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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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CONCLUSION

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

Cette étude s'est attelée à montrer comment la démarche judiciaire s'est mobilisée dans le processus de justice transitionnelle au Rwanda. Au pays de milles collines, la justice transitionnelle a émergé de la nécessité de confronter les legs des abus sérieux de droits de l'homme avec des mesures judiciaires telles que des poursuites criminelles, des réparations pour des victimes et des reformes institutionnelles. Les abus les plus graves et les violations des droits de l'homme ont été au coeur du génocide rwandais et en ont constitué la conséquence. Le génocide au Rwanda fut certainement le plus rapide de l'Histoire : 800 000 rwandais, essentiellement des tutsi, ont été tués en cent jours ainsi que des hutu modérés considérés comme traitres à la cause du `Hutu Power'. En plus du génocide, environ plus d'un million et demi de morts ont été déploré au Rwanda, plus de deux millions de réfugiés, des centaines de milliers de malades, de blessés, la guerre civile, des massacres, la famine, les épidémies et tout ceci sur une population estimée à 7, 5 millions de personnes. Le Rwanda a ainsi eu recours à une gamme des approches pour contribuer à un sens holistique de justice pour tous les citoyens, d'établir ou remplacer la confiance citoyenne, pour réconcilier des personnes et des communautés, et pour empêcher de futurs abus. La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle s'est située au centre des actions entreprises pour les gérer. Répondre aux dilemmes et contradictions que représentent les caractéristiques d'une société en fin de conflit nécessite la prise en compte de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle pour harmoniser et arbitrer les intérêts de toutes les couches sociales. On a vu que la justice transitionnelle permet de mettre en place un certain nombre de mécanismes répressifs et préventifs dans le domaine du droit et de la sécurité de l'Etat et des personnes. La répression, les réparations et la réconciliation sont les maîtres mots de cette entreprise, la consolidation de ces acquis et leur pérennité appelant un certain nombre de réformes dans les appareils de l'Etat.

Le Rwanda s'est inspiré de deux modèles de justice transitionnelle : d'une part la justice restaurative et de l'autre, la justice retributive. Autrement dit, suite au génocide de 1994, un tribunal ad hoc chargé de juger les responsables des massacres et des violations graves perpétrés dans le contexte du génocide a été mis en place. Le Rwanda a également recouru aux tribunaux locaux traditionnels pour juger les personnes ayant de près ou de loin pris part au génocide. Ces tribunaux ont fait naître une forme de justice qui a marié la rétribution et la reconstruction des liens sociaux.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

L'analyse de la présente étude est divisée en deux grandes parties égales et quatre chapitres au total. La première partie a mis en exergue le déploiement de l'institution judiciaire dans le contexte post-génocide au Rwanda. Elle a porté d'une part sur la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle dans la société rwandaise et d'autre part, sur la mobilisation de la démarche judiciaire centrée sur la justice internationale notamment le Tribunal pénal international pour le Rwanda. De façon générale, dans cette première partie de l'étude, l'accent a tout d'abord été mis sur la mise à l'écriture de l'histoire du génocide de 1994 à la mise en place des institutions de la justice transitionnelle. Nous avons évoqué la société rwandaise et l'impact de la colonisation ou la construction d'une mythologie culturelle ; le mythe hamitique et le mythe bantou ont été mis en lumière. Ainsi, nous avons parlé de la dynamique de l'histoire de la société rwandaise ; de l'impact de la colonisation notamment avec les allemands et les belges ; de l'idéologie rwandaise après la colonisation, de la république hutue et ses conséquences. Nous avons évoqué en passant, les années Kayibanda, les réfugiés, le régime Habyarimana, la crise et les préparatifs du FPR, en Ouganda ; la guerre civile et l'offensive du FPR ; les négociations de paix ; la montée de l'extrémisme, la MINUAR ; la mort énigmatique du président Habyarimana ; le génocide ; ses organisateurs ; ses assassins ; ses victimes ; la victoire du FPR ; la multiplication des réfugiés ; le nouveau gouvernement et enfin les institutions de la justice transitionnelle : les juridictions nationales ou classiques ; les Juridictions Gacaca et le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

