La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource( Télécharger le fichier original )par Vincent PAREIN Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009 |
2) Offrir un spectacle aérien ritualiséNous avons tenté de mettre en exergue le fait que l'aviation est une activité populaire car appréciée par le public. Le meeting aérien est une manifestation concordant avec les premiers vols de machines plus lourdes que l'air, à la fin du XIXème siècle95. Aujourd'hui, des dizaines de meeting/manifestations aériennes à périodicité annuelle sont organisés en France. Après comptage, il s'avère qu'une part non-négligeable de ceux-ci sont organisés dans la région Nord-pas-de-Calais96. Nous envisageons que cela s'expliquerait notamment par la place qu'a cette région dans l'histoire de l'aviation (région d'origine de beaucoup d'aviateurs « historiques » et relativement dense en terrains d'aviation). Au niveau de l'aérodrome de Lille-Marcq, les élus
ont souhaité organiser annuellement un meeting 94 http://www.ville-bondues.fr/sigal/SIGAL.pdf 95 MARCK Bernard, « Dictionnaire universel de l'aviation », ed. Tallandier coll Dictionnaires, 2005. 96 Meetings annuels à la base de Cambrai et aux aérodromes de Calais-Mark, Dunkerque-les-Moëres, Douai, LensBénifontaine, Lille-Marcq, Valenciennes-Prouvy. consacré à l'aviation avait émergé. Les divers acteurs rencontrés à ce sujet (élus, fonctionnaires et usagers) concordent pour indiquer que ce sont les élus du SIGAL qui ont souhaité cet évènement : « -C'est vous les usagers qui avez fait pression pour organiser un festival ou c'est les élus ? -Honnêtement, ça viendrait plutôt du SIGAL finalement. Devant le succès la première année, 8000 visiteurs je crois... »97. « C'est venu progressivement l'idée de faire un meeting quoi. A chaque fois, ils votent pour la reconduire tout les ans. »98 Le discours des élus se distingue par l'évocation de l'intérêt qu'ils ont à organiser un événement susceptible de rayonner et de faire la promotion de leur territoire dans toute la métropole lilloise : « Le festival de l'air ? Nan y a toujours eu des meetings à Bondues. Ça été relancée il y a quelques années parce qu'il faut animer la plateforme, la faire connaître, que le public vienne, ça remplit du monde hein (...).C'est un peu la promotion du site, ça nous coûte par an 42 000 euros »99. Peut-être que ce type de manifestation contribue à accroitre les ressources (notamment symboliques, en terme de notoriété par exemple ) des élus intercommunaux au sein de l'espace politique local, justifiant l'organisation d'un tel spectacle. Si nous avons jusqu'à présent focalisé nos propos sur les élus et fonctionnaires locaux, notre hypothèse est que ce type d'évènement constitue une réelle fenêtre d'opportunité au profit des usagers qui peuvent à cette occasion tenter de mettre à mal le paradoxe de l'aviation que nous avons mis en avant. En effet, le festival de l'air est une occasion de mobilisation et de quête de nouvelles ressources (symboliques ou matérielles) pour les associations et sociétés présentes sur le site. Les différents comités syndicaux abordant la question du meeting aérien donnent l'occasion de voir que l'intercommunalité est un niveau que les usagers utilisent afin de demander des subventions afin d'accroitre leurs moyens, par exemple pour communiquer lors du festival (mise en place et tenue de stand) et ainsi espérer recruter de nouveaux membres ou clients : « On participe beaucoup, c'est gratuit. Nous associations et usagers on participe, on guide les gens, on leur donne des documents, on leur montre ce qu'est un avion etc... »100 97 Entretien avec représentant des usagers, 11/05/09. 98 Entretien avec une permanente SIGAL, 20/03/09. 99 Entretien avec un ancien vice-président du SIGAL, 9/04/09. 100 Entretien avec un représentant des usagers, 11/05/09. En outre, l'organisation du festival de l'air paraît être l'occasion d'entretenir des relations cordiales et étroites avec les élus et fonctionnaires locaux : « L'organisation est étroitement faite entre nous et le SIGAL, alors là c'est vraiment ce qu'on appelle la main dans la main. »101 L'hypothèse posée ici est que l'entretien de ce type de relations pourrait être utile en tant que répertoire d'action spécifique afin porter plus efficacement les doléances des usagers de la plateforme aux (nouveaux) propriétaires. Parallèlement, nous pouvons envisager que ces relations tendent en retour à légitimer les usagers auprès des élus qui sont amenés à composer et travailler avec des partenaires dépourvus d'une quelconque légitimité politique. Des travaux ont mis en évidence que certaines entreprises de mobilisation étaient en partie le fruit de la structuration du champ politique ainsi que d'une reconnaissance et institutionnalisation par les acteurs politico-administratifs102. Toutes choses égales par ailleurs, la prise de l'aérodrome par les quatre communes permet d'expliquer en retour la création de l'association pour la promotion du champ d'aviation de Lille-Marcq (APCALM), association regroupant l'ensemble des associations et sociétés implantées sur le terrain et chargée de défendre les intérêts des usagers. Nous estimons que la coalition des usagers a ainsi été favorisée par le transfert de l'aérodrome à l'intercommunalité, constitutive d'une mutation de la structure du champ politique local. Les usagers ont ainsi été institutionnalisés et quelque peu réifiés par les élus locaux via l'APCA-LM. Nous avons vu que les élus locaux paraissent avoir intériorisé (sans objectivation explicite) l'attractivité symbolique que peut procurer ce territoire et partant de là, avoir décidé de participer activement à la légitimation et promotion de ces activités. Nous allons voir que les élus du SIGAL, en tant qu'entrepreneurs locaux, souhaitent garder cet aérodrome local dans les buts d'identification territoriale et de capitalisation sur le plan économique. 101 Ibid. 102 A titre d'exemple : JUHEM Patrick, La participation des médias à l'émergence des mouvements sociaux : le cas de SOS-Racisme, Réseaux, n°98, 1999, pp. 121-152. |
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