SECTION II : LES EFFETS BENEFIQUES DE LA JUSTICE
TRANSITIONNELLE AU RWANDA : PROMOTION DE LA GOUVERNANCE INCLUSIVE ET REFORMES
INSTITUTIONNELLES
Paragraphe I : La promotion de la gouvernance inclusive
Le PNUD définit la gouvernance comme « l'exercice
de l'autorité politique, économique et administrative dans le
cadre de la gestion des affaires d'un pays à tous les niveaux. La
gouvernance comprend les mécanismes, les processus, les relations et les
institutions complexes au moyen desquels les citoyens et les groupes articulent
leurs intérêts, exercent leurs droits et assument leurs
obligations et auxquels ils s'adressent pour régler leurs
différends ». Par gouvernance inclusive, nous entendons
premièrement une gouvernance qui promeut d'une part l'accès de
tous les groupes, sans discrimination, aux emplois gouvernementaux, aux
institutions et aux services ainsi qu'à d'autres opportunités et
d'autre part, une gouvernance qui est essentielle à la
réconciliation nationale et à l'instauration d'une paix et d'une
stabilité durables. Le Gouvernement rwandais a insisté sur
l'importance de cette inclusion, condition indispensable pour surmonter le
passé de discrimination ethnique et de génocide ainsi que les
divisions profondes et la méfiance que celui-ci a engendrées au
sein de
204 Voir aux annexes un modèle des anciennes cartes
d'identité rwandaise.
La mobilisation de la démarche judiciaire dans le
processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit :
le cas du Rwanda.
la société rwandaise. En effet, la gouvernance
inclusive doit tenir compte de la diversité et reconnaître que le
génocide a affecté les uns et les autres de manière
différente- survivants, auteurs, réfugiés ou
rapatriés. Eu égard aux aspects positifs de la démarche
judiciaire dans le processus de justice transitionnelle, le présent
paragraphe met en exergue quelques éléments de la gouvernance qui
ont pu promouvoir le développement, la justice et la paix.
Le Rwanda a accompli d'importants progrès dans la
promotion d'une gouvernance inclusive. L'un des éléments a
été le choix fait par le pays de rejeter toute forme
d'étiquetage, de discrimination et de représentation ethnique au
niveau politique et gouvernemental. La constitution de 2003, approuvée
par référendum, prohibe toute forme de discrimination, y compris
la discrimination ethnique (article 11), et aspire à «
l'éradication des divisions ethniques, régionales et autres
et à la promotion de l'unité nationale » (article 9).
Des signes encourageants montrent que le Rwanda a progressé vers ces
objectifs. Le gouvernement a pris des mesures positives, notamment en
démontrant son engagement vis-à-vis de la-non discrimination et
du recrutement au mérite (avec toutes des mesures particulières
destinées à offrir des opportunités aux groupes
défavorisés).
La promotion de l'inclusion reste une priorité
élevée, fondée sur des mesures dans la durée
destinées à institutionnaliser la non-discrimination et la
méritocratie, notamment en veillant à davantage de transparence
et de contrôle dans le recrutement, les achats publics et d'autres
aspects de la politique gouvernementale. En outre, d'autres mesures positives
ont été adoptées afin de permettre une plus large
représentation des groupes économiquement
défavorisés et marginalisés, notamment par des efforts
proactifs en vue de surmonter les obstacles à l'éducation
auxquels se heurtent les populations pauvres. La constitution inclut plusieurs
mesures dans ce sens, prévoyant par exemple l'attribution d'au moins
trente pour cent des postes aux femmes dans les instances de prise de
décision. La politique gouvernementale soutient également le
principe d'un appui aux franges les plus pauvres de la société,
par exemple le programme vision 2020, qui vise à apporter une assistance
aux populations les plus pauvres205. Le programme de
décentralisation étendu au Rwanda, représente le
rapprochement du gouvernement de la base et l'implication des groupes qui ont
éventuellement été exclus jusque là de la vie
politique. Cette gouvernance est inclusive, réactive et accessible.
205 Pour plus de détails concernant le programme Vision
2020, voir infra. p. 99.
La mobilisation de la démarche judiciaire dans le
processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit :
le cas du Rwanda.
