'Etat et se
caractérise principalement par sa rigidité.
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préconise ainsi le paradigme du
réseau166 au détriment de celui de la
hiérarchique. Au lieu de s'interroger sur le point de savoir si la
régulation irrigue le Droit économique camerounais, il serait
plutôt pertinent de rechercher les justifications (Chapitre I) qui sous
tendent cette technique d'encadrement des prix, afin de mieux en
appréhender les manifestations dans l'ordre juridique (Chapitre II).
166 Le paradigme du réseau est d'une importance
capitale dans la logique régulatoire. Il reconnaît certes
l'exclusivité de l'Etat en tant que générateur du droit,
mais admet des limites quant à l'exclusivité étatique de
l'interprétation de ce droit et même de son exécution.
L'Etat ne peut ni tout faire, ni faire seul. Dans cet environnement tous
azimuts de libéralisation des échanges. Cette dynamique
entraîne un changement de moyens visant une adaptation au changement
d'objectif et se caractérise par l'ouverture voire l'intégration
de toutes les autres forces sociales dans le processus d'encadrement juridique
tout en reconnaissant la place de chef d'orchestre à l'Etat. La
régulation apparaît donc comme un moyen de gouvernance
économique caractérisé par l'ouverture, la
flexibilité, la « soft law », la pluralité,
l'orientation, la coordination, et même la juridictionnalisation. Tout ce
mouvement au détriment de l'autorité, de l'ordre, de la
rigidité, de l'intangibilité, de l'unilatéralité,
du commandement qui résume la réglementation.
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