1.2.6.2. Impact des
activités humaines sur la réserve
Selon Nsenga (2001), les activités humaines
méritent une attention particulière du fait de leurs impacts sur
la Réserve. Ces activités sont du type traditionnel ou
moderne. Les activités de type traditionnel englobent
l'agriculture itinérante, la cueillette, la chasse et la pêche qui
sont pratiquées par les populations locales. De même, le petit
élevage des caprins, porcins et ovins ainsi que de la volaille est
très répandu dans les villages et les enclaves.
Les cultures vivrières concernent : le manioc, les
bananes, le taro, le haricot, le maïs, l'arachide, les ignames, les
agrumes, les safoutiers, les mangues, etc. Elles sont cultivées dans
tous les villages de la réserve et constituent la base de l'alimentation
des populations. Les travaux de mise en culture commencent par le
défrichement, suivi de l'abattage des arbres pendant la saison
sèche. Par contre, dans les villages réguliers
(de métayers), la culture commence par le défrichement du
sous-bois et à l'abattage des petits arbres. Sans brûler, le
cultivateur installe les cultures (bananier, taro, etc.) et fait
l'agrosylviculture. Ces activités englobent aussi bien le ramassage des
produits de la forêt, la coupe du bois de chauffage que la production de
charbon de bois (carbonisation). Ce sont, donc là les activités
auxquelles les paysans s'adonnent surtout ceux des villages situés le
long des axes routiers Boma - Matadi et Boma - Tshela. Les
intéressés ravitaillent particulièrement les villes de
Boma et de Matadi en combustibles ligneux. Quant aux femmes, elles font la
cueillette des "Mfumbwa", des champignons. La chasse et la pêche
sont pratiquées dans toute la réserve malgré la
présence de quelques gardes forestiers.
La chasse est faite à l'arme de fabrication locale et
à l'aide de pièges surtout par les populations des villages
anarchiques. Les espèces les plus chassées sont les antilopes, le
pangolin, le sanglier, le porc-épic, l'aulacode, etc. Les produits de la
chasse sont vendus le long de la route Matadi - Boma aux voyageurs et aux
commerçants à des prix variables.
Actuellement, quatorze points de ventes de gibier se situent
aux abords immédiats de la réserve, principalement le long du
tronçon routier Kinzao - Mvuete - Materne. Une véritable
économie cynégétique s'est développée aux
alentours de la réserve. Toute la réserve sert d'aire de chasse,
y compris l'aire centrale, considérée comme le dernier refuge des
animaux.
La pêche est pratiquée dans les rivières
Luki et Ntosi qui, par le passé, avaient fait l'objet des
empoisonnements. Toutefois, il convient de noter l'activité de la
pêche a été réduite en raison du faible
développement du réseau hydrographique de la réserve.
S'agissant du bois de la forêt, il est utilisé
pour les besoins de la construction, quand bien même son usage amoindri
à la suite de l'adoption des nouvelles techniques : maisons en
briques adobes, en mortiers, etc. Cependant, on note une forte utilisation de
bois dans la construction des enclos, des poulaillers, etc. ainsi que dans la
fabrication du mobilier, etc. Trois activités du type moderne sont
à distinguer, à savoir : les activités des planteurs
agricoles ; celles des exploitants forestiers et des scieurs de long. Dans
ce contexte, signalons que l'INERA possède plusieurs ha de plantations
de café et de cacao dans les blocs 5, 4 et 10. De leur
côté, les planteurs font des plantations industrielles de
café, de cacao et de bananes suivant des techniques sylvo-agricoles. Le
limba est la seule essence qui a fait l'objet d'un effort de sylviculture.
Les exploitants forestiers ont leurs installations en dehors
de la Réserve. Cependant, quand ils viennent, c'est pour y
prélever la matière première à l'aide de leur
machinerie lourde. L'exploitation est sélective et se limite
essentiellement à la récolte des essences précieuses. Les
scieurs de long, clandestins, sont de plus en plus nombreux et cette
activité est très développée. Les
intéressés coupent même dans la zone centrale malgré
l'interdiction des autorités de l'INERA et du MAB. On peut noter, en
passant, que c'est davantage cette catégorie d'exploitants qui est en
conflits, devant la justice, avec les autorités du MAB.
