L'information de l'acquéreur des titres sociaux dans l'espace OHADA( Télécharger le fichier original )par Marlize Elodie NGNIDJIO TSAPI Université de Dschang - DEA 2009 |
B. Une plus large admission du dol par les tribunauxL'attitude réceptive des tribunaux à l'égard du dol est une garantie pour l'acquéreur. La pratique révèle en effet que le dol est la voie la plus indiquée pour la protection de l'acquéreur. C'est le cas lorsque le cédant des titres ou la société émettrice a donné des informations fausses ou trompeuses146ou s'est abstenu de communiquer des informations essentielles sur la société147. Il est donc certain que l'affirmation mensongère du cédant ou l'omission volontaire de communiquer une information dont il sait pertinemment qu'elle porte sur un aspect déterminant de l'entreprise pour le cessionnaire est de nature à fonder une demande d'annulation pour dol. L'obligation d'information qui pèse sur celui qui vend ou offre ses titres pour une souscription conduit donc à ce que la simple méconnaissance de cette obligation fonde une action en nullité en respect de l'équilibre contractuel148. Cependant, la jurisprudence est regardante sur la catégorie de personnes qui invoquent le dol. Et est rigoureuse lorsque l'acquéreur qui déclare avoir été trompé par des man°uvres frauduleuses de son cocontractant est un professionnel qui devrait en sa qualité de spécialiste du domaine être plus dynamique et rechercher 145 « Subjectivement, la qualité substantielle est la qualité jugée comme telle par celui qui s'est trompé, celle qui l'a amené à contracter » car si les actions sont acquises, en effet c'est dans le but d'exercer un activité commerciale. Cass. Com. 13 Février 1990, op. cit. 146 Par exemple un faux chiffre d'affaire. 147 Il s'agit dans cette hypothèse de la réticence dolosive article 1116 du code civil. 148 MAGNAN FABRE (M.), Essai d'une théorie de l'obligation d'information dans les contrats, LGDJ, 1992. des renseignements149. C'est aussi le cas de l'acquéreur associé. Les juges sont plus exigeants lorsqu'il s'est abstenu de requérir les informations nécessaires. Certains juges sont allés jusqu'à considérer que l'acquéreur professionnel est tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis. Ce qui à notre sens est une perversion de l'obligation d'information150mais il faut noter qu'en vertu de l'obligation de loyauté et de bonne foi, l'acquéreur devrait dans certaines circonstances attirer l'attention de son vendeur sur l'importance du bien qu'il acquiert. Ce qui est tout un autre débat qui ne nous intéresse guère ici car il s'agit pour ce qui est de notre cadre d'investigation de l'information que doit l'émetteur à l'acquéreur et non le contraire. En somme, le dol est caractérisé par son élément matériel qui procède d'une man°uvre ou d'un mensonge. Le dol suppose que l'erreur provoquée ait eu un effet déterminant sur le consentement de l'errans, peu importe l'objet de l'erreur151, le simple silence suffit à caractériser le dol. Il faut relever que dans toutes les hypothèses du dol, l'élément intentionnel est requis. Qu'en est-il des implications de ces actions en nullité ? §2. LES IMPLICATIONS DE LA NULLITE Les man°uvres frauduleuses du cédant, constitutives de dol ou d'erreur, permettent au cessionnaire de demander la nullité du contrat ou des dommages et intérêts152. La jurisprudence est unanime sur ce point153. Toutefois, le prononcé de cette nullité est rare voir rarissime. C'est ainsi que les juges déclarent quelques fois l'irrévocabilité des souscriptions. La question s'est posée au cours d'une instance, où il était révélé qu'une société avait souscrit à un emprunt obligataire suite à une offre faite par une autre société. Elle demandait par la suite l'annulation de la 149 MESTRE (J.), «une véritable protection d'ordre public des consentements lors des cessions de contrôle des sociétés, Lamy Droit civil, n° 20, 01 Octobre 2005, n°20. 150 V. MAZEAUD (D.), réticence de l'acquéreur sur la valeur du bien vendu , note sous cassation, 3e ch. civ. 17 Janvier 2007, Recueil Dalloz 2007, n°15, p. 1051 ; Voir également les notes de STOFFEL- MUNCK (Ph.) sur le même arrêt, p.1054. 151Exemple d'une simulation de souscription visant à susciter d'autres souscriptions. 152 Pour ce qui est des dommages et intérêts nous les étudierons plus loin dans l'indemnisation. 153Cass. Com., 3 Avril 1979, Rev. soc. , 1980, note Du PONTAVICE, 4 Décembre 1990, Bull Joly, 1991 ; note ROCA, 5 Juillet 1994, Bull Joly, 1994, note COURET, 15 Novembre 1994. souscription, arguant qu'elle avait été contrainte d'acquérir ces titres alors que la période de souscription n'était pas clôturée. La cour d'appel de Paris rejeta sa demande au motif que l'offre ayant reçu acceptation par la souscription, le contrat était devenu parfait154. Telle que nous l'avons dit, la nullité est rarement accordée car elle pose de nombreuses difficultés. Un problème délicat est souvent celui de la valeur de restitution des titres cédés. Pour la cour de cassation, seul l'actionnaire profite de la plus value des titres sauf possibilité pour l'acquéreur de réduire les dépenses nécessaires ou utiles faites pour la conservation des titres155. Il faut préciser que lorsqu'il s'agit de l'annulation pour non respect d'une condition de publicité, le législateur OHADA ne prévoit pas d'action en nullité mais plutôt une possibilité de régularisation156. En cas de non régularisation, la société sera considérée comme une société de fait157. Donc la sanction consiste en la qualification de société de fait avec les conséquences qui en découlent comme obligations indéfinies aux dettes. Nous pensons entre autre que l'acquéreur pourrait également intenter une action rédhibitoire par laquelle il obtiendrait résolution de la vente en raison des vices cachés. Mais la sanction civile la plus appropriée reste et demeurent les actions en responsabilité civile car l'octroi des dommages intérêts à la mesure du préjudice, permet d'adapter la sanction à l'utilité réelle que l'opération représente pour le cessionnaire158. 154 C.A Paris, 23 Février 2006 in la semaine juridique, Edition entreprises et affaires, n° 24, p.1080. 155 Cass. Com., 29 Mars 1994, Bull Joly, 1994, note COURET, Droit des sociétés, 1994, n°116, obs. LE NABASQUE. 156 Art.75 AUSCGIE : «si les énonciations exigées par le présent Acte uniforme ou si une formalité prescrite par celui-ci pour la constitution de la société a été omise, ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente, dans le ressort de laquelle est situé le siège social, que soit ordonnée sous astreinte, la régularisation de la constitution. Le Ministère public peut également agir aux mêmes fins ». 157Voir ANOUKAHA (Fr.), ABDOULLAH CISSE, NDIAW DIOUF, NGUEBOU TOUKAM (J.), POUGOUE (P.G.), MOUSSA SAMB, Sociétés commerciales et GIE, op. cit. , n°180, p.113. 158 MATHEY (N.), L'obligation de contracter de bonne foi s'invite dans la cession d'actions, note sous cassation, 1ere ch. civ., 15 Mars 2005, société Affiche Européenne holding, RTD civ. 2005, p.381, obs. MESTRE (J.) et FAGES (B.), p. 1462, note CATHIARD (A.), in Revue des sociétés, 2005, p.587. |
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