B. Les principales obligations
Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux,
le financement du terrorisme et de la fraude fiscale, les assujettis sont
astreints à certaines obligations énumérées par la
Loi.
La déclaration de soupçons
définie à l'article L.561-15 Code Monétaire et
Financier, oblige les professionnels assujettis à déclarer
à TRACFIN les sommes ou opérations dont ils savent,
soupçonnent ou ont de bonne raison de soupçonner qu'elles
proviennent de toute infraction réprimée par une peine
d'emprisonnement supérieure à un an, au financement du terrorisme
mais également du délit de fraude fiscale, prévu
à l'article 1741 CGI, dans le cas de l'existence de l'un au moins des 16
critères définis par Décret15.
De même, l'article L.561-5 du Code Monétaire et
Financier astreint les professionnels à exercer leur obligation
de vigilance envers leurs clients mais aussi sur le ou les
bénéficiaires effectifs des opérations,
dès l'entrée en relations d'affaires, avant même la
relation contractuelle.
Les modalités d'exécution de ces obligations et les
différentes typologies de fraude devant donner lieu à une
déclaration de soupçons seront développées en
deuxième partie.
C. Les assujettis
Figurent parmi la liste des personnes assujetties aux
obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme et de la fraude fiscale, les organismes financiers, les
professions non financières ainsi que les professionnels du chiffre et
du droit16.
D. Les intermédiaires immobiliers
Figurent parmi les professions non financières soumises
aux obligations découlant de la lutte contre le blanchiment/la fraude
fiscale, les intermédiaires immobiliers17.
Au terme de l'article 1er, paragraphes 1°,
2°, 4°, 5° et 8° de la Loi n°70-9 du 02 janvier 1970,
dite « loi Hoguet » [Annexe2], il s'agit des personnes
physiques ou morales, exerçant de façon habituelle ou
prêtant leur concours dans des opérations d'achat, de vente
d'immeubles ou de fonds de commerce et couverts par une garantie.
15 L.561-15-II CMF, décret
2009-874 du 16 juillet 2009
16 L.561-2 CMF
17 L.561-2, 8° CMF
Aux yeux de la Loi, il s'agit uniquement des agents
immobiliers, professionnels représentant le
propriétaire, l'acheteur ou le locataire, lors des différents
actes de négociation d'un bien immobilier.
Toutefois, ces derniers peuvent déléguer
tout ou partie de leur mandat, à des négociateurs en immobilier
salariés ou alors juridiquement indépendants.
E. Responsabilité personnelle, professionnelle et
pénale
Si le délit de blanchiment ou de fraude fiscale
est avéré et si de surcroît, le professionnel de
l'immobilier n'a pas respecté les obligations auxquelles il est astreint
par la Loi, il pourra voir sa responsabilité pénale, civile et
professionnelle engagée.
En effet, il pourra faire l'objet d'une mesure de garde
à vue, ~tre mis en examen, placé en détention provisoire
mais également être renvoyé devant une juridiction de
jugement. Outre les peines d'emprisonnement et d'amende sévères,
des peines de confiscation complémentaires sont susceptibles d'tre
prononcées. De même, il pourra se voir interdit
définitivement d'exercer sa profession18.
Le délit de blanchiment suppose que l'auteur a agit de
façon intentionnelle. S'agissant de l'infraction générale
de blanchiment, il faudra démontrer que le prévenu savait que les
biens provenaient blanchis étaient issus d'une infraction, sans
expressément, prouver le crime ou le délit à l'origine de
ces biens19
.
Toutefois, comme cela a déjà été
souligné par Mme CUTAJAR20, la présomption de
culpabilité des intermédiaires de l'immobilier pourrait toutefois
être simplement déduite par les juges, de leur qualité
« de professionnels ». La chambre criminelle a recours
à souvent recours à une formule type « le prévenu ne
pouvait ignorer l'origine délictueuse ou criminelle de la chose, en
raison de certains faits ~ »
Cette présomption sera renforcée, en cas
de manquements manifestes aux devoirs et obligations de leur profession, au
travers du dispositif de lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale
mais également, dès lors que les assujettis se
seront abstenus d'agir alors qu'ils ont suivi des formations destinées
à reconnaître les
18 Art 9, Loi n°2006-437 du 14 avril
2006 - art. 7 (V).
19 Circulaire de la direction des
affaires criminelles et des grâces n° 96-11G du 10 juin
1996
20 Blanchiment d'argent et financement du
terrorisme (Prévention et répression) -- Chantal
CUTAJAR
opérations frauduleuses de blanchiment de
capitaux, de fraude fiscale et qu'ils auront reçu les instructions sur
la manière de procéder.
La sanction d'omission de procéder à une
déclaration demeure, en principe, en dehors du champ pénal et se
limite à des sanctions disciplinaires21. Pour
autant, l'auteur de cette omission n'échappe pas à tout
risque de sanctions pénales, comme nous l'avons
déjà évoqué, puisque les juges outre le fait qu'ils
pourront dégager de cet état une présomption de
culpabilité, des poursuites pourraient être
engagées, sur le fondement de l'article 434-1 du code pénal,
incriminant le fait de ne pas avoir informé les autorités
judiciaires d'un crime dont il était possible de le prévenir ou
de le limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de
nouveaux crimes.
Nous l'avons vu, seul, l'agent immobilier est astreint
à une obligation de déclaration de soupçon et de
vigilance, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et la fraude
fiscale. Toutefois, pour mener à bien sa mission, il peut
lui-même la déléguer en tout ou partie, soit
à des salariés, statut de moins en moins
présent, soit à des personnes juridiquement
indépendantes. Dans les deux cas, la fonction sera
celle de "négociateur", terme utilisé par les textes.
Ces personnes, commerciaux ou mandataires immobiliers (terme de plus en plus
employé) doivent obtenir auprès de la Préfecture une carte
professionnelle de "négociateur ou agent commercial
spécialisé en immobilier".22
Cette situation n'est pas sans risque pour les agents
immobiliers, qui nous le verrons un peu plus tard, sont déjà
insuffisamment formés, puisqu'ils devront s'assurer de la
remontée des informations portées à la connaissance des
négociateurs juridiquement indépendants, par les clients.
Même si les négociateurs immobiliers ne
sont pas légalement astreints aux mesures déclaratives et
à une obligation de vigilance, il n'emprche que des poursuites
pourraient être engagées à leur encontre. Il est
donc largement souhaitable qu'eux aussi soient formés à la lutte
contre le blanchiment de capitaux/la fraude fiscale. Afin de limiter leurs
responsabilités, ces derniers doivent systématiquement faire
remonter à l'agent
21 L562-7 CMF
22 Art 4, Loi n°2006-872 du 13
juillet 2006 - art. 97 JORF 16 juillet 2006
immobilier, les informations portées à leur
connaissance laissant supposer une opération frauduleuse.
Nous l'avons vu, la responsabilité de chacune
de ces entités, dépendra du lien de subordination qui pourra
exister entre elles, de la connaissance de chacun, des différents
éléments laissant présumer une opération suspecte
mais également à eliIIIlnclIde manquements manifestes aux devoirs
et obligations de leur profession, au travers du dispositif de lutte contre le
blanchiment et la fraude fiscale.
Pour conclure cette première partie, les
intermédiaires de l'immobilier ont donc, un rôle essentiel dans la
lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale, qui leur est imposé
par la Loi.
Dans un deuxième temps, nous allons maintenant essayer
de dresser un état des lieux de la fraude fiscale et du blanchiment en
France mais également constater l'état des connaissances de ces
professionnels face à leurs obligations.
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