Les conventions règlementées dans la société anonyme( Télécharger le fichier original )par Halimata BAGUIAN Université de Ouagadougou - DESS Droit des affaires 2004 |
CHAPITRE I : LA DETERMINATION DES CONVENTIONSSOUMISES A LA PROCEDURE DE CONTROLE L'entreprise pour les besoins de son fonctionnement est amenée à conclure des actes avec des partenaires divers. Ses partenaires peuvent être des tiers, des associés ou même des dirigeants de la société. Concernant cette dernière catégorie de partenaires, il est à relever, qu'ils sont en mesure, de par les prérogatives que leur reconnaît la loi, de causer un dommage à la société ou plus subtilement, d'imposer à celle-ci des transactions qui leur sont favorables, mais qui se révèlent inopportunes pour la société qu'ils dirigent. Un tel risque de voire les dirigeants servir leurs intérêts au détriment de la société est plus accru, lorsqu'il n'existe aucun mécanisme de contrôle au sein de la société. C'est ainsi que le législateur OHADA a institué une procédure de contrôle des conventions entre la société et ses dirigeants. La procédure ainsi instituée vise la protection des actionnaires de la société et de l'intérêt social de façon générale. Cependant son efficacité repose sur la connaissance des conditions préalables à l'existence de la procédure par les dirigeants. Quelles sont les conditions à l'existence préalable des conventions réglementées ? La condition est double. La première condition positive, suppose que la convention concerne un dirigeant ou une personne assimilée (section 1). La seconde condition négative, suppose que la convention ne doit pas être libre ou interdite (section 2). Section I : La condition positive : la convention concerne un dirigeantou une personne assimilée Les conventions soumises à la procédure de contrôle dans la société anonyme sont celles qui interviennent directement entre la société et ses dirigeants. La procédure s'applique également lorsque la société contracte avec lesdites personnes indirectement ou par personne interposées. Paragraphe I : La convention doit être conclue directement avec un dirigeant de la société L'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (AUDSCGIE) énumère limitativement la liste des personnes concernées. Ainsi, dans les sociétés anonyme de type classique, l'article 438 AUDSC, soumet à la procédure de contrôle, les conventions intervenant directement entre la société et un ou plusieurs de ses administrateurs, directeurs généraux, et directeurs généraux adjoints. De même sont concernées par la procédure des conventions réglementées les conventions intervenant entre la SA et une entreprise ou une personne morale, si l'une des personnes sus-mentionnées est propriétaire de l'entreprise, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, administrateur général, administrateur général adjoint, directeur général, directeur général adjoint de la personne moral contractante. En effet l'administrateur peut avoir intérêt à désavantager sa société au profit d'une entreprise dans laquelle sa participation est plus importante. Cette disposition élargit considérablement le champ d'application de la procédure qui joue fréquemment dans les groupes de sociétés ayant des dirigeants communs. L'analyse des rapports de commissaire aux comptes en annexe permet d'affirmer que ces conventions sont très courantes dans les sociétés anonymes ayant des dirigeants communs. Le cas des conventions entre la SN-CITEC, le groupe et la SOCOMA illustre parfaitement ces propos. Il faut préciser que les représentants permanents des personnes morales administrateurs sont soumis au même régime que les administrateurs en leur nom propre. Dans la SA avec administrateur général, la personne principalement visée est l'administrateur général. L'article 502 AUDSCGIE soumet, en effet, à la procédure de contrôle les conventions intervenues directement ou indirectement ou par personne interposée entre l'administrateur général et la société. Sont également soumis à la procédure les conventions conclues avec une personne morale dont l'administrateur général est propriétaire, associé indéfiniment responsable ou plus généralement dirigeant1(*). Si une telle société anonyme comporte un administrateur général adjoint, ce dernier sera soumis aux mêmes dispositions. La formule limitative consacrée par le législateur est insuffisante et ne permet pas un large contrôle des conventions réglementées. Les dirigeants sont ils les seul à pouvoir mettre en péril l'intérêt social ? Cette question