Paragraphe II : Réconciliation nationale et justice
transitionnelle.
Comme souligné tout au long de cette étude, le
génocide de 1994 a fait environ 800 000 morts de Tutsi et de Hutu
modérés rwandais en trois mois. Lorsque le FPR a
libéré le pays, le gouvernement en place et la milice ont
repoussé jusqu'à deux millions de personnes hors du Rwanda dans
des camps de réfugiés des pays voisins. Dans bien des cas, «
des villages entiers furent poussés sur la route et durent marcher
sous la menace des armes, le maire et les conseillers municipaux en tête
du groupe, tandis qu'à l'arrière, soldats et interahamwe les
pressaient d'avancer »200. Le Rwanda a dû faire face
à un défi sans précédent pour reconstruire une
société dévastée et divisée. L'approche
adoptée par le Rwanda a pour l'essentiel été mise au point
dans le pays et s'était appuyée sur des institutions
traditionnelles. Les priorités ont été la
réconciliation, la justice transitionnelle, l'aide aux survivants, la
réinsertion des rapatriés et la reconstruction de l'unité
et de la confiance.
A. Le retour des réfugiés : facteur de
réconciliation
La réconciliation nationale étant un processus
à long terme, beaucoup de progrès ont été faits au
pays des milles collines dans ce sens et l'un des indicateurs de succès
a été le retour des réfugiés dont la
majorité étaient rentrés au Rwanda dès le
début des années 2000201. S'il y
200 Philip Gourevitch, Op. cit., p. 226.
201 D'après la Commission rwandaise de rapatriement, entre
1994 et 2002, 3 261 218 réfugiés sont rentrés, du Burundi
(16,4%), de Tanzanie (26%, 9), d'Ouganda (10,2%), de RDC (46,2%) et de
plusieurs autres pays.
La mobilisation de la démarche judiciaire dans le
processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit :
le cas du Rwanda.
a eu d'inévitables différends fonciers et
problèmes de réinstallation, de manière
générale, ces difficultés ont été
gérées sans heurts.
En effet, « l'exode massif de juillet/août 1994
tramé par les idéologues du génocide avait chassé
environ deux millions de Rwandais sur une population d'environs sept
millions »202 souligne Gourevitch. Les
réfugiés sont partis du Rwanda dans des circonstances très
particulières ; ils étaient regroupés, bon gré mal
gré, par les FAR et les autorités civiles. Les autorités
administratives s'étaient efforcées de faire partir tout le monde
avant l'arrivée du FPR qui allait « régner sur un
désert »203 d'après le général
Augustin Bizimungu, chef d'étatmajor des FAR replié à
Goma. Le fait que ces réfugiés soient retournés au Rwanda
a été un grand espoir de paix et de réconciliation car, au
départ, pour ces réfugiés, un tel retour était
synonyme d'extermination.
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