En fait, pour arriver au processus de justice transitionnelle, nous nous sommes bien servi de l'approche historique en montrant comment la colonisation avait renforcé les clivages ethniques, la puissance coloniale s'étant très longtemps appuyé sur la monarchie tutsi pour faire fonctionner son administration puis fit un revirement de dernière minute pour soutenir le parti principalement hutu et représentant la majorité de la population. Mais, plus qu'une histoire ethnique, le génocide a été le fruit des profondeurs du mal être de ceux qui luttent pour le pouvoir et profitent des vieux démons tribaux pour monter aux cieux. Le problème de clivage ethnique avait abouti au génocide puis le génocide a abouti à la mise en place des institutions de la justice transitionnelle. La démarche historique s'est révélée nécessaire ici dans la mesure où elle a permis de montrer comment le Rwanda est marqué par la répétition des crimes graves depuis 1959, couronné par le génocide de 1994 pour arriver aux institutions de la justice transitionnelle.

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S'agissant des juridictions classiques, nous en avons montré l'impuissance et les limites qui ont débouché sur la mise en place des Juridictions Gacaca. Face à l'incapacité des tribunaux ordinaires, il fallait continuer à chercher dans le passé des solutions pour le présent. Avec la justice officielle, il aurait peut être fallu attendre plus de cent ans pour juger tous les prisonniers. Les Gacaca ont eu pour but d'ouvrir une partie de la justice à la population, rendre aux citoyens le privilège de juger. On a vu que ces juridictions comportaient en même temps la justice rétributive et la justice restaurative. Nous avons analysé l'insertion du système hybride dans le système judiciaire comme facteur de vérité, de justice, de pardon et de réconciliation. L'étude a porté de même sur les perceptions des Juridictions Gacaca dans la société rwandaise. Nous avons analysé les avantages et les limites du recours aux mécanismes de la justice traditionnelle dans la démarche judiciaire. Après l'analyse des Juridictions Gacaca, nous notons que de par le monde, le mécanisme de justice transitionnelle locale le plus ambitieux a été les Gacaca, où 11 000 tribunaux communautaires ont été lancés pour juger les suspects de moindre niveau pour leurs actes génocidaires. Par opposition aux stratégies d'amnistie ou de poursuites sélectives choisies par d'autres pays africains faisant face à de nombreux coupables, le gouvernement rwandais a choisi de chercher la responsabilisation par le biais de tribunaux Gacaca, avant de transmettre les dossiers aux tribunaux nationaux aux fins de procès. Toutefois, les Gacaca gratifient ceux qui plaident coupables de peines réduites, notamment des peines de travail d'intérêt général au lieu de peines de prison. La justice transitionnelle au Rwanda s'est uniquement axée sur la responsabilisation du génocide de 1994 et non pas sur les accusations de crimes de guerre pendant la guerre civile de 1990-1994. De plus, les tribunaux communautaires ont certes aidé la population rwandaise à faire face au génocide de 1994 mais n'ont pas réussi à fournir des décisions et une justice crédibles dans certaines affaires.

Pour ce qui est du TPIR, nous avons montré la passivité de la communauté internationale face au génocide de 1994, la négligence de l'ONU, le mandat restreint de la MINUAR pour aboutir à l'établissement du TPIR. En analysant la justice transitionnelle au Rwanda à travers le recours à la justice internationale, l'objet d'étude a tout d'abord porté sur le TPIR comme élément de la justice rétributive et facteur de reconnaissance du génocide de 1994. Nous avons étudié le TPIR et les poursuites pénales ; l'accent a été mis sur quelques procès phares qui ont constitué un message contre l'impunité.

