II.1.4.3 Tadadjeu et
l'enseignement des Langues Nationales
Dans le même registre le Professeur Tadadjeu cité
par Kouami Wandji (2003 : 17) aborde le problème de l'enracinement
culturel beaucoup plus sous l'angle linguistique. Pour lui, il est absolument
nécessaire d'enseigner l'enfant d'abord dans sa langue maternelle.
Il demeure nécessaire d'enseigner d'abord la langue
maternelle, puis la langue étrangère aux enfants, si nous voulons
des hommes capables de contribuer au progrès de notre pays, de notre
continent, de l'humanité.
Dans la même foulée, il propose avec son
équipe, dans le cadre du PROPELCA, des pourcentages d'emploi des langues
dans les classes de l'école primaire.
Tableau 3:
Pourcentage d'emploi des langues à l'école primaire : Une
proposition du PROPELCA
Classes
|
Langue Maternelle
|
Langue Etrangère
|
Sil
|
75 %
|
25 %
|
CP
|
60 %
|
40 %
|
CE1
|
40 %
|
60 %
|
CE2 - CM
|
15 %
|
85 %
|
Source : Programme d'enseignement des
langues nationales au Cameroun (1995)
Selon ce tableau, la langue maternelle devrait être
prépondérante dans les petites classes et diminuer
progressivement dans les grandes classes pour permettre l'enseignement des
langues étrangères.
D'autres penseurs tels Ntebe Bomba abordent la
problématique de l'enracinement culturel sous l'angle philosophique et
psychopédagogique. Comment procède-t-il ?
II.1.4.4 Ntebe Bomba et
l'andragogie.
Le professeur Ntebe Bomba (1994 : 4) a fait de
l'enracinement culturel du système éducatif camerounais une
préoccupation majeure. Il part du constat selon lequel
Les systèmes éducatifs mis sur place dans
les Etats du Tiers-Monde accentuent invariablement les
déséquilibres en s'inscrivant dans un modèle culturel en
rupture avec par exemple un monde rural largement majoritaire (...) ce
système scolaire qu'à divers titres nous avons
hérité de l'occident provoque des cassures culturelles
irrémédiables entre jeunes et vieux
C'est donc le constat de la rupture sociale provoquée
par l'école occidentale en Afrique en général et au
Cameroun en particulier qui a poussé ce professeur à
s'intéresser avec acharnement à la problématique de
l'enracinement culturel du système éducatif Camerounais.
Pour donner un corpus théorique et philosophique
à cette préoccupation, il va redéfinir le concept
« Andragogie » qui devient
« éducation-à-être soi, libre et
responsable »
En introduisant l'africanité dans ce concept, avec un
accent particulier sur la responsabilité, le professeur Ntebe Bomba est
de ceux qui, comme Warnier (1982), pensent que l'éducation
traditionnelle Africaine était valorisante, formait des hommes et femmes
responsables.
L'andragogie ainsi réorientée et enrichie de
l'africanité devient un champ de réflexion
pluridirectionnel : elle est philosophique, psychopédagogique et
praxéologique.
Elle est philosophique parce qu'elle a une vision humaniste de
l'éducation, elle est une éducation à la dignité
humaine tout court.
Elle est psychopédagogique en ce qui concerne le
processus enseignement - recherche - apprentissage car elle met en avant
l'activité de l'apprenant, le responsabilise, le valorise, l'incite
à l'autodidactie qui est le summum de tout processus d'apprentissage.
Dans ce sillage, l'andragogie conçoit le champ de formation comme un
cadre d'actions prométhéennes où l'apprenant arrache la
connaissance, la protège, la multiplie et la partage.
L'andragogie enfin est praxéologique parce qu'elle
prône une éducation vécue au quotidien, tant en actes qu'en
pensée. En effet, comme le dit si bien Njoh Mouelle (1974) chez
l'Africain, le verbe forme un tout avec l'être et l'Africain vit la
totalité de l'être. Il n'y a pas un temps pour penser et un autre
pour agir ; la pensée et l'action chez l'Africain sont
mêlées dans une totalité qui donne la densité de la
vie.
L'introduction de l'africanité dans la réflexion
et la pratique pédagogique comme le fait le Pr. Ntebe Bomba est à
vrai dire une exigence fondamentale pour l'Afrique aujourd'hui car le
degré d'aliénation culturelle dans laquelle le continent est
plongé est si élevé que ces conseils de Nkwame Krumah
cités par Ntebe Bomba (2006 :1) « Va. Cherche ton
peuple. Aime-le. Apprends de lui. Fais des projets avec lui. Commence par ce
qu'il sait. Construis sur ce qu'il est et ce qu'il a »,
résonnent comme la voie du salut.
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