se pose dans la mesure où les conflits d'intérêt entre actionnaire sont d'actualité et sont en partie responsable de la faillite de beaucoup d'entreprises. A l'heure actuelle dans la réglementation OHADA les lacunes de la réglementation n'ont pas encore été comblées comme tel est le cas en France. En France, avec la réforme du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques dite loi NRE, le législateur a comblé ce vide juridique. L'article L.225-38 du code de commerce soumet désormais à autorisation préalable du conseil d'administration la conclusion de telles conventions lorsque l'actionnaire détient plus de 5% des droits de vote2(*). Ce Seuil est porté à 10% depuis 2003. La loi NRE va plus loin, en soumettant également les conventions conclues directement ou par personne interposée entre la société et une société contrôlant une société actionnaire qui détient plus de 10 % des droit de vote3(*). La procédure s'applique même si les deux sociétés en cause n'ont pas de dirigeants communs. En guise d'illustration, si dans une société A, une société B détient plus de 10% des droits de vote et B est contrôlée par une troisième société C, si une convention est conclue entre A et C , elle doit être soumise à la procédure des conventions réglementées. Si ces dispositions soumettent à la procédure de contrôle des conventions réglementées les conventions intervenues directement entre la société et ses dirigeants en raison des risques qu'elles présentent, qu'en est-il du cas des conventions conclues indirectement ou par interposition avec la société ? Paragraphe II : Les conventions conclues indirectement ou par personne interposées Dans la pratique des sociétés, il ressort que certains dirigeants peuvent conclure indirectement ou par personne interposées des conventions avec la société qu'ils dirigent. L'AUDSCGIE qui reconnaît de telles situations soumet également à la réglementation ces conventions. Cependant l'AUDSCGIE est muet sur la définition de l'intérêt indirect et de l'interposition de personne. La jurisprudence OHADA ne s'est pas également prononcée sur la question à notre connaissance. C'est à la doctrine et la jurisprudence française que reviennent le mérite de la définition des deux notions (A) et les applications qui en sont faites (B). A. Les notions d'intérêt indirect et d'interposition de personnes. A1. La notion d'intérêt indirect L'article 438 alinéa 2 AUDSCGIE, soumet à la procédure de contrôle les conventions auxquelles un administrateur, un directeur général, ou un directeur général adjoint est indirectement intéressé. L'intérêt indirect est également pris en compte par l'article 502 AUDSCGIE en ce qui concerne les sociétés anonymes avec administrateur général. Que faut-il alors entendre par intérêt indirect ? Il y a intérêt indirect lorsqu'un administrateur, directeur général, ou un autre dirigeant de la société doit tirer profit d'un marché d'une entreprise sans toutefois y être partie4(*). Mais la notion n'étant pas définie dans les textes OHADA, il va sans dire que son appréciation sera relativement souple. L'intérêt indirect doit présenter certaines caractéristiques pour pouvoir être pris en compte. En toute logique, l'intérêt indirect doit être sérieux et devra être assez significatif pour infléchir la conduite du dirigeant intéressé et faire peser sur la convention une légitime suspicion. Son appréciation se fera au cas par cas. De toute évidence, l'intérêt indirect devrait être pris en compte dans le cas d'une convention conclue entre une société anonyme et une autre société dont l'un des administrateur de la société anonyme possédera le contrôle5(*). A2. Notion d'interposition Les articles 438 et 502 AUDSC disposent que la procédure de contrôle des conventions réglementées s'applique également aux conventions dans lesquelles les dirigeants ou associés visés par les textes traitent avec une personne interposée. Les conventions par interposition de personnes sont celles qui interviennent sous le couvert d'une personne physique ou morale qui sert de prête-nom aux dirigeants de la société anonyme bénéficiaire en définitive de ces conventions. D'une manière générale, une présomption d'interposition de personne pourrait frapper les membres de la famille, en particulier le conjoint, les ascendants et les descendants. On observera néanmoins que l'interposition de personnes s'apprécie in concreto et doit toujours être démontrée. Pour les personnes physiques autres que les membres de la famille, il n'existe en principe aucune