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En fait, les procès devant le TPIR et devant les Gacaca sont des procès qui poursuivent plusieurs objectifs : juger et punir les crimes de génocides pour bannir à jamais le génocide. Ils se fixent un objectif, celui de donner une leçon de justice à l'humanité. Certains procès d'Arusha marquent un tournant dans l'émergence de la mémoire du génocide. Ces procès montrent que le génocide est un crime de l'Etat qui suppose une politique étatique d'extermination. La décision du Conseil de sécurité de se focaliser par exemple sur les responsables de l'Etat montre que l'Etat rwandais a voulu détruire un groupe, les Tutsi. Les procès devant les Gacaca visent quant à eux toutes les personnes subalternes présumées d'avoir participé au génocide des Tutsi. Ces procès obéissent à des impératifs de politique intérieure et de politique extérieure. Il s'agit de montrer que l'Etat rwandais est en mesure de se reconstruire sur de nouvelles bases de la justice et de la réconciliation. Les procès dévoile au monde, jusqu'au plus petit détail le crime de génocide, afin de rendre présent dans les esprits la présence du passé. Dans ce sens, le seul moyen de montrer la vérité des faits est d'appeler les témoins, survivants et bourreaux à la barre. Le procès fait accoucher de la mémoire du témoin les détails de ce qu'il a vu et de ce qu'il a entendu. Toutes les dépositions de témoins mises ensemble donnent ainsi l'image réelle du crime de génocide. Il s'agit de faire visualiser le crime de génocide au moyen de la parole des témoins. Avec donc les différents procès du crime de génocide, et la parole du témoin, le génocide devient une succession d'expériences individuelles. Un éclairage est mis sur les responsables du génocide, et sur les mécanismes qui ont permis le génocide.

La deuxième partie de l'étude à quant à elle porté sur le bilan mitigé de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle au Rwanda. Cette partie s'est focalisée d'une part sur la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle : une contribution significative à la consolidation de la paix et au développement, et d'autre part, sur la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle : une contribution insuffisante à la dynamique de retour à la paix. Nous avons tout d'abord montré l'impact positif de la justice transitionnelle sur le Rwanda à travers l'état de droit et la réconciliation nationale où les progrès réalisés ont été impressionnants. Ensuite, nous avons étudié les effets bénéfiques de la justice transitionnelle au Rwanda à travers la promotion de la gouvernance inclusive et les reformes institutionnelles. Les droits des femmes et des enfants ainsi que la lutte contre la corruption ont été mis en exergue. La réforme du secteur de sécurité a été au coeur des réformes institutionnelles. Nous avons vu que la réforme du secteur de sécurité constitue une composante essentielle des efforts visant à rétablir et à renforcer l'Etat de droit.

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Des progrès dans le domaine de la réforme du secteur de sécurité sont une condition essentielle pour le succès d'une sortie de crise, qui dépend largement de la capacité des acteurs et des institutions chargées de la sécurité nationale à fonctionner de manière efficace. Après, nous nous sommes penchés sur la justice transitionnelle comme contribution significative au développement. On a réalisé que la bonne application des OMD a augmenté le taux de confiance de la population et que le développement socioéconomique est indispensable au succès d'une paix durable. Cette deuxième partie de l'étude a aussi abordé les obstacles qui entravent la bonne réalisation de la justice transitionnelle au Rwanda, notamment, les faiblesses de Gacaca, le manque de crédibilité et le coût élevé du TPIR, le problème de l'existence de planification sans planificateur du génocide contre les tutsi, l'effacement des preuves de génocide ainsi que le négationnisme et la théorie du double génocide, l'impact minimal du TPIR. Il a été démontré au long de cette partie que le TPIR est un tribunal isolé de la société rwandaise et oubliait les victimes dans ses programmes. L'obligation d'établir la vérité sur les crimes du FPR ainsi que l'obligation de juger et de sanctionner les membres du FPR responsables de crimes de guerre et les crimes contre l'humanité est nécessaire pour réduire l'impact minimal du TPIR. Toutefois, nous avons souligné qu'au-delà de quelques limites, le TPIR a connu des résultats symboliques en ce sens qu'elle a réussi à imposer la reconnaissance juridique du génocide.

