2.2. REVUE DE LA LITTERATURE
L'idée que l'on se fait du jeu varie selon les auteurs
et les époques. Cette notion, comme l'ensemble du langage, fonctionne
comme un contexte social. L'impact du jeu sur le phénomène de
socialisation de l'enfant a fait l'objet de nombreuses études dans le
cadre des sciences de l'éducation. Il y a un certains nombre d'auteurs
qui ont essayé d'apporter leurs apports dans la compréhension des
jeux africains comme exercices initiatiques. On peut citer entre autres, la
thèse d'état du Professeur MBONJI EDJENGUELE10 (1992),
mais aussi, les contributions des Professeurs NGA NDONGO V. et KAMDEM E. (1992)
relatives aux jeux dans l'univers culturel camerounais.
Mais dans le cadre de ce travail, nous avons focalisé
notre attention sur deux ouvrages significatifs qui nous ont permis de baliser
notre travail. Il s'agit de :
? Jeu et Éducation de Gilles
BROUGERE et,
? La Cour de
récréation de Julie DELALANDE.
Pour des raisons de synthèses, nous avons
préférer présenter ici un résumé de chaque
ouvrage, à partir des extraits de texte élaborés par ces
auteurs, à des fins marketings, et disponibles sur internet.
Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas effectivement consulté ces
livres. Car nos appréciations suivront immédiatement.
2.2.1 JEU ET EDUCATION11
[« Comment sont
pensées les relations entre jeu et éducation ? Qu'est-ce qui
justifie de mettre ensemble ces deux notions ? Comment une activité
jadis associée à la frivolité, à
l'inutilité, a pu aujourd'hui être considérée comme
une voie possible pour certains apprentissages. Refusant les propos convenus
sur l'évidence de la valeur éducative du jeu, cet ouvrage analyse
les différentes façons de penser cette relation et montre
l'origine de la rupture au début du XIXe siècle, qui
fonde l'association contemporaine entre jeu et éducation. Cette analyse,
si elle s'appuie sur les rapports des différents auteurs,
pédagogues, philosophes, psychologues, montre également, à
travers l'exemple de l'école maternelle française, comment
celle-ci a produit un discours sur le jeu tout à fait spécifique.
Quand l'éducation se prend au jeu, c'est la façon même de
penser le jeu qui en est profondément transformée. Pour BROUGERE,
il n'est pas possible de s'intéresser au jeu dans la pratique
pédagogique sans s'informer sur les fondements d'une telle
association. »]
Cet ouvrage n'apportant pas un grand éclairage en ce
qui concerne la cour de récréation. Nous nous sommes
tournés vers celui de DELALANDE.
2.2.2. LA COUR DE RECREATION: CONTRIBUTION A UNE
ANTHROPOLOGIE DE L'ENFANCE.12
[« Qui ne connait pas la cour de
récréation pour l'avoir fréquenté étant tout
petit ? Le brouhaha qui s'installe quand les enfants sortent, les jeux qu'on y
pratique chaque jour et les histoires qui s'y passent ? Pourtant, peu
d'études s'attachent à approfondir l'importance fondamentale de
ce temps partagé entre pairs dans le quotidien de l'enfant. Julie
DELALANDE propose ici une approche novatrice de la cour d'école et
montre qu'elle fonctionne comme une
« micro-société » où les
élèves mettent en place des règles de vie qui
dépassent largement celles qu'impose le jeu commun. Grâce à
un travail minutieux d'observation basé sur la méthode
ethnographique, elle décortique les formes de sociabilités
enfantines et fait apparaître l'école comme un lieu de
perpétuation d'un savoir enfantin.
Loin de déboucher sur une situation chaotique
parce que non organisée par les enseignants, le temps de
récréation révèle l'établissement par les
enfants, de règles et valeurs qu'ils reprennent des adultes et
s'approprient pour structurer leurs relations. Ce livre a aussi pour ambition
de penser une anthropologie de l'enfance quasi inexistante. Il propose pour ce
faire, une réflexion sur le statut des enfants de notre
société en regard de celui qu'ils avaient autrefois, et compare
à celui qu'on leur donne dans d'autres cultures.
Il participe par conséquent à une meilleure
connaissance de l'enfant et à l'ouverture d'un nouveau champ de
recherche. Le travail de Julie DELALANDE pose un regard original sur le monde
enfantin qui stimulera la réflexion des professionnels de l'enfance en
sortant des problématiques habituelles de la
psychopédagogie. »]
2.2.3. APPRECIATIONS DES DEUX OUVRAGES
Loin de négliger ou de nier la pertinence des travaux
de BROUGERE G. (1995) et DELALANDE J. (2001), une remarque s'impose cependant,
ces recherches bien que complémentaires à notre travail,
demeurent purement comme une simple théorie pour la compréhension
des jeux enfantins en contexte négro-africain.
En effet, dans la pensée relationnelle
négro-africaine, il n'existe pas d'espaces réservés ou mis
à part pour la pratique des jeux. Ceux-ci sont dilués dans toutes
les activités de la vie sociale de l'homme. Car l'on joue en travaillant
et vis -versa.
Evoluant dans la sphère éducative, ces deux
ouvrages nous ont permis de s'approprier le vocabulaire technique lié
à notre champ d'étude. De mieux cerner les rapports qui existent
entre jeu enfantin et éducation scolaire. Ce qui nous a permis de mettre
en exergue le jeu comme un fait social chez BROUGERE et les cultures enfantines
dans les cours d'école (DELALANDE).
