II. THEORIES DE L'APPRENTISSAGE
Qu'est-ce qu'apprendre ?
L'apprentissage est une notion très vaste, c'est
pourquoi dans cette partie je ne donnerai qu'un panorama général
en me limitant à ce qui touche à l'interaction : l'interaction a
une influence sur l'apprentissage et à l'inverse est influencée
par celui-ci ; c'est pourquoi il est important de décrire certains
aspects de l'apprentissage qui vont jouer dans l'interaction.
Selon le dictionnaire de didactique :
« L'apprentissage peut être défini comme
l'acquisition de connaissances et d'habilités définies
généralement en termes de savoir et de savoir-faire et la somme
de ce savoir et de ce savoir-faire participant à la construction des
compétences de l'apprenant ».
C'est ainsi que COÏANIZ (1996) définit
l'apprentissage comme « une praxis1 finalisée
c'est-à-dire qui vise à l'acquisition et à la
maîtrise d'un domaine » ; En effet, depuis les approches
communicatives de nombreux bouleversements ont eu lieu : l'acteur le plus
important dans la classe est l'apprenant, c'est sur lui, ses besoins, sa
personnalité que doit se fonder le cours, il ne dispense plus un cours
mais fait le lien entre une langue qu'il connaît et un public qui veut
l'apprendre : nous sommes dans l'apprentissage d'une compétence de
communication il ne s'agit plus d'enseigner des savoirs linguistiques mais des
savoirs-faire, on passe donc de l'évaluation de savoirs à
l'évaluation de ce que l'apprenant sait faire avec ce qu'il sait c'est
ainsi que la somme de ces savoirs et de ces savoirs-faire participe à la
création d'une compétence. Durant l'apprentissage
l'élève sera confronté à une nouvelle
réalité : il s'y adapte, résiste ou la refuse. Pour
enseigner il faut savoir quels sont les facteurs qui rentrent en jeu dans
l'apprentissage.
Les processus psychologiques
L'apprentissage est, en psychologie, un concept qui recouvre
deux aspects complémentaires : il y a une interaction entre un individu
et un milieu (ici institutionnel mais ce peut être un milieu social) et
il indique qu'il y a chez cet individu, adulte, un enrichissement de son
comportement (ici le langage) par l'ajout de nouvelles capacités ou la
modification des capacités antérieures. L'apprentissage du
langage a souvent été
1 Vient du grec
ðñáæéò, åùò
: action
interprété comme étant le résultat
d'une représentation mentale de l'environnement : de là est
née la psychologie cognitive, à la fin de la moitié du
XXème siècle.
Les processus psychologiques intervenant lors de
l'apprentissage sont très peu connus : les premières lois de
l'apprentissage telles qu'elles ont été établies au
XXème siècle sont le fait de la psychologie
béhavioriste. Mais très rapidement deux courants ont pris le
dessus : le courant cognitiviste qui a donné naissance à la
psychologie cognitive (venue des Etats-Unis) et une psychologie d'inspiration
Gelstatiste (née en Europe). La psychologie cognitive est une branche de
la psychologie générale qui étudie les processus mentaux
impliqués dans la mémoire, dont le langage. Ces processus mentaux
ont pour fonction le traitement, par étapes successives, de
l'information pour s'adapter le mieux possible à l'environnement
extérieur.
Actuellement, c'est la théorie de la gelstat qui
prédomine. Cette théorie affirme que l'enfant qui apprend sa
langue maternelle et l'adulte qui apprend une langue étrangère
vont développer les mêmes activités mentales : ils vont
apprendre par globalité. C'est comme cela qu'un enfant apprend à
parler et paradoxalement c'est la méthode la plus difficile à
enseigner. Voici un petit test que j'ai effectué sur des
étudiants de niveau A2 : je leur ai demandé de lire un texte dont
les lettres sont dans le désordre.
Malgré la difficulté que pourrait
présenter la lecture de ce texte dont les lettres sont dans le
désordre, les élèves ont réussi à lire et
à comprendre le texte avec autant de facilité qu'un
français, ne butant que sur les mots d'usage peu courant
(cerveau) ou trop longs (importante). Cela illustre bien que
les activités mentales qui conditionnent la lecture par globalité
fonctionnent aussi bien pour la langue maternelle que pour une langue
étrangère. Chaque individu est caractérisé par sa
propre manière d'apprendre : lorsque l'apprenant arrive dans une classe
de langue il a déjà un représentation de ce que sera
enseigné : à la fois le thème (ici la langue
étrangère) et la manière. Le groupe que je
suivais à lMEF fonctionnait par gelstat, je me souviens
d'une remarque de Philippe Perez : les apprenants connaissaient ses mimiques,
ils savaient reconnaître ses expressions face à une erreur et
d'eux-mêmes essayaient de les corriger et c'est une forme de Gelstat.
L'apprenant
Tout processus interactionnel d'apprentissage d'une langue met
en relation un apprenant, un contexte et une langue. La langue
étudiée est le français. Le contexte peut être
immersif ou institué : dans le cadre du stage les deux contextes
étaient mélangés, les apprenants suivaient des cours dans
un institut en France mais étaient en contact avec des personnes parlant
la même langue qu'eux, ainsi le contexte d'immersion dans le
français n'était pas toujours total et cela a une influence sur
l'apprentissage de la langue : le fait d'alterner ainsi deux langues
crée une rupture de continuité au niveau cognitif et
altère la rapidité d'apprentissage. Dans sa définition
première, l'apprenant est un terme qui désigne toute personne en
situation d'apprentissage. L'apprenant se veut comme central dans
l'enseignement : c'est en grande partie de lui et de sa réaction
à l'enseignement que viendra sa réussite ou son échec dans
l'apprentissage du français. L'apprenant est partie intégrante de
l'interaction sans interaction il n'est pas apprenant.
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