S'agissant des faiblesses des tribunaux Gacaca, il ressort par exemple que certaines personnes avaient avoué leurs crimes, mais, elles ont quand même été condamnées à mort. Les témoins à charge ont occupé les maisons des rescapés et ont pris leurs biens. Dans ces tribunaux, il y a également eu des graves lacunes, notamment l'intimidation de témoins à décharge par des juges ou par des autorités, la corruption par des juges et des parties aux affaires et enfin les irrégularités de procédure dues à l'utilisation de juges n'ayant en grande partie pas bénéficié de la formation nécessaire. Certains témoins potentiels ne se sont pas exprimés pour la défense de suspects du génocide parce qu'ils craignaient des poursuites pour parjure, complicité dans le génocide ; d'autres craignaient de subir l'ostracisme social pour avoir aidé des suspects à se défendre. Des crimes commis par des militaires du FPR, parti au pouvoir depuis que le génocide a pris fin sont également exclus de la compétence des Gacaca, ce fait a laissé les victimes de ces crimes en attente de justice.

Parlant de l'effacement des preuves de génocide, la mémoire, le témoignage, l'enseignement, l'histoire ont été assumés par les survivants du génocide perpétré contre les

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Tutsi. Ce génocide ne devait certainement avoir ni témoin, ni histoire, ni mémoire ce d'autant plus que le projet des concepteurs et planificateurs de ce génocide consistait à effacer les tutsi de l'histoire du Rwanda. Le fait de noyer par exemple les victimes tutsi dans les lacs et les rivières constituait des avantages pour les génocidaires : on tue d'abord le Tutsi- ce qui est le principal objectif- puis, en deuxième lieu, on se débarrasse commodément de son cadavre emporté par le courant d'eau, ce qui revient à effacer les traces du crime. La plupart des corps ont été charriés par les eaux vers le lac victoria. Y arrivées, certaines victimes ont été pêchées et enterrées dans des sites mémoriaux construits à cet effet en Ouganda. Certains de ces noyés, hommes, femmes et enfants, reposent, si l'on peut dire ainsi, en terre étrangère : ils ont à la fois perdu le droit à la vie et à la patrie. Pour d'autres, l'eau restera pour l'éternité leur simple tombe fluide : ils sont condamnés à n'avoir jamais une pierre tombale.

Pour ce qui est du négationnisme et de la théorie du double génocide, on a vu que les massacres des populations tutsi sont présentés comme simplement des actes de légitime défense dans le contexte de la guerre menée par le FPR. Le FPR est identifié très souvent comme l'auteur de l'attentat de l'avion du Président Juvénal Habyarimana et emporte, par là, la responsabilité du déclenchement des massacres des Tutsi. En définitive, c'est l'attentat suite aux enquêtes du juge Bruguière et l'interprétation pour le moins partielle du travail du TPIR concernant les planificateurs du génocide qui deviennent les deux clefs de voûte argumentatives de la rhétorique négationniste.

En fin de compte, dans cette étude, en générale, il est ressorti que dans une pratique de la justice restaurative, il faut faire participer toutes les parties intéressées par le règlement du conflit : la victime, le contrevenant et la collectivité ; tous doivent intervenir dans le processus et être habilités à y contribuer pleinement ; c'est ce qui a justifié d'ailleurs le choix de l'approche holistique dans le cadre de cette étude. Seulement, la participation ne doit pas être le résultat de la coercition, de la crainte, de menaces ou de manipulation, que ce soit à l'égard de la victime ou de l'auteur du délit. Une pratique de justice restaurative doit exiger qu'on dise la vérité. L'énoncé de la vérité sous forme d'admission de responsabilité de la part du contrevenant est la condition préalable à tout processus de réparation ; sous forme de narration franche de l'expérience de chacun. Il faut prévoir une rencontre (face à face, avec récit des expériences mutuelles) entre la victime et l'auteur du délit ainsi que la collectivité.

