SECTION 2 : La sanction des infractions des acteurs
au
contrôle fiscal.
L'examen détaillé des obligations du
contribuable peut laisser paraître des zones d'ombre que le
contrôleur désire mieux comprendre. Lorsque les sollicitations du
contrôleur vérificateur à cet effet restent sans
réponse ou qu'il n'a pu être satisfait par les explications du
contrôlé, alors le CGI prévoit des sanctions qui nous le
verrons peuvent être fiscales ou pénales.
Dans certaines situations, ces sanctions sont plus ou moins
atténuées selon qu'il s'agit pour le législateur de
« la bonne foi » de « la mauvaise foi »
ou enfin de « manoeuvres frauduleuses». Ces expressions
d'apparition rare tout au long du CGI, ont pourtant une importance non moins
négligeable du fait de l'ampleur des effets qu'elles produisent.
Par SULUG Philibert
A- Les sanctions fiscales
L'Administration fiscale applique des sanctions fiscales aux
manquements des obligations du contribuable qui contrevient à la
réglementation. Il s'agit soit des intérêts de retard de
l'ordre de 1,5% à 50% des droits mis à la charge du contribuable,
soit des majorations de l'ordre de 30% à 150% selon qu'il s'agit de la
bonne foi, mauvaise foi ou fraude, lesdites majorations venant en ajout aux
intérêts de retard.20
En droit français, le contribuable est redevable d'un
intérêt de retard de 0,40% par mois. Au Cameroun les sanctions
fiscales ont trait à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt,
mais toujours est-il que l'Administration fiscale se fonde sur des notions
vagues de bonne foi, mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses.
La bonne foi sous entend l'ensemble des dispositions morales
d'un individu ainsi jugé ou qualifié du fait de sa
loyauté, de sa sincérité. Elle est sanctionnée par
une majoration de 30% dans le cas d'une déclaration de paiement
déposée hors délai en plus des intérêts de
retard.
Être de bonne foi nous dit le Petit Larousse c'est
être convaincu de la vérité de ce que l'on
dit.21 Le Lexique des Termes Juridiques dans sa
10ème édition parue chez Dalloz quant à lui
définit la bonne foi en droit civil comme « ...la
loyauté dans la conclusion et l'exécution des actes juridiques.
C'est également la croyance erronée et non fautive en l'existence
ou l'inexistence d'un fait, d'un droit ou d'une règle juridique.
»
20 Cf. art. L95 et L96 du LPF
21 Petit Larousse, Librairie Larousse, Paris
VIe, 1980, p.392
Par SULUG Philibert
Il convient de préciser que la bonne foi est toujours
présumée et perçue en fonction de la personne (vu la
cause) et en fonction de l'acte (vu l'effet).
Par ailleurs l'Administration exclut la bonne foi quand le
contribuable était au courant des faits qui ont provoqué le
redressement. C'est notamment le cas quand sa déclaration ne correspond
pas aux documents comptables en sa possession ou aux renseignements fournis par
les banques, clients ou fournisseurs de l'intéressé.
A contrario, ce qui est délibérément faux
relève de la mauvaise foi.
La mauvaise foi est perceptible lorsque l'erreur ou
l'insuffisance du contribuable est volontaire, sans qu'il se soit livré
à des manoeuvres frauduleuses. La mauvaise foi est plus facilement
admise quand le contribuable, personne physique ou morale, oublie de
déclarer une bonne partie de ses revenus ou de ses
bénéfices. La sanction est la majoration de 100% pour les
déclarations de paiement produites de mauvaise foi en plus des
intérêts de retard.
En France en cas de mauvaise foi, le contribuable doit
acquitter une majoration de 40% en plus des intérêts de retard.
Par ailleurs la mauvaise foi ne peut concerner qu'une partie des insuffisances
ou omissions constatées et la majoration ne s'applique alors qu'en
proportion de cette partie.
La nature des erreurs entre aussi en ligne de compte dans la
détermination de la mauvaise foi. Elle est facilement établie
lorsque des dépenses manifestement personnelles sont passées en
frais professionnels, quand il y a cumul d'allocations forfaitaires et de
remboursements de frais, etc. De même, il est difficile de plaider
l'innocence quand on se trompe, de
Par SULUG Philibert
façon régulière,
répétée et toujours à son avantage. Ainsi on peut
associer dans certains cas la mauvaise foi à l'erreur.