En résumé, dans la Réserve de
Biosphère de Luki, les populations s'adonnent à l'agriculture
itinérante et l'exploitation forestière a un impact
négatif sur la Réserve. Ces effets pervers s'observe notamment,
par la réduction lente mais progressive de la forêt, le gaspillage
des terres défrichées et brûlées mais non
cultivées et l'usage fréquent des feux qui provoque souvent des
incendies ayant comme conséquences majeures :
- la suppression de la litière et par
conséquence la perte de la fertilité des sols ;
- l'appauvrissement de la flore ;
- l'accélération de l'érosion sur les
sols de pente ;
- l'apparition des espèces savanicoles en certains
endroits de forêt.
La faune sauvage riche et diversifiée dans la
région est soumise à un braconnage excessif avec des
méthodes de prélèvement non sélectives (armes
à feu, pièges etc.). Ce braconnage provoque la raréfaction
et/ou la disparition des certaines espèces animales dont la demande en
viandes de la part des habitants des villes de Boma, Matadi, Moanda,
Kinzau-Mvuete et Kinshasa est sans cesse croissante.
La faune aquatique est fortement menacée d'extinction
suite à l'usage des produits ichtyotoxiques. Quant à la
production des combustibles ligneux (bois de feu et charbon), elle est aussi
responsable de la destruction de forêts par les populations. De
même, l'usage fréquent de la tronçonneuse lors des coupes
de bois pour répondre aux besoins de l'industrie constitue une menace
grave pour cet écosystème forestier à vocation mondiale.
Selon Gata, cité par Isungu (2003), l'exploitation
forestière illicite et légale en bois d'oeuvre a permis le
prélèvement de 22.654,9 m de bois de 1994 à 1997. Cette
exploitation est à la base de la destruction du sous-bois, de la
raréfaction de certaines essences forestières comme
Chrysophylllum lacourtiana, Milicia excelsa (Ex : Chlorophora
excelsa) etc. et de la disparition de quelques espèces animales.
Comme pour le reste des rivières tropicales, la Luki et l'ensemble de
ses affluents sont bordés selon le niveau considéré,
d'arbres, d'arbustes et de plantes herbeuses.
Les observations faites lors de différentes campagnes
ont révèle que cette végétation joue un rôle
sans précédent dans le fonctionnement global de ces divers
écosystèmes et intervient directement et/ou indirectement par le
truchement des invertébrés, des algues ou de la physico-chimie
des eaux, sur la vie des poissons. Cependant, fait remarquer Mutambue, (1991),
la déforestation a des effets négatifs sur la qualité des
eaux et la vie des poissons.
Au plan de la déforestation et des milieux physiques,
il sied de noter que l'absence de la végétation perturbe le bon
fonctionnement de la rivière à plusieurs égards :
l'augmentation de la turbidité pendant la saison des pluies et de la
température pendant la saison sèche, la destruction d'habitants
des différentes biocénoses, l'augmentation du débit, la
réduction des apports ioniques, etc.
S'agissant de la déforestation et la
végétation allochtone, il est important de signaler que l'absence
de la végétation n'est pas favorable au développement de
la végétation allochtone qui 1'utilise comme support et comme
abri.
La déforestation et les invertébrés : A
ce sujet, l'absence des apports organiques (litière, débris
végétaux) qui constituent la source importante de nourriture pour
les différents taxons d'invertébrés ainsi que l'absence
des souches et des troncs d'arbres tombés qui répresentent leurs
supports ne sont pas favorables à leur développement.
La déforestation et les poissons : l'absence de la
végétation ripicole malgré sa triple fonction :
1) assure l'apport important d'invertébrés qui
sert d'alimentation à bon nombre d'espèces piscicoles ;
2) sert d'abris dans le cadre de l'équilibre
prédateur-proie ;
3) sert de supports pour les espèces qui pondent
essentiellement sur les herbes et est défavorable au
développement de l'ichtyofaune.
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