L'évaluation des pratiques qui se prétendent de nature réparatrice doit se faire au cas par cas, en prêtant attention à la structure et à son contexte. Cela étant, il n'existe pas de modèle

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de justice restaurative idéal, transportable dans toutes les sociétés. Concept et pratique en construction, la justice restaurative doit s'adapter aux différentes cultures et être appropriées par elles : elle n'est pas une carte mais une boussole. Cela étant, dans la pratique, une formule à succès unique pour rétablir la paix et un Etat de droit dans les zones post-conflits ou postgénocide n'est pas vraiment utile puisque chacune des situations pose ses propres contraintes et balises. Le processus des Juridictions Gacaca renvoie par exemple à une réalité quotidienne qui ne cesse d'évoluer, et que nul ne peut prédire de ce qui adviendra dans les années à venir. Toutefois, on peut s'inspirer des expériences passées ; ce qu'il faut éviter c'est de faire du copier coller.

A travers les juridictions Gacaca, le Rwanda constitue un modèle d'implication communautaire dans l'administration de la justice pénale internationale. Même si les juridictions Gacaca n'ont pas été très efficaces, le concept est en soi séduisant et les pays qui doivent gérer un lourd passé peuvent s'en inspirés. Ce mécanisme produirait de bons résultats, à condition qu'il ne soit ni manipulé par les autorités politiques ni dénaturé, notamment en lui octroyant une compétence exorbitante qui dépasse ses capacités.

A l'issue de cette étude, il convient de remarquer que malgré les vicissitudes du système judiciaire international qui émaillèrent sa création, le TPIR constitue un outil de premier plan dans la reconnaissance juridique internationale du génocide perpétré contre les Tutsi. Depuis sa création, le TPIR a permis l'évolution de la responsabilité pénale individuelle, ce qui est une bonne chose pour le droit international pénal. Cette évolution a aussi permis de `décollectiviser' le génocide perpétré au Rwanda en définissant ses identifiants, ses victimes et en identifiant les responsabilités de ses acteurs. En s'appuyant sur la Convention de 1948, le TPIR a permis de qualifier et de réprimer de manière inégalée les actes de génocide perpétré au Rwanda. La qualification de ces actes de génocide permet de barrer la route au négationnisme. La punition constitue quant à elle un outil de lutte contre l'impunité et d'assurer la prévention contre la répétition du crime.

Le travail des Juridictions Gacaca est remarquable sur le plan qualitatif et quantitatif en dépit de quelques limites. Les tribunaux Gacaca sont les plus efficaces et les plus dynamiques des initiatives lancées après le génocide à des fins de justice et de réconciliation. Ce système a obtenu beaucoup de réussites, notamment la tenue de procès rapides avec la participation populaire, une réduction de la population carcérale, une meilleure compréhension de ce qui

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s'est passé en 1994, la localisation et l'identification des corps des victimes et un éventuel assouplissement des tensions ethniques entre le groupe majoritaire hutu et la minorité tutsie.

S'agissant des techniques d'observation, dans cette étude, nous avons utilisé deux techniques de collecte de données : les techniques dites vivantes et les techniques dites documentaires ou non vivantes. La classification de ces techniques a été essentiellement qualitative. Les techniques qualitatives ont pour ambition l'étude en profondeur des faits pour en dégager les propriétés, les caractères et la nature. Nous nous sommes servis de l'entretien individuel (interview) qui est un échange entre nous chercheur et les personnes ressources. Il a fallu qu'on aille en profondeur dans les échanges pour que l'enquête puisse fournir un maximum d'information. Pour conduire ces entretiens, nous avions tout d'abord procédé à l'identification des personnes ressources ; nous avions pris les contacts nécessaires et enfin préparer un protocole d'entretien. Etant donné que rien ne peut remplacer un contact direct de

l'enquêteur avec son terrain et qu'il est difficile d'imaginer une étude sérieuse l'observation directe ne jouerait aucun rôle, nous nous sommes rendus au Rwanda pour

toucher du doigt le processus de justice transitionnelle et voir si réellement elle a contribué à une paix durable. Nous avons adopté la démarche hypothético-déductive qui a impliqué au départ, la formulation des réponses provisoires à la question principale de la recherche qui consistait à savoir si les institutions de la justice transitionnelle ont-elles réellement contribué à consolider et assurer une paix durable au Rwanda. Eprouvées empiriquement pour la vérification de leurs véracités et validées à partir de la technique de collecte des données, des approches et grilles théoriques, nous confirmons nos hypothèses de départ selon lesquelles :

