L'extension des procédures collectives d'appurement du passif aux dirigeants sociaux( Télécharger le fichier original )par Stéphan Assako Mebalé Université de Yaoundé II Cameroun - DEA droit privé option droit des affaires 2005 |
CHAPITRE II - LES ENTRAVES A L'EFFICACITE DE L'EXTENSION DES PROCEDURES COLLECTIVES AUX DIRIGEANTS126- L'extension des procédures collectives aux dirigeants sociaux, est une sanction dont l'objectif premier est d'offrir aux créanciers de la société en procédure collective, un autre patrimoine comme garantie en dehors de leur gage commun qu'est le patrimoine social. Toutefois, de lege lata, la sanction débouche sur des conséquences aberrantes (section 1). Toute chose, qui invite à envisager de lege ferenda des perspectives d'amélioration de cette sanction (section 2). SECTION 1 - LES CONSEQUENCES ABERRANTES DE L'EXTENSION DES PROCEDURES COLLECTIVES AUX DIRIGEANTS SOCIAUX127- L'extension des procédures collectives vise le désintéressement des créanciers sociaux. Or, le mécanisme mis en place fait planer une incertitude quant aux droits des créanciers tant sociaux, que personnels du dirigeant fautif (parag1). Plus grave, la sanction produit des effets pervers (parag 2). Paragraphe 1 - L'incertitude des droits des créanciers128- Le mécanisme de l'article 189 AUPC, crée une incertitude quant aux droits des créanciers, tant sociaux que personnels du dirigeant. Du côté des créanciers sociaux, l'incertitude provient de la possible indisponibilité des biens du dirigeant (A), tandis que pour les créanciers personnels du dirigeant, elle prend la forme d'une véritable insécurité juridique (B). A - L'indisponibilité des biens du dirigeant129- L'incertitude des droits des créanciers sociaux provient de l'indisponibilité de certains biens du dirigeant, toute chose qui amenuise l'assiette de la garantie des créanciers sociaux. Cette indisponibilité des biens du dirigeant provient d'une double concurrence que les créanciers sociaux subiront sur le patrimoine du dirigeant. D'une part, du fait des créanciers sociaux postérieurs, d'autre part de la possible affectation des biens du dirigeant à la garantie de ses dettes personnelles. Si l'on admet que le passif mis à la charge du dirigeant fautif est constitué du passif non apuré né postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société, on pourrait conclure que les créanciers postérieurs, seront transposés dans la procédure du dirigeant munis du même droit de paiement prioritaire et primeront ainsi dans l'ordre de paiement, ceux-là même que le texte vise à protéger, c'est-à-dire les créanciers sociaux antérieurs. En outre, il peut arriver que les principaux biens du dirigeant soient affectés à la garantie des obligations personnelles du dirigeant envers ses créanciers personnels. Dans ce cas, le gage ou l'hypothèque conventionnel bénéficieront prioritairement aux créanciers personnels qui en sont les titulaires. Les créanciers personnels du dirigeant bénéficiaires d'une sûreté ou d'une hypothèque, devanceront donc les créanciers sociaux sur la somme issue de la réalisation des biens affectés à la garantie. 130- Par ailleurs, le dirigeant se porte souvent caution des engagements pris par la société qu'il dirige. Or, l'ouverture d'une procédure collective personnelle, va faire perdre au cautionnement donné par le dirigeant tout intérêt pour le créancier qui en est bénéficiaire. On sait déjà que le créancier « ne peut être admis à produire dans la faillite personnelle du dirigeant pour la même créance, d'abord ès qualités de créancier principal, puis, une seconde fois ès qualités de bénéficiaire d'un engagement de caution »1(*). On sait aussi que l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société débitrice suspend1(*) les poursuites individuelles des créanciers titulaires de privilège général, d'un gage ou d'une hypothèque1(*). L'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation des biens personnels, à l'égard de ce dirigeant-caution va produire deux effets. D'abord, la suspension de la mise en oeuvre de la caution que le dirigeant constituait, puis, tous les créanciers sociaux seront admis de plein droit dans la procédure collective ouverte contre le dirigeant. La conséquence directe est que les autres créanciers pourront se faire payer sur le patrimoine personnel du dirigeant suite à une action fondée sur l'article 189 AUPC, lequel patrimoine à l'origine, constituait le gage quasi exclusif du créancier titulaire du cautionnement. Ainsi, le créancier de la société perd le privilège de sa caution, lorsqu'il arrive que le dirigeant-caution fasse l'objet d'une procédure collective personnelle. Il devient donc simple créancier chirographaire et subi la concurrence des autres créanciers1(*). * 248 - Cass. com., 28 avril. 1964, Bull. civ. III, n°215; RTD com. 1964, p. 850, obs. R. HOUIN, cassant un arrêt rendu par la cour d'appel de DOUAI, 6 févr. 1959, RTD com. 1959, p. 159, obs. critiques R. HOUIN. * 249 - Selon l'article 75 AUPC « la décision d'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi toutes les voies d'exécution tendant à en obtenir le paiement ... ». * 250 - Toutefois, du fait de la formule générale de l'article 75 AUPC, on peut penser que la suspension des poursuites individuelles s'applique aussi à l'encontre de la caution personnelle personne physique. Ainsi, la caution peut être aussi bien une personne morale qu'une personne physique. * 251 - C'est sans doute, la raison pour laquelle la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a admis la tierce opposition du banquier titulaire du cautionnement contre le jugement ayant ouvert le redressement judiciaire personnel du dirigeant. CA Aix-en-Provence, 9 nov. 1988, Juris-data n°049462. |
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