b)- La nature juridique des frontières maritimes
dans le Golfe de Guinée
Dans l'Affaire Tunisie-Lybie ou encore l'Affaire
Lybie-Malte la délimitation n'avait trait qu'au plateau continental
; or dans les différends du Golfe de Guinée, les États ont
soumis à l'arbitre une délimitation qui porte sur l'ensemble des
espaces maritimes et que le doit international leur reconnaît. Dans
l'Affaire Guinée-Guinée Bissau, il s'est principalement
agi des interprétations que les parties avaient des accords de
188616. A cause du compromis qui fut signé le 18
février 1983 par les deux États, le tribunal ne devait retenir
que l'un des problèmes de droit qui se pose en l'espèce
c'est-à-dire de savoir celui de savoir si le tracé colonial
servait à délimiter les frontières tant terrestres que
maritimes.
Il faut dire que les deux considérations juridiques se
rejoignent. A ces raisons juridiques de
12 CIJ, 10 oct. 2002, aff. de la frontière
terrestre et maritime Cameroun c/ Nigeria, Rec. CIJ.
13 « Lexique des termes juridiques », Paris, Dalloz,
18ème édition, 2011, P. 540.
14 Sentence Cameroun-Nigeria de 2002, p. 156,
paragraphe 325
15 Y. CISSE, op. cit., p. 230.
16 Id. , p. 232.
l'absence de frontières dans le Golfe de Guinée,
s'ajoutent des raisons circonstancielles.
§ 2. Les raisons circonstancielles de l'absence de
frontières maritimes entre États côtiers du Golfe de
Guinée
L'absence de frontières établies dans le Golfe de
Guinée s'explique aussi par des circonstances géographiques,
géologiques, économiques et environnementales.
a)- Les circonstances géographiques et
géologiques
Dans tous les processus de délimitation qu'il est
amené à opérer entre deux États voisins, il va sans
dire que le juge doit tenir compte des facteurs géographiques auxquels
se greffent des principes de non empiétement, du prolongement naturel,
des droits historiques su le plateau continental, de la présence des
Iles, d'Ilots et de hauts-fonds découvrants17 etc. De fait,
les réalités géographiques souvent complexes ne rendent
pas évident le tracé des frontières et par
conséquent l'exploitation des ressources naturelles des zones
concernées. Par exemple, dans l'Affaire
GuinéeGuinée-Bissau, les côtes des deux États
étaient bordées au nord par le Sénégal et au sud
par la Sierra Leone. Les côtes de la Guinée sont adjacentes,
tandis que celles de la Guinée-Bissau sont opposées18.
Cela rendait complexe le processus de délimitation vu que les deux
États possèdent un gisement unique avec toutefois des
différences géomorphologiques différentes. Les
circonstances géologiques participent également à la
difficulté de l'établissement des frontières, surtout en
ce qui concerne le prolongement naturel. De sorte que la tendance
jurisprudentielle est de ne plus accorder une portée considérable
à la nature depuis l'Affaire Tunisie-Lybie de 1982. La Tunisie
justifiait son prolongement naturel par la géomorphologie des fonds
marins et la Libye invoquait la géologie comme justification de
l'affinité entre le plateau et sa masse terrestre19.
b)- Les circonstances économiques et
environnementales
Les circonstances économiques et environnementales sont
une autre difficulté à laquelle se heurte l'établissement
de frontières précises dans le Golfe de Guinée.
17 id. , p. 233.
18 id. , p. 234.
19 id. , p.235.
En effet, le juge international se refuse de tenir compte des
considérations socioéconomiques qu'il juge versatiles et
dépourvues d'objectivité. C'est ainsi que dans l'Affaire
GuinéeGuinée-Bissau les considérations
socio-économiques ne furent pas ranger dans le moule de
l'équité. Même s'il demeure vrai que le Tribunal, n'ayant
tenu aucun compte de l'importance des ressources marines pour l'économie
des deux États, a tout de même reconnu l'importance du service
maritime qu'est la navigation pour les deux pays20.
Ce rejet de la jurisprudence qui consiste à ne pas
faire jouer les considérations socioéconomiques dans la
tâche de délimitation n'est pas pour autant vu d'un bon oeil par
les États, ce ne les empêche pas de continuer de revendiquer au
juge leur prise en considération. Ainsi par exemple, dans l'Affaire
Guinée-Bissau-Sénégal, la Guinée-Bissau
soutenait que l'application de l'accord de 1960 était une violation du
principe de souveraineté des États sur leurs ressources
naturelles. Pour autant, le Tribunal ne retiendra pas cette
considération21.
L'absence de frontières clairement définies
entre États côtiers est loin d'être sans conséquences
sur le régime juridique des gisements pétroliers de la
région tel que nous allons le voir.
|