- Les institutions de la justice transitionnelle au Rwanda seraient un mécanisme qui donne des résultats qui permettent de consolider le processus de paix, de sécurité et de relance économique pour le développement.

- Les institutions de la justice transitionnelle au Rwanda présenteraient encore des échecs au vu des programmes inefficaces.

Suite à notre question de recherche et hypothèses, on pourrait donc conclure que les institutions de la justice transitionnelle ont assuré une paix durable au Rwanda en ce sens qu'elles ont très bien réussi à établir la vérité sur certains faits, elles ont traités de la rétribution et de la punition des auteurs de l'infraction et ont noblement essayé, mais échoué à court terme, dans leur ambition plus large de la réconciliation. Ainsi, à cause de quelques échecs de ces institutions, ce sont les années qui viennent qui jugeront vraiment si ces

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institutions ont réellement contribué à consolider une paix durable au Rwanda ce d'autant plus que la justice n'a pas été encore rendue pour les crimes du FPR actuellement au pouvoir. Que ce soit le TPIR ou les Juridictions Gacaca ; le défi majeur revient à lutter efficacement contre l'impunité pour développer la culture de la responsabilité. Malgré tous ces mécanismes de justice transitionnelle déployés au Rwanda, la réussite totale d'une justice transitionnelle demeure excessivement complexe ; les problèmes sont multiples et les besoins sont immenses. Ainsi, l'impact de la réconciliation n'est pas facile à mesurer aujourd'hui. En somme, l'une des graves lacunes de la justice transitionnelle au Rwanda est l'incapacité à assurer une justice égale pour toutes les victimes de crimes graves commis en 1994 et cela ne peut en aucun cas favoriser la réconciliation à long terme au Rwanda et de fait, la réconciliation mise en avant par le gouvernement rwandais et la communauté internationale a encore de longues années devant elle.

Néanmoins, la justice transitionnelle aide, tout de même, à analyser les situations et à préciser quelle approche devrait être préconisée pour atteindre l'objectif de reconstruire une paix durable et mettre en place un Etat de droit. Cela étant, malgré les imperfections du TPIR et des tribunaux Gacaca, on peut estimer et souligner qu'un effort de justice a été effectué au Rwanda ce qui a abouti à une société plus respectueuse du droit. Au Rwanda, depuis leurs mises en place à nos jours, les institutions de la justice transitionnelle ont assuré la paix, la sécurité et la relance économique pour le développement ; la justice transitionnelle est sans conteste un nouveau mécanisme de consolidation de la paix ; un outil de résolutions de conflits et d'instauration d'une paix durable ; un moyen de sortie de crise et de rétablissement de l'équilibre social et sociologique de l'Etat.

L'unité nationale a grandi au Rwanda de nos jours par la cohésion de tous Hutu, Tutsi. Les textes légaux, les attributions de postes politiques et administratifs traduisent sans limitation aucune cette avancée notoire de la conscience nationale. Nous croyons vivement que les crimes graves ne se reproduiront plus aussi facilement, à cause de la mise en place des institutions fortes, la justice et la réconciliation nationale. Au Rwanda, on retrouve désormais une justice assez crédible où les Rwandais se reconnaissent dans cette justice. C'est vrai quand même que selon nos interlocuteurs, les Hutu ne sont pas libres au Rwanda ; ils ont peur des Tutsi parce qu'ils sont au pouvoir et les Tutsi ont peur des Hutu parce qu'ils peuvent s'emparer du pouvoir. Les Rwandais cohabitent ensemble mais la plupart regardent encore dans des directions opposées, la division est encore présente, aussi bien que l'amalgame des

