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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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Paragraphe II : L'impact minimal du Tribunal Pénal International pour le Rwanda

Bien que le TPIR constitue un outil de premier plan dans la reconnaissance juridique internationale du génocide perpétré contre les Tutsi, on serait toutefois tenté de souligner que le TPIR n'a pas vraiment unifié les Rwandais. Pour le gouvernement rwandais, le Tribunal représente une arme politique de légitimation morale de sa position et de neutralisation de ses ennemis. Pour certains Rwandais, le Tribunal a représenté une attente déçue, marquée par la frustration et le scepticisme.

A. Le TPIR un tribunal isolé de la société rwandaise

Du fait que les séances du TPIR soient organisées à l'extérieur du Rwanda, à Arusha, en Tanzanie voisine, beaucoup de Rwandais ont estimé que le TPIR n'appartenait pas au Rwandais ; le Tribunal est juste une façon pour la communauté internationale de se dédouaner de son inaction en 1994. L'institution judiciaire internationale fonctionne à distance ; elle est très éloignée des victimes qui ne la voient pas et de la société rwandaise affectée par les crimes internationaux. La majorité des rwandais n'y est pas associée, sauf en tant que témoins pour une poignée d'entre eux. A titre d'illustration, International Crisis Group (ICG) rapporte les propos de Judith Kanakuzen coordonnatrice nationale du Réseau des femmes:

241 Dans un de ses rapports, le Service national chargé des juridictions Gacaca conclut qu'au nombre des obstacles se trouvent la persistance de l'idéologie génocidaire, l'intimidation et le terrorisme à l'encontre des rescapés du génocide et des témoins ; voir http://www.inkikogacaca.gov.rw/Ppt/Realisation et perspective.ppt.

242 Voir http// fr.igihe.com/politique/Les-juridictions-gacaca-ont -été-clôturées.html (consulté le 24 juin 2012).

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

Au juste, quelle était la mission ? Pourquoi ailleurs ? (...) Ici, quand les innocents sont libérés, je sens que quelque chose est fait. Là-bas, à Arusha, je ne sais pas. Vous voulez reconstituer l'histoire de notre pays ? Qu'ils viennent nous raconter ce qui s'est passé et que nos enfants puissent reconstruire leur histoire243.

Dans la même lancée, toujours selon ICG, pour Protais Mutembe, l'un des avocats de la défense de l'évêque Augustin Misago, un des procès phares ayant eu lieu au Rwanda, « Cela aurait été beaucoup plus éducatif s'il travaillait ici. La Tanzanie, c'est loin. On ne le voit pas. L'éducation au droit s'est faite sur place. C'est une culture qui s'installe par la force des choses mais pas à cause du TPIR »244. Toujours à ce sujet, Gerald Gahima, procureur général du Rwanda, en 1998 a exprimé sa défiance vis-à-vis de l'idée même d'une justice internationale : « Cela mène à une situation où les sociétés contre lesquelles les crimes ont été commis savent peu de choses sur le travail de ces tribunaux et s'en soucient encore moins. Tout tribunal qui n'est pas en contact avec les victimes des crimes qu'il juge manquera toujours de légitimité »245. En l'an 2000, Gahima relève l'absence de l'impact du travail du TPIR

... Même s'il est plus efficace, je n'ai pas changé d'avis sur la justice internationale car on ne fait pas le pont avec la société où se sont commis ces crimes. Même si l'on fait mieux, ce seront deux ou trois procès par an pour plusieurs millions de dollars. Le tribunal international c'est symbolique. L'impact est minimal. Si on décidait de le fermer, il n'y aurait pas de réaction. C'est fait pour la communauté internationale246.

Abordant dans le même sens que Gahima, Twagiramungu, secrétaire exécutif de la Ligue des droits de l'homme des Grands Lacs, souligne que

Dans l'ensemble, les Rwandais attachent très peu d'intérêt au TPIR. On se rend compte qu'il ne peut pas faire beaucoup. Etant donné son rythme de travail, il ne peut connaître de beaucoup d'affaires. Du côté des rescapés, comme il n'est pas prévu de parties civiles et de dommages et intérêts, ils n'attendent presque rien du TPIR. Pour eux, Arusha est un endroit où l'on héberge les criminels pour qu'ils ne viennent pas ici répondre de leurs actes247.

243 Entretien à Kigali, 4 décembre 2000 par International Crisis Group, op. cit., p. 29.

244 Entretien à Kigali, 7 décembre 2000 par International Crisis Group, idem.

245 Propos, recueillis le 5 février 1998 à Dakar, confère International Crisis Group, ibid.

246 Entretien à Kigali, 5 décembre 2000, op. cit.

247 Idem.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

L'une des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenues au sujet du TPIR, nous a souligné : « Quand un haut responsable est arrêté, au tribunal international d'Arusha, il n'y a pas de peine de mort. Ce sont les petites gens qui sont exécutées »248.

De toutes ces allégations, nous pouvons souligner que les résultats du Tribunal seraient ainsi loin d'être parfaits en ce sens que le TPIR n'a virtuellement aucun contact avec les Rwandais ordinaires. Toutefois, le TPIR a fourni des efforts considérables pour remédier à cela à travers notamment la mise en place en 2000 du Centre d'informations et de documentation du TPIR à Kigali, centre que nous avions visité et qui nous a permis de consulter plusieurs ouvrages relatifs à cette étude249, de même qu'une branche du TPIR à Kigali a servi à rapprocher les Rwandais du TPIR d'Arusha. Le Centre d'information et de documentation au centre de la capitale rwandaise offre désormais une réponse au problème de la visibilité et de l'impact du TPIR au Rwanda. Grâce au Centre, le travail du TPIR et ses résultats sont communiqués à la population rwandaise. Par ailleurs, à l'aune de la fermeture du TPIR, quelques procès, sont transférés et jugés au Rwanda250.

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