III. THEORIES DE L'INTERACTION
L'apprentissage est forcément interactif, ouvert
à l'imprévu, vigilant aux obstacles, il se situe dans un contexte
qui est le lieu d'émergence d'organisation cognitives et sociales en
constante évolution.
Selon Chomsky apprendre c'est se placer du côté
de la performance, chez Piaget c'est reconstruire intégralement la
langue et l'objet de l'apprentissage en considérant que, cognitivement,
le cerveau est vierge et que les facultés d'apprentissage
relèvent de la stratégie. Alors que selon Vigotsky,
l'apprentissage ne peut pas être fait sans un contexte ; il ne se
construit qu'en interaction avec le contexte (interactionnisme). Les processus
interactionnels constituent les premières étapes de processus
acquisitionnels : il faut créer et gérer en commun des
savoir-faire, du discours. C'est le concept Vigotskien d'apprentissage.
Les différents courants
C'est vers les années 1970 que l'on assiste à
l'émergence de ce courant disciplinaire et que les conversations
deviennent le centre de l'analyse des interactions. L'étude des
conversations a fait l'objet de nombreux écrits depuis la Renaissance
mais maintenant la recherche se place dans une optique scientifique
c'est-à-dire purement descriptive. L'analyse des conversations se trouve
à la croisée de nombreuses disciplines parmi lesquelles on
retiendra, dans le cadre de notre étude : la psychologie,
l'éthnosociologie et la linguistique.
L'interactionnisme dans le domaine de la psychologie est
surtout représenté par l'école de Palo Alto qui se base
sur le principe du « on ne peut pas ne pas communiquer ».
C'est en 1962 dans un article en réaction contre
Chomsky que Hymes expose son point de vue sur le langage et fonde
l'éthnographie de la communication : à l'inverse de la conception
chomskyenne selon laquelle savoir parler c'est être capable de produire
et d'interpréter un certain nombre d'énoncés bien
formés, il faut acquérir une compétence de communication
qui est la manière qu'a le sujet de bien parler en fonction des
situations culturelles spécifiques. L'accent est mis sur la valeur
culturelle des situations de communication : à l'inverse de Chomsky qui
parle de la société en terme de « communauté
homogène », l'éthnographie des communications observe
des interactions dans leur milieu naturel en tentant de donner des observations
objectives des données.
Parallèlement, ou en complémentarité de
ce domaine, Garfinkel parle d'éthnométhodologie lorsqu'il s'agit
d'étudier les méthodes qu'utilisent les membres d'une
communauté pour gérer les problèmes communicatifs. Dans ce
courant, va naître l'analyse conversationnelle dont l'objectif est de
décrire le déroulement des conversations quotidiennes en
situation naturelle.
Bien que la linguistique soit l'étude de la langue,
elle ne s'est intéressée que tardivement aux interactions. Au
début elle ne s'est intéressée qu'au système
abstrait de la langue, de productions courtes et monologuales. Depuis les
années 1980 on assiste à l'étude des discours «
corpus » authentiques et dialogués (non monologaux). On passe
à une description empirique de la langue : la théorie au service
des faits et non l'inverse.
La communication
La communication est un aspect de l'interaction car elle est
assurée essentiellement par la langue : elle met en scène un (ou
plusieurs) émetteur et un (ou plusieurs) récepteur. Pour qu'il y
ait communication il ne faut pas seulement que les « interactants »
parlent il faut qu'ils se parlent c'est-à-dire qu'il y ait un
échange et une influence mutuels. Ainsi dans l'interaction
face-à-face l'échange est coproduit et interactif dans
le sens où il y a un travail collectif. Dans la conversation on
distingue des interactions verbales et des interactions non-verbales :
celles-ci sont très importantes car il est plus facile pour un apprenant
de comprendre un interlocuteur « en vrai » que via une seule
écoute audio.
Une classe de langue étrangère est vue comme un
espace réduit régi par des règles sociales et
communicatives strictes dont le but est de maximiser l'apprentissage par la
garantie d'une bonne relation enseigner/apprendre. Dans la perspective
interactionnelle l'enseignant reprend une place centrale : c'est lui qui
mène la classe, il est agent et doit manipuler la conversation pour
maximiser l'apprentissage.
L'interaction en classe de langue est très
différente de la conversation quotidienne puisque la conduite et la
progression de ladite interaction dépendent du jugement de l'enseignant
sur l'échange qui vient d'avoir lieu alors que dans la conversation les
tours de parole viennent naturellement. La salle de classe est un lieu
où la manière et le but sont un seul et même objet : la
langue elle-même : on provoque un discours par le discours pour en saisir
les irrégularités, ainsi il est habituel de trouver à la
fin d'un échange, une séquence de reformulation d'un
problème de communication. Néanmoins il faut que
l'apprenant conserve comme objectif la pertinence de son
discours et pour cela il faut maintenir une communication réelle via des
tâches communicatives et une autonomie dans la gestion de son
discours.
C'est dans cette pertinence du discours, c'est-à-dire
l'adéquation entre l'intention de communiquer et les moyens
linguistiques mis en oeuvre, que va se constituer une « zone de
développement potentiel » où commencera
l'apprentissage.
C'est tout le paradoxe de l'apprentissage scolaire.
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