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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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SECTION II : LE NEGATIONNISME ET LA THEORIE DU DOUBLE GENOCIDE

Paragraphe I : La dissimulation, le détournement ou la destruction d'informations corroborant l'existence du génocide

De prime abord, au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à l'article 2 que l'on retrouve à l'article 6 du Statut de Rome, le crime de génocide se définit « comme l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Cette définition est suivie d'une série d'actes qui représentent de graves violations du droit à la vie et à l'intégrité physique ou mentale des membres du groupe.

La Convention prévoit également que sont punissables non seulement l'exécution en tant que telle, mais aussi l'entente en vue de commettre le génocide, l'incitation directe et publique, la tentative et la complicité. C'est l'intention spécifique de détruire un groupe mentionné en tout ou en partie qui distingue le crime de génocide du crime contre l'humanité. Le négationnisme du génocide commis en 1994 à l'égard des Tutsi au Rwanda désigne sa négation, sa contestation ou sa minimisation.

A. Le négationnisme et le crime de génocide

Le négationnisme a pour but de transformer le génocide de 1994 à l'égard des Tutsi au Rwanda en un massacre interethnique pour disculper le gouvernement intérimaire rwandais de 1994 dont les membres sont poursuivis par le TPIR. Elle a aussi pour objectif de disculper les autorités occidentales accusées de l'avoir soutenu passivement ou activement260. Ce négationnisme est par conséquent exprimé par le pluriel : les génocides au Rwanda. Philip

259 Notre entretien avec Macika, une habitante de la ville de Nyanza, le 25 février 2012.

260 En effet, pour Marie Fierens, les acteurs du génocide sont au nombre de sept notamment : « les génocidaires, la communauté internationale, les medias (au Rwanda et à l'étranger), l'Eglise, les intellectuels, les sympathisants et la diaspora rwandaise », p. 194.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

Gourevitch souligne que selon les diplomates français et les vieux routiers de l'Afrique qui adoptaient la position officielle du gouvernement du génocide rwandais :

Loin d'être le fruit d'une décision politique, les massacres de Tutsi traduisaient la colère du peuple après l'assassinat d'Habyarimana ; la `population' s'était soulevé comme un seul homme pour se défendre ; le gouvernement et l'armée ne voulaient que rétablir l'ordre ; les tueries étaient un prolongement de la guerre contre le FPR ; le FPR avait déclenché le conflit et était le principal coupable- en bref, les Rwandais ne faisaient que s'entre-tuer comme ils en avaient l'habitude, pour des raison tribales primordiales, depuis la nuit des temps261

La constitution de la République du Rwanda interdit désormais les actes de
négationnisme, d'idéologie de génocide et de divisionnisme. Le négationnisme est interdit et
sanctionné par la loi N°33 Bis du 6/9/2003 réprimant le crime de génocide, les crimes contre
l'humanité et les crimes de guerre. Son article 4 édicte que sera poursuivie toute personne qui
« aura publiquement manifesté, dans ses paroles, écrits, images ou de quelque manière que ce
soit, qu'il a nié le génocide survenu, l'a minimisé grossièrement, cherche à le justifier ou à
approuver son fondement ou celui qui en aura dissimulé ou détruit les preuves
». Les peines
prévues vont d'un « emprisonnement de dix à vingt ans et les associations ou les partis
politiques qui seront reconnus coupables de cette infraction sont passibles de la dissolution
».
En conformité donc avec la Constitution, le législateur rwandais a adopté des textes qui
érigent ces actes en infractions punissables. Une partie de l'opinion rwandaise et étrangère,
composée d'opposants politiques et de quelques ONG, critique sévèrement ces textes, en les
accusant d'être des instruments répressifs qui seraient conçus pour limiter la liberté d'opinion
et d'expression des journalistes critiques et des opposants au régime rwandais. Ainsi, selon
par exemple Human Rights Watch, « le FPR a intensifié la répression des opposants
politiques et de la société civile indépendante, en invoquant la nécessité de combattre le
négationnisme et le divisionnisme ethnique et plus récemment, `l'idéologie génocidaire »'
262.
Pour Madame X que nous avions rencontré, « Le Gouvernement rwandais se sert de la loi sur
le divisionnisme et le négationnisme pour manipuler les questions d'ethnicité à des fins
politiques, afin de taxer les politiciens hutus comme tutsis ne faisant pas partie du FPR de
divisionnisme
»263. Reporters Sans Frontières exige à la justice rwandaise « de cesser de

261 Philip Gourevitch, op. cit., p. 215.

262 Human Rights Watch, « La Loi et la réalité. Les progrès de la réforme judiciaire au Rwanda », juillet, 2008.

263 Entretien avec Madame X, travaillant pour le TPIR, Kigali, 22 février 2012.

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s'appuyer sur des lois comme celle de l'idéologie du génocide afin de réprimer la libre expression des opinions264 ».

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote