La consommation d'alcool en milieu scolaire : cas de la ville de Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Ulrick Lilyan MVE ONA Institut Sous-régional des Statistiques et d'Economie Appliquée (ISSEA) - Ingénieur 2006 |
SECTION 4 : LA LUTTE CONTRE L'ABUS D'ALCOOL« Le petit oiseau boit seulement l'eau qui n'empêche pas son vol ». Proverbe malien La lutte contre les problèmes d'alcoolisme des élèves est un problème de santé publique qui demande la participation de tous les agents économiques. 1. Les effets des politiques antialcooliques
Nous savons déjà que pour lutter contre les externalités liées à la consommation d'alcool, le Gouvernement procède à l'augmentation des prix des boissons pour réduire la demande des acheteurs ou interdit simplement la consommation des boissons alcoolisées.
Les différentes approches des élèves sur le prix des alcools sont données dans le tableau suivant : Tableau 20 : Distributions conditionnelles des buveurs suivant leur avis sur le prix de la boisson liées par le sexe
Source : ECAS, nos calculs La politique de l'État a un effet positif puisque la majorité des élèves (61,5%) reconnaissent que la boisson coûte chère. En réalité cette dernière proportion devrait être plus élevée, ce qui n'est pas le cas puisque certains scolaires (26,7%) ne ressentent pas l'effet de la politique gouvernementale. Ce qu'il y a de plus critique, c'est le fait qu'une proportion non négligeable d'individus (11,8%) affirme même que les boissons alcoolisées sont moins chères. Cette dernière réponse prend tout son sens du fait qu'au Cameroun les promotions de vente sont nombreuses. En effet, les capsules des bières permettent souvent de gagner de nombreux lots qui compensent la cherté des alcools.
Concernant les comportements dictatoriaux, il existe une panoplie de textes régissant le secteur de l'alcool au Cameroun, entre autres : · L'interdiction de vendre de l'alcool à l'intérieur et aux alentours des établissements Nous pouvons déjà critiquer cette loi puisque la zone d'interdiction environnant les établissements n'est pas précisée. Autrement dit, à quelle distance devra-t-on observer les premiers débits de boisson? Les réponses des consommateurs dans un même établissement sont variées comme le montre le tableau 22. Tableau 21 : Distributions conditionnelles des buveurs suivant leur avis sur le nombre de débits de boissons liées par le sexe
Source : ECAS, nos calculs Sur ce point des débits de boissons à proximité des lycées et collèges, nous pouvons dire que les mesures gouvernementales ne sont pas efficaces. Seuls 29,8% des élèves prétendent qu'il n'y a aucun débit de boissons à proximité de leur établissement. Nous sommes plutôt de l'avis de la plupart des consommateurs (70,2%). En effet, nous avons observé au moins un débit de boisson à moins de 30 mètres de chaque établissement enquêté. C'est ce qu'affirment la plupart des élèves qui disent qu'il y en trop (25,5%), suffisamment (20,7%) et peu (24 ,9%). Évidemment, ce sont les filles, en majorité, qui mettent en évidence l'existence des lieux de consommation.
· L'interdiction de vente des alcools aux mineurs Le graphique suivant décrit un résultat des plus décevant des politiques antialcooliques : Graphique 16 : Répartition des élèves suivant leur insatisfaction à la demande d'alcool
En général, les élèves (83%) consomment aisément des boissons alcoolisées dans les différents commerces (bar, buvette, boîte de nuit...). Néanmoins, certains vendeurs appliquent les textes officiels en interdisant souvent (7%) ou parfois (11%) la vente d'alcool aux écoliers. L'État devrait agir plus rigoureusement. Concernant la surveillance des excès alcooliques des jeunes, elle est d'autant plus faible, puisque l'intervention des « forces de l'ordre » est souvent très limitée (en bordure de route ou dans quelques « coins chauds »46(*)) et seulement à des heures tardives. Par conséquent les scolaires savent déjà comment éviter la « police ». Graphique 17 : Répartition des buveurs suivant le fait d'avoir déjà été interpellé par la police Source : ECAS, nos calculs Il ressort de ce graphique que seule une infime partie des apprenants (6,5%) a déjà été victime des arrêts des forces de l'ordre. Cette attitude se justifierait entre autres par l'absence ou quasi-inexistence d'interventions policières dans les domiciles, les restaurants, les boîtes de nuits... D'ailleurs les jeunes saisis par les forces de l'ordre ne subissent pas toujours les sanctions en vigueur, puisqu'il existe des « arrangements à l'amiable ».
Les parents comme les enseignants ont l'obligation d'éducation de base des jeunes. Bien que, plus de la moitié (57,4%) des éducateurs soient informés des prises d'alcool des scolaires, le tableau 23 présente des contrastes. Tableau 22 : Distributions conditionnelles des élèves suivant l'attention des éducateurs liées au niveau d'étude
Source : ECAS, nos calculs Les parents comme les enseignants s'intéressent d'abord à la consommation d'alcool dès les premières années au lycée, c'est-à-dire en 6ème (63,4%), 5ème (68,2%) et 4ème (60,8%). Ensuite jugés matures, les élèves sont laissés à leur propre sort entre les classes de 3ème et 1ère. Un vif intérêt ressurgit dans les classes de terminale (62,4%) où les élèves doivent passer le BAC. En effet, le suivi des éducateurs sur les habitudes alcooliques des apprenants dépend des classes fréquentées par ces derniers comme le révèle le test de Khi-deux (÷2=14,567 ; p=0,024). Cependant, le tableau 24 permet de mieux expliquer le phénomène observé.
