Partie II : « Un territoire, des projets » :
entreprises de re-
légitimation d'un équipement
limité et générateur de
nuisances
I) L'aviation de loisirs : ouverture au public et
capitalisation économique
Notre enquête tend à révéler que
l'aviation est une activité populaire car spectaculaire pour le grand
public. C'est notamment cet aspect qui justifierait les investissements des
élus locaux dans la démarche de pérennisation des
activités aériennes. En outre, cette thématique est
perçue par ces politiques comme attractive au plan économique
pour une zone prospère, justifiant une prospective de capitalisation
autour de cet équipement.
A) Aller voir les avions : l'aviation populaire
1) Faire ré-approprier l'aérodrome par le
grand public
Il n'est pas aisé de travailler sur des
thématiques qui ne s'inscrivent pas réellement dans une
cumulativité scientifique. Cela contribue à relativiser d'autant
plus les thèses défendues, à, plus que jamais, envisager
notre contribution comme un travail de démonstration de courte ou
moyenne portée.
A propos de l'aviation, nous avons envisagé que cette
thématique pouvait être attractive aux yeux du grand public,
l'intérêt pour celle-ci allant au-delà des individus se
déclarant passionnés d'aviations et à fortiori pratiquants
d'un sport aérien. Afin de tester cette proposition, nous nous sommes
attaché à observer la fréquentation des aires publiques de
deux petits aérodromes locaux, celui de Lille-Marcq et le terrain de
Lens-Bénifontaine, semblable au premier dans la mesure où il est
constitué d'aires de circulation et de pistes en herbe.
Dans les deux cas, nous avons constaté que les aires
publiques étaient notablement investies les weekend de beau temps. Les
journées les plus clémentes nous ont permis de remarquer qu'il
pouvait être difficile pour les visiteurs venant en automobile de trouver
un emplacement disponible. Le public observant les évolutions des
diverses machines volantes semble plutôt familial, de nombreux enfants
étant accompagnés par leurs parents. Nous avons également
pu voir des personnes âgées appréciant de « se
détendre et prendre l'air en regardant les avions et les
parachutistes »88. Le discours est similaire chez des
individus plus jeunes venus « voir les avions voler
»89. Si des personnes se déclarant vivement
intéressées par l'aviation peuvent constituer le noyau solide des
visiteurs d'aérodrome, nos discussions informelles nous autorisent
à souligner ici que la population investissant ces terrains est plus
diversifiée que cela.
Ainsi, l'aviation légère, si elle est un secteur
d'activité regroupant diverses pratiques90, constitue en
outre un spectacle apprécié du public qui tend à
s'approprier un équipement n'intéressant à priori que les
pratiquants et passionnés. Les pratiquants semblent également
percevoir ce côté spectaculaire et par là-même
attractif de leurs pratiques :
« Bon, on peut même pas trouver une place pour
stationner le dimanche quand il fait beau parce que les gens ils viennent
pique-niquer,manger et...regarder les paras, un gros succès (rire).
»91
Les élus et fonctionnaires du SIGAL, en tout
cas, semblent avoir intériorisé cet aspect « symbolique
» conféré par ce spectacle-aérien permanent. Le
syndicat intercommunal nous est apparu comme un outil d'accompagnement et de
soutient à l'appropriation publique d'un aérodrome,
équipement à priori utilisé par des activités dont
l'audience92 est très limitée comparativement à
d'autres sports.
Une partie de l'activité de communication entreprise au
niveau du SIGAL consiste à présenter au grand public
riverain les différents sports aériens praticables sur le
terrain. Le paradoxe de l'aviation93, s'il ne semble pas
objectivé dans les discours des élus et fonctionnaires
rencontrés, nourrit une visée de défense et de
légitimation des pratiques aéronautiques via une entreprise de
88 Propos d'une dame âgée accompagnée de son
mari, aérodrome de Lens-Bénifontaine, le 19/04/09.
89 Propos d'un jeune couple, aérodrome de Lille-Marcq, le
9/05/09.
90 BELOT C., op. Cit.
91 Entretien avec un pilote avion/planeurs, secrétaire de
l'APCA-LM.
92 L'estimation haute envisage environ 200000 pratiquants de
sports aériens en France. Cf BELOT C., op. Cit.
Le secrétaire de l'association des usagers (APCA-LM)
estime à environ 2000 le nombre de pratiquants sur Lille-Marcq
(chiffre incluant les très nombreux et majoritaires
« membres d'un jour » venant faire un baptême de l'air ou un
saut
en tandem).
93 Nous entendons par là le fait que l'audience publique
de l'aviation (et son caractère attractif) dépasse le nombre de
pratiquants effectifs.
communication que l'on peut qualifier de lyrique ou
enchantée :
(image extraite d'une plaquette de
présentation94 du SIGAL et de l'aérodrome)
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