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coupables et de tout leur `groupe'. Il faut donc faire en sorte que la haine ne possède plus les coeurs à travers une justice crédible et équitable. Il faut désamorcer le cycle de la violence. Continuer à dénoncer toute forme de discriminations s'ils ont lieu. Bien qu'il serait faux de dire que les souffrances sont vraiment éteintes au Rwanda ; mais, en aucun moment, lors de notre passage au Rwanda, nous avons détecté un souci de vengeance personnelle. Nous avons juste ressenti un besoin de justice teinté de modération pour ne pas envenimer la situation.

Malgré quelques petites imperfections, du reste mineures, nous soulignons avec force que la justice transitionnelle constitue une importante contribution à la paix, à la reconstruction post-conflit dans l'histoire du Rwanda. Les réformes institutionnelles ont défini un cadre institutionnel clair pour assurer la sécurité, qui permette d'intégrer la politique de sécurité et celle du développement qui fasse appel à tous les acteurs concernés et soit centré sur les groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants et les minorités. Ces réformes institutionnelles ont renforcé la gestion et la supervision des institutions chargées de la sécurité ; elles ont constitué des forces de sécurité compétentes et professionnalisées qui soient responsables devant les instances civiles et ouvertes au dialogue avec les organisations de la société civile. En gros, les réformes institutionnelles au Rwanda sont désormais centrées sur l'être humain, sont appropriées localement, et se fondent sur les normes démocratiques, le respect des droits de l'homme. Les réformes offrent désormais l'opportunité à l'Etat rwandais de réfléchir aux moyens de régler les divers problèmes de sécurité auxquels leur population et eux-mêmes sont confrontés, grâce à une intégration plus étroite des politiques de développement et de sécurité ainsi qu'à un renforcement de la participation des civils et de leur pouvoir de contrôle.

De plus, chaque année, les Rwandais rendent visite à des sites de mémoire pour rendre hommage aux victimes. C'est à travers ces sites mémoriaux que la mémoire du génocide a été préservée. Ainsi, il faut bien préserver tous les sites du génocide qui en constituent la mémoire afin de le prévenir. La fonction de la mémoire est d'éviter en fait aux générations présentes et futures la répétition du mal commis dans le passé. Elle reprend le passé pour corriger le présent et assurer un avenir meilleur. La mémoire doit constituer pour les générations successives un rappel permanent de ce qu'il ne faut plus jamais faire. En effet, la mémoire à conserver est destinée à remplir diverses fonctions salutaires pour la société, notamment la conservation des souvenirs, la reconnaissance morale et la justice aux victimes, la contribution à la repentance et au pardon aboutissant à la réconciliation nationale. La

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mémoire du génocide touche ainsi à plusieurs domaines tels qu' : une bonne politique de la mémoire, la réhabilitation (morale, juridique et matérielle) des victimes, l'éducation de la population aux valeurs de tolérance, la solidarité, le respect des droits et des libertés fondamentaux.

En définitive, nous réitérons encore quelques imperfections de la mobilisation de la justice transitionnelle dans le processus de justice transitionnelle au Rwanda. Qui punira par exemple les crimes de guerre commis pendant la prise de Kigali ? Le TPIR tend à sa fermeture et les Juridictions Gacaca ont été clôturées le 18 juin 2012, alors, qu'adviendra t-il des meurtres perpétrés en signe de représailles ? Toutes les personnes qui ont participé à des massacres avant le génocide de 1994, vont-elles aussi être punies ? Suite à ces interrogations, nous soulignons que cette étude s'inscrit dans une problématique encore inépuisée, qu'il ne peut en cerner toutes les dimensions, mais tout au plus faire le point à un moment donné, sur un processus en cours de réalisation. Toutefois, nous nous attèlerons à répondre à ces questions dans des travaux ultérieurs où nous nous pencherons non plus uniquement sur le Rwanda mais, sur une étude comparative des institutions de justice transitionnelle en Afrique.

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