présomption d'interposition. Cependant lorsque, pour la conclusion d'une convention, il a été recouru à un prête-nom, cette convention constitue un cas indéniable d'interposition de personnes. Ainsi défini, on remarque que ces deux notions sont très apparentées. Quelles applications la jurisprudence fait-elle de ces deux notions ? C'est à l'examen de cette question qu'il convient de s'atteler. B. Les applications faites de ces deux notions par la jurisprudence L'intérêt indirect et l'interposition de personnes sont deux notions certes très proches et sont, sans doute pour cette raison invoquées cumulativement. C'est ainsi que la cour de cassation a confirmé la décision d'une cour d'appel d'avoir jugé qu'une promesse de vente consentie par une société à l'épouse de son président, bénéficiait « indirectement » à celui-ci dans la mesure où les époux, quoique séparés de biens, cohabitaient dans le logement faisant l'objet de la promesse, de sorte que la société avait « en fait contracté par personne interposée » avec le président lui-même.6(*) De même, dans une autre affaire, pour rejeter le pourvoi reprochant à un arrêt d'avoir soumis à autorisation une convention d'exclusivité conclue entre une SA et une SARL dont les seuls associés étaient les fils du président de la SA, la chambre commerciale s'est bornée à rappeler les termes de l'article 101 alinéa 2 du code de commerce, sans préciser si cette convention présentait pour le président un intérêt indirect ou si elle devrait être considérée comme conclue avec lui-même par personne interposée 7(*). Quant à la doctrine, elle expose volontiers que « l'interposition de personne n'est que le révélateur d'un intérêt indirect »8(*), ou qu'elle « implique celui-ci »9(*) Cependant, les deux notions ne se confondent pas. L'intérêt indirect, en effet, est plus large que l'interposition de personne, de sorte que le recours à cette notion permet dans les sociétés anonyme, d'élargir notablement le champ d'application du contrôle des conventions. C'est ce qu'illustre parfaitement un arrêt, rendu par la cour de Paris le 20 novembre 1998, qui présente au surplus l'intérêt de procéder à une application non pas cumulative mais successive de l'interposition de personne et de l'intérêt indirect. Les juges considèrent, en effet, que le président de société anonyme est indirectement intéressé par le bail consenti à la société par une société de construction immobilière dès lors que le dirigeant était « par interposition de personne morale écran (...) associé de la société bailleuse ». Ayant ensuite constaté que la conclusion du n'entrait pas dans le cadre de l'activité habituelle de la société et stipulait au surplus des conditions excessives au préjudice celle-ci, l'arrêt a prononcé logiquement l'annulation de cette convention qui ne constituait pas une opération courante conclue à des conditions normales, et comportait pour la société des conséquences dommageables. Il ressort des développements ci-dessus que ce sont les conventions conclues directement, indirectement ou par interposition de personne entre la société anonyme et ses dirigeants qui sont soumises à la procédure de contrôle des conventions réglementées. Cependant certaines d'entre elles y échappent puisque dans la réglementation les conventions libres ou interdites sont exclues de la procédure de contrôle. C'est la condition négative de l'existence des conventions réglementées. * 1 Le terme « dirigeant » est très vague. Il appartient à la jurisprudence de dire si au-delà des mandataires sociaux, il englobe tous les directeurs techniques ou seulement certains d'entre eux. * 2 Ce seuil de 5% fixé par la loi NRE est porté à 10 par la loi de Sécurité financière du 1er août 2003. * 3 Pour une interpretation plus large, cf BCNCC n°126-2002, p261 ; compar. BCaillaud, les conventions conclues entre une société anonyme et une société contrôlant une société actionnaire detenant plus de 5% de vote de la SA. JCP éd. E.2002, n° 272. * 4 Mercadal et Janin, Memento des sociétés commerciales, Francis Lefèbre 2003, n° 8365. * 5 Didier Loukakou, les conventions réglementées dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA, Penant n°884, juillet-septembre 2004. * 6 Cass.ch. com. 23 janvier 1968 Bull. civ. IV, n°38. * 7 Cass. Ch. Com. 23 octobre 1990 Revue Société 1991, 1992, note Y Guyon * 8 Y. Guyon note précitée. * 9 B. Mercadal et P. Janin, Mémento pratique Francis Lefèbre, Sociétés commerciales, 1998, n°1384. |
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