2.2.3.1. LE JEU COMME UN FAIT SOCIAL
Après avoir constaté que :
« Le jeu est une chose dont chacun parle, que tous
considèrent comme évidente et que personne ne parvient à
définir » (P.18). BROUGERE se demande comment sommes-nous
passés de l'image du jeu comme activité futile à
l'idée de sa valeur éducative ? Il en arrive à une
première conclusion selon laquelle L'idée que l'on se
fait du jeu varie selon les auteurs et les époques, la façon
dont on l'utilise et les raisons de cet usage sont liés.
Le constat de cette polysémie n'a pas pour fonction de
jeter le discrédit sur un terme aussi usuel. Car bien des mots de notre
langage s'accommodent de cette diversité, source de richesse et de
souplesse autant que de difficultés. Pour lui, « La notion de
jeu comme l'ensemble du langage fonctionne dans un contexte
social. ». L'utilisation du terme doit dont être prise en
compte comme un fait social. L'association contemporaine entre jeu et
éducation qui a donné naissance au concept
de « jeu éducatif » renvoie à l'image du
jeu que l'on trouve au sein de notre société où il est
utilisé.
Suivant les analyses de HENRIOT Jacques 13,
dans sous couleur de jouer, pour qui, employer un terme n'est pas un
acte solitaire mais sous entend un groupe social pour lequel ce vocable fait
sens. Il révèle le fait selon lequel
« ...considérer qu'il y a jeu quelque part n'est pas
un constat objectif sur la réalité mais l'émission d'une
hypothèse, l'application à l'expérience d'une
catégorie fournie par la société, véhiculée
par la langue, instrument de la culture de cette
société ». (P.19) Les analyses de BROUGERE et
HENRIOT rejoignent celles de REYNOLDS P.C. 14. Pour qui, en termes
de comportements, il n'y a pas de différence entre les activités
ludiques et les autres. Seules les conséquences diffèrent. Pour
lui, « Le jeu tire ses configurations de comportements d'autres
systèmes affectifs comportementaux. »
A titre d'illustration, BROUGERE fait remarquer qu'il y a jeu
à partir du moment où l'enfant a appris à désigner
quelque chose jeu. Il n'a pu le tirer de lui-même. Avoir conscience de
jouer résulte d'un apprentissage, d'un dressage linguistique auquel
l'enfant se trouve soumis dés les premières semaines de son
existence. Raison pour laquelle la culture du groupe apparait comme un
élément inducteur dans la compréhension de cette
étude.
2.2.3.2. CULTURES ENFANTINES
Après avoir démontré que l'idée
d'un savoir enfantin est largement admise par les anthropologues. Citant Arnold
VAN GENNEP 15 qui écrit ceci :
« L'éducation de l'enfant, son instruction verbale et
agie, se fait surtout par les autres enfants, et sans qu'il s'en doute, par une
contrainte morale. Il doit faire comme les autres : s'abstenir de «ce
qui ne se fait pas», se soumettre à un code d'honneur qui oppose la
société enfantine à celle des adultes, de la famille
d'abord, puis des professeurs de toute sorte » (1943 : 167).
DELALANDE mène alors l'observation de cours de
récréation, à l'école maternelle et
élémentaire, celle-ci lui laisse apparaître une culture
enfantine, ensemble de savoirs et savoir-faire, qui s'apprend au sein du groupe
d'âge grâce à une complicité permettant l'initiation.
Cette étude l'amène à considérer le savoir moins
comme un moyen de devenir un adulte compétent que comme une
nécessité pour s'intégrer au groupe de pairs. Son analyse
pointe l'importance de l'entre-enfants dans les apprentissages culturels.
Le savoir ludique apparaît donc comme la partie la plus
évidente, et sans doute la plus reconnue des adultes, des savoirs
enfantins. Ceux-ci sont constitués des connaissances propres aux enfants
ainsi que de celles transmises par les adultes et qu'ils se
réapproprient en les mettant à l'épreuve entre pairs.
Pour DELALANDE, tous ces savoirs et les savoir-faire qui les accompagnent font
partie d'une culture enfantine, c'est-à-dire d'un ensemble de pratiques,
de connaissances, de compétences et de comportements qu'un enfant doit
connaître et maîtriser pour intégrer le groupe de pairs. Par
exemple, les jeux de corde à sauter exigent une pratique et la
maîtrise d'une technique, de règles, d'un vocabulaire. Leur
culture partagée passe également par des références
aux programmes télévisés, alimentant leurs discussions sur
des vedettes admirées, de même que leurs jeux impliquent le renvoi
à des héros d'un dessin animé.
La culture enfantine pour elle se construit en étroite
relation avec un état de maturité physique et intellectuelle
commun. Elle est, à l'échelle individuelle, évolutive,
puisqu'elle change au fur et à mesure qu'un enfant grandit : il
pratique d'autres jeux, il est mû par de nouvelles préoccupations,
il nourrit des représentations différentes de son environnement.
On peut encore lui associer le qualificatif de culture de passage, car en
grandissant l'enfant la délaisse pour entrer dans l'adolescence puis
dans l'âge adulte. Elle est une étape l'aidant à passer
dans le monde des adultes en assimilant entre pairs les structures de notre
culture.
Globalement nos appréciations nous ont permis de
mettre en avant le jeu comme un fait social et le monde enfantin comme un
univers d'apprentissage entre pairs des différents comportements
sociaux. Mettant ainsi en relief le principe de reproduction sociale.
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