IV. ETUDE DE CAS
Dans une pratique de classe l'enseignant occupe trois fonctions
définies par DABENE4 : Informateur : il connaît le
français et il transmet une langue.
Animateur : il gère les séances de classe. Il
attribue les tours de parole, donne les consignes.
Evaluateur : il juge les productions orales des apprenants.
L'enseignant peut n'occuper qu'une de ces fonctions au cours d'un
moment de la classe mais cela ne veut pas dire qu'elles sont
indépendantes les unes des autres :
« [elles] peuvent être simultanément
remplies dans une séance de langue qui se caractérise par un
nombre élevé d'interactions verbales et par la mobilité
avec laquelle l'enseignant passe d'une fonction à l'autre »
CICUREL (1985).
Dans mon observation de la classe de langue de l'IMEF j'ai
trouvé plusieurs séquences où ces trois fonctions se
retrouvent sous la forme de stratégies d'enseignement : la validation
par la répétition, la reformulation et le traitement de l'erreur.
Je vais étudier ces trois stratégies d'enseignement à
travers diverses interactions tirées de divers moments de la classes
pour voir si ces méthodes sont transversales. Dans cette étude je
vais essayer de mettre en évidence ces stratégies d'enseignement
:
1) La validation par répétition : l'apprenant
prononce un énoncé correct, le professeur le reprend et le
répète une ou plusieurs fois pour le valider.
2) La reformulation : utilisation de la paraphrase ou des divers
niveaux de langue pour exprimer une même idée.
3) Le traitement de l'erreur : l'évaluation de l'erreur
ou feed-back (jugé important par Philippe Perez).
J'ai essayé de prendre divers moments de classe mais
dans un même exercice il y a plusieurs unités, on ne se limite pas
seulement à la résolution d'une consigne, on étend le
champ des possibilités. Tous les moments ne sont pas traités,
ceux choisis sont assez représentatifs de ce qu'était le
leçon de classe.
La partie sur la « situation de la séance
construite » correspond à la mise en place du contexte de
l'interaction. Quand l'intervention d'un interactant est
numérotée, la transcription suit les modèles d'une
transcription orthographique, les fautes de phonétiques sont
représentées sous la forme de phones.
4 DABENE L. « Pour une taxonomie des
opérations métacommunicatives en classe de langue
étrangère » Etude de linguistique appliquée
n°55, pp. 39-46.
1) La validation par répétition
Situation de la séquence construite : Les
apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire
le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée
au tableau sous la forme d'un dessin.
1 : Lucie: C'est une femme.
2 : Prof : C'est une femme. Oui ?. C'est une jeune femme
?
3 : Lucie et Tanja : Non.
4 : Prof : C'est une vieille ?
5 : Tanja : C'est une vieille femme.
6 : Lucie : (en même temps) Vieille femme.
7 : Prof : C'est une vieille femme. Autre possibilité
?
8 : Lucie : C'est une...âgée femme.
9 : Prof : C'est une femme âgée.
10 : Lucie : Femme âgée.
11 : Prof : Oui ? C'est une vieille femme, c'est une
femme...relativement âgée,...oui ? En tout cas une femme
d'âge mûr...oui ?. Heu...Philippe, elle est...elle est brune
?
Dans cette interaction l'enseignant mène la discussion
en posant des questions et en validant les réponses. L'erreur de Lucie
en 8 est corrigée directement, il ne s'arrête pas pour la mettre
face à son erreur, pourquoi ? si nous observons les
questions/réponses, on remarque que les interactants suivent la
structure de base de la phrase qui est sujet/verbe/complément, il n'y a
pas de superflu, les phrases sont courtes, la séquence se concentre sur
l'utilisation et l'acquisition du vocabulaire. A la fin de la séquence,
en 11, l'enseignant répète une dernière fois les mots de
vocabulaire, avant de changer de séquence il s'assure que tout est
acquis.
Situation de la séquence construite : C'est un
exercice d'expression orale. Les apprenants doivent décrire plusieurs
images qui racontent la vie quotidienne d'une dame. Sur l'image 7 cette dame
fait ses courses.
1 Prof : Elle s'entend ok...action...possible. Bien.
7.
2 : Roberta : Elle fait les ach[e].
3 : Prof : Elle fait les achats.
4 : Roberta : Les...les achats.
5 : Profs : Ok mais spécifiquement elle fait les...
?
6 : Roberta : Ah l[?] course.
7 : Prof : Oui elle fait les courses...elle fait les courses
où?
8 : Lucie : Au marché.
9 : Prof : Au marché.
10 : Philippe : Elle achète des fruits et
légumes.
11 : Prof : Elle achète des fruits et des
légumes c'est bien Philippe...ok...elle achète des fruits et des
légumes quoi d'autre ?:
Dans cette séquence on retrouve la même dynamique
que dans l'étude précédente : chaque parole est la plus
restreinte possible, il faut aller droit au but, l'enseignant ne s'arrête
pas sur l'erreur de Roberta en 2 ni ne la corrige en 6 ; Il ne les remarque pas
mais se concentre sur les synonymes et l'élargissement du vocabulaire
(5). Chaque réponse est rarement validée pas un « oui »
(5 et 7), il n'utilise presque pas la paraphrase, il répète ce
que vient de dire l'apprenant, pour valider la réponse : en associant la
proposition d'un(e) élève à sa propre parole, l'enseignant
légitime le discours de l'apprenant.
L'interaction est dynamique, vive, il faut limiter les points
morts, il faut sans cesse la relancer par des questions mais aussi par la
répétition qui valide les réponses : c'est essentielle
dans un courant qui se veut communicatif. L'enseignant doit solliciter
l'apprenant, il ne doit pas lui laisser le temps de trop penser dans sa langue,
dans ce type d'exercice les mots doivent venir naturellement, d'où la
faible importante consacrée à la correction des fautes.
L'interaction entretient l'interaction : elle continue et
s'auto-génère par le principe de la répétition.
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