A. Les droits des femmes et les droits des enfants
Le Rwanda connaît une transformation considérable
en matière de gouvernance. Pour ce qui est des droits des femmes par
exemple, le Rwanda a fait des progrès en ce qui concerne la cause de la
femme et le pays s'est classé au troisième rang du Gender
Equity Index publié par Social Watch pour 2007,
derrière la Suède et la Finlande206. Depuis 2007,
jusqu'en 2012, le Rwanda, figure parmi les meilleurs pays dans la promotion de
la femme dans le gouvernement. Un Conseil national des femmes, organisme
constitutionnel, a été constitué pour promouvoir
l'égalité des chances. En outre, un Gender Issues Monitoring
Office (Observatoire du `Gender') est en place pour faciliter la
participation des femmes dans la vie publique et veiller à ce que les
initiatives de développement soient égalitaires et
génèrent des avantages pour les deux sexes. Un Ministère
du genre et de la promotion de la famille a été constitué
au sein du Cabinet du Premier ministre. Le Rwanda s'est engagé à
veiller à ce que les femmes jouent leur rôle plein et entier et de
manière responsable dans tous les domaines de la société.
La Constitution (Art. 9) prévoit l'attribution d'au moins trente pour
cent des postes aux femmes dans les organes de prise de décision. Du
fait de ces changements, de nombreuses femmes sont entrées dans la vie
publique en tant que leaders politiques ainsi qu'à d'autres postes de
responsabilité. Ce faisant, le Rwanda a mis en oeuvre la
Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies,
adoptée en 2000. Au Rwanda, la participation des femmes aux
activités économiques est relativement également
importante, notamment dans les petites entreprises. Le Rapport Doing
Business 2009 relève que 41% des petites entreprises sont
dirigées par des femmes, proportion plus élevée que dans
les pays voisins207. En 2011, l'Assemblée nationale rwandaise
compte 53,6% de femmes, un record mondial et africain. Toutefois, en
dépit de ces avancées majeures au niveau politique, le cas de
discrimination sociétale et de violences domestiques et sexuelles contre
des femmes restent encore courants au Rwanda. De même, la loi
successorale a été réformée pour permettre aux
femmes d'hériter des biens de leurs pères et de leurs maris mais,
les femmes auraient en pratique plus de mal que les hommes à exercer ces
droits, en partie par une méconnaissance de leurs droits ainsi qu'en
raison d'inhibitions culturelles208.
206 Gender Equity Index 2007 : Progress or Regression
(indice d'équité entre les sexes), rapport de Social Watch
présenté lors de la 51ème Session de la
Commission du Statut des femmes de l'Organisation des Nations unies, en mars
2007.
207 Banque mondiale (2008), Doing Business in 2009, p.
7.
208 Country Reports on Human Rights Practices du
Département d'état des Etats Unis, Rwanda, 2007.
La mobilisation de la démarche judiciaire dans le
processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit :
le cas du Rwanda.
Dans la même lancée, le Rwanda signataire de la
Convention aux droits de l'enfant209 insiste depuis 2003 sur la
protection de l'enfant, l'accès aux soins de santé,
l'enseignement primaire gratuit, le soutien psychosocial, le soutien aux
familles s'occupant d'enfants vulnérables et des programmes
socio-économiques pour les orphelins. Le Rwanda présente de ce
fait une stratégie d'assistance destinée à quinze
catégories d'enfants vulnérables. Il sied de souligner
qu'enrôlés par les forces et les groupes armés, les enfants
sont aussi violés, torturés et maintenus dans des conditions
relevant quasiment de l'esclavage. Dans certains cas, ils sont victimes de
violations systématiques et généralisées, telles
que le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de
guerre. Le génocide a tué et blessé les enfants mais un
nombre important a subit des effets indirects des conflits (malnutrition et
maladie et effondrement général des systèmes de protection
sociale). La perturbation du développement physique, émotionnel,
moral, cognitif et social des enfants a des conséquences à long
terme pour leurs sociétés et pour eux-mêmes. Le Rwanda
s'est donc engagé a assuré la protection de l'enfance.
En ce qui concerne les enfants de la rue, le pays des milles
collines a mis en place une stratégie qui vise à favoriser leur
réinsertion par le biais de centres de rééducation, de
recherche des familles et de réunification ainsi que de familles
d'accueil. Les principales préoccupations concernent la mise en oeuvre
de cette politique dans la pratique et la nécessité d'assurer des
conditions adéquates dans les centres de rééducation. Par
ailleurs, la gouvernance inclusive mène à une politique de bonne
gouvernance qui lutte contre la corruption.
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