B. Le TPIR : vérité judiciaire versus
vérité historique
Dans son article, « L'héritage du TPIR dans la
connaissance de l'histoire du génocide contre les Tutsi »
Mutwarasibo souligne que la vérité judiciaire du TPIR se trouve
en décalage avec la vérité historique, compromettant
même la mémoire du génocide. En effet, si le
génocide a été commis par tel ou tel, il doit l'être
aussi dans sa planification. La planification est incarnée dans la
commande. Nous soulignons tout de même qu'il est en effet assez
incompréhensible que des actes d'une pareille ampleur soient largement
exécutés sans qu'ils ne relèvent d'un plan conçu en
l'avance par des autorités supérieures. Toutefois, nous
mentionnons que la difficulté du TPIR à pouvoir établir
l'existence de la planification et des planificateurs du génocide
découlerait certainement entre autres du fait que le Tribunal n'a de
compétence198 que sur une période très
limitée du 1er janvier au 31 décembre 1994. Il lui
est
196 Ibid., p. 78.
197 Idem.
198 D'après Mutwarasibo, les statuts du TPIR furent
l'objet des calculs de la France qui usait de tous les moyens dont son droit de
veto au Conseil de Sécurité de l'ONU à
rétrécir la compétence temporelle et territoriale du
Tribunal. Le motif était manifestement de s'esquiver des poursuites
judiciaires. Pour d'amples détails sur le rôle et les motifs de la
France dans la restriction de la compétence temporelle et territoriale,
Mutwarasibo recommande de lire la présentation du Dr. Charles
Muringande, Ministre rwandais de l'Education, lors de la de la
Conférence organisée par la Commission Nationale de Lutte contre
le Génocide le 8 décembre 2009 en l'occasion du 61e
anniversaire de l'adoption de la Convention sur le génocide. En clair,
le rôle considérable de la France dans la préparation et
l'exécution du Génocide au Rwanda a été largement
mis en relief. Entre 1990 et 1994, elle a aidé à la mise en place
des centres d'instruction et d'entraînement militaire dans lesquels les
soldats français ont entraînés les escadrons de la mort. La
commission Mucyo montre par exemple qu'au-delà de
La mobilisation de la démarche judiciaire dans le
processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit :
le cas du Rwanda.
légalement difficile et pratiquement inutile d'aller en
profondeur jusqu'à établir les faits d'entre 1990 et 1994 en vue
d'établir irréversiblement l'existence et les responsables du
plan d'extermination des Tutsi.
En définitive, le TPIR a toutefois connu des
résultats symboliques et a réussi à imposer la
reconnaissance juridique du génocide ; il a permis que soient traduits
en justice des individus qui y auraient échappé si la juridiction
internationale n'avait pas existé ; ils étaient tous en exil,
hors d'atteinte des autorités rwandaises. Les procès, l'annonce
des poursuites entamées contre les éléments du FPR combien
même cela n'a jamais fonctionné, les programmes rapprochant le
TPIR de la société rwandaise sont autant de signes positifs.
Ainsi, l'institution judiciaire en société post-génocide
au Rwanda a joué un rôle fondamental dans la société
rwandaise en ce sens qu'entre autres, elle a aidé les Rwandais à
mieux comprendre ce qui s'est passé en 1994 et à panser leurs
blessures. Toutefois, la justice transitionnelle au Rwanda relève d'un
héritage mitigé dont l'objet de la deuxième partie de
cette étude.
l'assistance aux auteurs du génocide, les militaires
français en mission officielle (Opération Noroit, Turquoise), ont
eux-mêmes participé dans les actes de contrôle des cartes
d'identités, d'arrestation, de torture et d'assassinat des Tutsi.
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