Les parents comme les enseignants ne réagissent vraiment pas au danger que constitue le problème d'alcoolisme. Seuls 19,2% des scolaires ont déjà été blâmés ou punis suite à une consommation d'alcool. Tableau 23 : Distributions conditionnelles des buveurs suivant les reproches alcooliques des parents ou enseignants liées au niveau scolaire
Source : ECAS, nos calculs Le tableau 24 précédent montre que les élèves les plus réprimandés sont respectivement ceux des classes de 4ème (28,5%), de 3ème (25,0%) et de 6ème (23,5%). D'après les statistiques de Khi-deux (÷2=14,152 ; p=0,028), le fait d'être reproché ou pas est relatif à la classe fréquentée. Par ailleurs, une étude conjointe des tableaux 25 et 26 montrent que dans certains cas les élèves masquent leurs consommations d'alcool suite aux réprimandes de leurs parents. C'est particulièrement l'observation qui se fait dans les classes de 4ème où de nombreux éducateurs (60,8%) sont informés des comportements alcooliques des apprenants et réagissent par conséquent vigoureusement par des blâmes et punitions (28,6%). Mais en classe 3ème, bien que certains éducateurs réagissent aussi sévèrement (25,0%), les élèves de cette classe d'examen prétendent que leurs parents et enseignants sont les moins informés (46,2%) de leur habitudes alcooliques.
La consommation d'alcool constitue un danger dans la réussite scolaire de l'élève. Les enseignants le savent et en parlent comme l'illustre le graphique 18. Graphique 18 : Répartition des consommateurs suivant l'enseignement antialcoolique
Source : ECAS, nos calculs Il s'en suit, au vu de ce graphique, qu'un peu plus de la moitié des consommateurs (54,0%) reçoivent souvent les leçons de prévention contre l'alcoolisme. Cependant, certains professeurs (28,6%) ne parlent pas assez des problèmes de l'alcool. De même des mesures doivent être prises par les responsables de l'enseignement au Cameroun, car certains enseignants semblent ignorer que l'alcoolisme constitue un problème de santé public. Il est inadmissible que certains apprenants (17,4%) ne soient pas informés des méfaits de l'alcool. 2. La contribution des victimes
Pour qu'une cure de désintoxication soit efficace, il faudrait que la victime présente d'abord une envie d'arrêter avec l'alcool. Malheureusement, le tableau 25 montre que la majorité des élèves (53,8%) n'ont pas l'intention d'arrêter de boire. Tableau 24 : Distributions conditionnelles des buveurs suivant le désir de désintoxication liées par le sexe
Source : ECAS, nos calculs En effet, la plupart des garçons (53,0%) et des les filles (54,5%) n'envisagent pas de stopper leurs consommations d'alcool. Soit parce qu'ils ne connaissent pas de graves problèmes d'alcoolisme, soit ils sont en phase de dépendance. Dans tous les cas, nous verrons au tableau 26 que la prise de conscience à la nécessité d'arrêt la consommation d'alcool est plus favorable chez les élèves des classes inférieures (premier cycle), n'étant pas encore dépendants à l'alcool ; et donc plus captivés à la sensibilisation. Quand aux aînés du second cycle, la dépendance a déjà pris place. De plus, nous avons une relation entre le fait de vouloir arrêter ou pas de boire et la classe fréquentée par l'élève (÷2=21,99 ; p=0,001). Tableau 25 : Distributions conditionnelles des buveurs suivant le désir de désintoxication liées par le niveau scolaire
Source : ECAS, nos calculs Ce tableau montre en particulier que la volonté manifestée par les parents de réduire les consommations d'alcools en classe de 4ème est satisfaisante. Ainsi, c'est en classe de 4ème que la plupart des élèves souhaitent stopper de boire.
Au Cameroun, un vieil adage dit que : « les conséquences conseillent mieux que les conseils ». Nous verrons comment les personnes souffrant des problèmes d'alcoolisme aigu ou chronique influencent l'arrêt d'alcool des apprenants. Tableau 26 : L'effet de la connaissance des problèmes des alcooliques sur la non prévention des apprenants
Source : ECAS, nos calculs Ce tableau montre que la plupart des buveurs sont des élèves qui connaissent les personnes en difficulté d'alcool mais qui ne cherchent pas à connaître davantage sur leur problème personnel d'alcool (83,9%). Par conséquent, il semble difficile d'expliquer la relation entre la connaissance des alcooliques et la prévention contre l'alcoolisme par le jeune (÷2=3,8301 ; p=0,05). De plus, la statistique V de Cramer47(*)= 0,097, montre que l'intensité de cette relation est très faible. Au terme de ce chapitre IV, il ressort que la plupart des élèves des établissements secondaires d'enseignement général consomment des alcools. Cette consommation se fait souvent même à proximité des lycées et collèges. Par ailleurs, la majorité des jeunes ignorent la principale raison de leur alcoolisme. En effet, les scolaires sont de plus en plus dépendants à l'alcool, c'est pourquoi, ils n'entendent pas arrêter de boire. Les apprenants ne sont vraiment pas sensibles aux problèmes que connaissent les alcooliques. Nous verrons ce qui explique vraisemblablement la prise d'alcool des élèves. * 46 Lieux de consommation de masse tels que le Manège, Rond-point Nlongkak, Carrefour Bastos, etc * 47 Le V de Cramer est une statistique comprise entre 0 et 1, calculée à partir du Khi-deux, qui mesure l'association entre deux variables. Lorsque le V de Cramer a une valeur basse (proche de 0), l'intensité de la liaison entre les deux variables est assez faible. |
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