La mauvaise foi est un terme employé en droit
général pour désigner « un comportement incorrect
qui participe, à des degrés divers, de
l'insincérité, de l'infidélité, voire de la
déloyauté. Conduit toujours à un régime de faveur
qui se marque, selon les cas, par l'aggravation de la responsabilité, la
perte d'un bénéfice ou l'amoindrissement d'un droit
»22
La mauvaise foi est également pénalement
considérée comme une intention, «Conscience
éclairée et volonté libre de transgresser les
prescriptions de la loi pénale. »
Il en va autrement pour ce qui est de la manoeuvre frauduleuse
dans la mesure où elle vise à tromper, à induire
expressément en erreur une personne.
La manoeuvre frauduleuse est une faute grave puisque la
pénalité atteint 150% du montant à reverser au
Trésor, sans compter les intérêts de retard de 1,5% par
mois ou fraction de mois, plafonné à 50% des droits mis à
la charge du contribuable (cf. art. L95 et art. L96 du LPF).
D'après le Code des Impôts français, toute
vente de marchandises sans factures est supposée être une fraude
à la taxe sur le chiffre d'affaires et en cas de manoeuvres
frauduleuses, le contribuable doit acquitter une majoration de 80% en plus des
intérêts de retard. Le même fait est sanctionné ici
au Cameroun par une amende dans les conditions de l'art. L102 du LPF.
22 Lexique des Termes Juridiques Op. Cit.
Par SULUG Philibert
D'une manière générale, il y a manoeuvres
frauduleuses quand le contribuable tente de tromper le fisc dans son pouvoir de
contrôle et de vérification. L'A.U portant droit commercial
général en son art. 68 sanctionne le contribuable pour
inscription effectuée par fraude.
Pris sous cet angle, les manoeuvres frauduleuses s'apparentent
à la dissimulation. Il s'agit donc d'actes volontaires et conscients
destinés à masquer la réalité sous l'apparence de
la sincérité, le plus souvent en utilisant des
procédés matériels (documents comptables, etc.).
La manoeuvre dilatoire23 est la pratique volontaire
d'un tiers dans le but de gagner du temps. En droit, c'est le fait de retarder
un jugement, de prolonger un procès. Dans le cadre de la
procédure fiscale, c'est lorsque le contribuable essaye de retarder une
décision de recouvrement contre lui. Ici, il est évident que la
volonté y est prépondérante car c'est
délibérément que le contribuable perd du temps au fisc.
Cette procédure est beaucoup plus utilisée pendant la phase
contentieuse.
Aussi, lors du contrôle fiscal il revient à
l'Administration d'apporter la preuve qu'il y a bonne foi, mauvaise foi ou
manoeuvres frauduleuses et à ce titre la nuance est subtile et
subjective.
Le législateur sanctionne le contribuable en
matière de contribution de patente lorsque celui-ci n'effectue pas son
paiement par la taxation d'office et la majoration des cotisations du
contribuable de 50 ou 100% selon que sa bonne foi est ou non
établie.24
23 Cf. art.L104 al.2 du LPF sur la sanction en
matière d'opposition à l'exécution de l'avis à
tiers détenteur.
24 Cf. article 179 du Code Général des
Impôts
Par SULUG Philibert
En observant la psychologie du contribuable, le juge fiscal
est à même de dire que le défaut de paiement de la patente
pour le cas visé ici est délibéré et
matériellement caractérisé par la récidive.
Pour ce faire, l'infraction d'absence ou de défaut de
déclaration ici sera sanctionnée par la taxation d'office et la
majoration de 150% appliquée après une mise en demeure de
déclarer. Par contre, lorsqu'il est simplement question d'absence de
déclaration sans récidive, le contribuable est soumis à la
taxation d'office et à une majoration de 100% du montant de la patente
due.
En droit d'enregistrement, la mutation de jouissance
d'immeuble dans laquelle les parties au contrat déclarent un prix autre
à la place du prix réel de l'immeuble constitue soit une
simulation soit une dissimulation.
Eu égard au contrat ostensible les parties en arrivent
même parfois à la signature d'un autre contrat secret dans lequel
elles expriment clairement leur intention.
Dans le cas ainsi présenté, l'inspecteur
sanctionne le contribuable par un versement en plus des droits exigés
par le CGI, d'un montant égal à 300% des droits en principal du
fait de la dissimulation avec existence d'une contre lettre25 (cf.
articles 318, 323 à 329 sur la sanction de l'omission, l'insuffisance et
la dissimulation en droit d'enregistrement.)
Par SULUG Philibert
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