La consommation d'alcool en milieu scolaire : cas de la ville de Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Ulrick Lilyan MVE ONA Institut Sous-régional des Statistiques et d'Economie Appliquée (ISSEA) - Ingénieur 2006 |
SECTION 3 : LES DÉTERMINANTS DE LA CONSOMMATION DES ÉLÈVESLes facteurs expliquant le fait pour un élève d'être consommateur ou non peuvent être appréhendés à travers un modèle économétrique. Pour analyser la relation entre la variable endogène dichotomique (Buveur ou Non buveur) et les variables exogènes précitées, nous utiliserons un modèle approprié, à savoir le modèle LOGIT.
Modéliser et appréhender la situation de consommateur ou non ne relève pas des modèles économétriques traditionnels (modèles linéaires). En effet, la variable endogène (buveur ou non buveur) et certaines variables explicatives, présentées à la suite, sont des variables dites dichotomiques. C'est-à-dire ce ne sont pas des variables continues comme dans le cas des séries chronologiques. De plus, les modalités de ces variables ont des caractères qualitatifs et ne sont donc pas dans un ordre logique (ordinal). Pour traiter des données variables qualitatives, des travaux ont été initiés respectivement par les économistes53(*) D. Mac Fadden (1974) et J. Heckman (1976) et se sont révélés innovants. Dès lors, grâce à sa simplicité et ses nombreuses utilisations économétriques, le modèle LOGIT que nous allons utiliser est devenu le modèle par excellence. De plus, ce modèle est quasiment intégré dans tous les logiciels statistiques et économétriques. La formalisation de notre modèle logistique se présente comme suit : yi : variable endogène dichotomique (yi=1 pour buveur et yi=0 pour non buveur) ; xi : caractère de l'élève (concernant les variables explicatives) ; prob : fonction de probabilité (prob(yi=1) est la probabilité que l'élève soit buveur) ; F : fonction de répartition de la loi logistique. Les transformations successives donnent ; soit qui est la valeur Odds ratio. Le cours d'économétrie54(*) permet de mieux s'imprégner des méthodes d'estimations du modèle LOGIT.
Concernant les variables explicatives, nous avons amélioré le modèle en omettant les variables qui n'étaient pas significatives. Ainsi nous avons constaté que l'âge explique certainement mieux le comportement alcoolique d'un élève par rapport à la classe fréquentée. Cela est d'autant plus vrai, puisqu'une valeur V de Cramer=0,011 a montré que cette dernière liaison était insignifiante. Par ailleurs, nous observons dans les établissements une consommation caractérisée par les tranches d'âges (un élève de 17 ans en 6ème préfère boire avec des élèves du second cycle qui sont de la même génération).
De plus, le modèle initial a présenté une opposition de choix entre la situation matrimoniale du CM et la religion de l'élève. Seule une des deux variables était explicative et devrait figurer dans le modèle. Nous n'avons pas opté pour la religion qui apporterait moins de solutions publiques. En effet, bien que les animistes soient les plus grands buveurs d'alcool, une solution gouvernementale et même individuelle ne saurait être d'encourager un alcoolique chrétien à se ranger à l'Islam. Encadré 3 : Des aides à l'interprétation du modèle LOGIT · la significativité montre s'il y a une relation explicative entre la modalité et le fait d'être buveur ou non buveur ; · le signe du coefficient B donne le sens de la liaison, à savoir positif (+) pour buveur et négatif (-) pour non buveur ; · la statistique Odds ratio permet de comparer l'intensité de la liaison pour une modalité par rapport à la modalité de référence.
2. Les résultats et les interprétations du modèle L'application du modèle LOGIT sous le logiciel SPSS a permis, entre autres, d'obtenir les résultats présentés dans le tableau 38. Tableau 37 : Les résultats du modèle
Source : ECAS, nos calculs * : modalité de référence Il ressort au vu de ces résultats que le modèle est globalement satisfaisant (Pourcentage correct élevé, Probabilité liée au Khi-deux quasiment nulle, Pseudo R2 assez élevé, Significativité de 5%). Le modèle nous amène à fournir les interprétations55(*) suivantes : · L'âge des élèves Les élèves les plus âgés ont un risque de consommation d'alcool (1,305) plus élevé par rapport à leurs cadets. En effet, le modèle confirme ce résultat déjà souligné dans les analyses précédentes. · La situation familiale Par rapport aux élèves dont les CM sont des célibataires, ce sont les élèves qui appartiennent à des familles désunies qui sont plus disposées à la consommation d'alcool. En effet, ces derniers ont quatre fois plus de risque d'être des buveurs (3,622 et 3,668) ; alors que les apprenants des familles unies (marié ou concubin) ont trois fois plus de risque d'être consommateurs d'alcool (2,551). Notons par ailleurs que si le CM est célibataire, il peut s'agir de l'élève enquêté (locataire ou interne). Dans ce cas, ces élèves sont moins sont aptes à consommer des alcools car ils ont parfois plus de responsabilité (gestion alimentaire rationnelle, obligation des résultats...) ou sont plus surveillés. · La consommation du tabac Les scolaires, qui actuellement n'ont jamais fumé de cigarette, ont deux fois plus de chance d'être des buveurs d'alcool. En effet, cette situation peut s'expliquer par le fait que la majorité des buveurs ne sont des fumeurs et non l'inverse. Autrement dit, les apprenants débutent dans la consommation des boissons alcoolisées qui les emportent à rechercher des sensations plus « fortes » dans la consommation du tabac. · La première prise d'alcool Le modèle montre que les élèves qui ont déjà goûté à l'alcool ont sensiblement plus de risque (0,023) de devenir des buveurs confirmés d'alcool par rapport à ceux qui n'ont jamais pris une goutte d'alcool. En effet, l'alcool est une drogue à fort effet de dépendance au point où il semble quasiment impossible d'en stopper la consommation : « Qui a bu, boira »56(*). Ainsi, la modélisation apporte une meilleure compréhension au problème social d'alcoolisme juvénile. En effet, le fait pour un élève d'être consommateur d'alcool ou non peut être expliqué, entre autres, par sa maturité d'âge, les manques d'affection et d'attention des parents, le fort effet de dépendance de la drogue «alcool» et la recherche des « sensations plus fortes » qui conduit à la prise d'une autre drogue licite et nocive, à savoir le tabac. En définitive, la méthode d'analyse des variables au cours de ce chapitre V s'est révélée satisfaisante. En particulier, l'utilisation du test de Khi-deux nous a permis de déceler les liaisons entre la situation de consommation (buveur ou non buveur) et les variables exogènes. La statistique V de Cramer a aidé à mesurer l'intensité des probables liaisons. Par ailleurs, l'analyse en correspondances multiples (ACM) a contribué au positionnement des différentes modalités et à retenir les variables les plus représentatives. En outre, le modèle LOGIT, approprié à cette étude, nous montre que le fait d'être buveur ou non peut être schématisé à travers les variables exogènes suivantes : la situation matrimoniale du CM, l'âge de l'élève, la première prise d'alcool et la consommation de tabac. * 53 Pr. Christophe HURLIN, « Économétrie des Variables Qualitatives », Polycopié de Cours, Université d'Orléans Maîtrise d'économétrie, janvier 2003 * 54 Pr. Robert NGONTHÉ, « Économétrie », Support de cours, ISSEA 4ème année IAS, 2005-2006 * 55 Dans ces interprétations, les valeurs entre parenthèses « ( ) » désignent les odds ratio. De plus, certains odds ratios sont appréhendés à l'unité près. * 56 Locution proverbiale |
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