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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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b) De 1914 à 1937, l'ère endocrinienne de l'anorexie

L'hypothèse psychique est abandonnée à partir de 1914 quand paraît l'article de M. Simmonds. Celui-ci prétend que l'anorexie serait liée à une altération cérébrale agissant sur l'équilibre hormonal qui expliquerait l'amaigrissement et l'aménorrhée. Cette idée est saluée par tous les médecins et marque un tournant dans la conception de l'anorexie mentale qui passe de l'ère psychique à l'ère endocrinienne. A partir de cette date, les médecins estiment que l'anorexie résulte d'une insuffisance endocrinienne, une hypothèse qui a deux conséquences : des traitements hormonaux sont préconisés sans succès, et les réflexions sur la maladie privilégiant une autre explication vont être plus ou moins ignorées. En dépit de cette erreur de diagnostic, l'hypothèse endocrinienne domine le paysage médical pendant une vingtaine d'années et n'est remise en cause qu'en 1937 par H. L. Sheehan. G. Raimbault et C. Eliacheff expliquent que le « traitement [endocrinien] n'ayant jamais fait les preuves de son efficacité, la confusion est à son comble jusqu'à ce que Sheehan en 1937 décrive la nécrose hypophysaire succédant à un accouchement. Cette découverte permet de reconsidérer la question de l'anorexie, mais pendant longtemps encore, psychiatres et endocrinologues oscilleront entre origine psychique et origine endocrinienne, quand ils n'essaient pas de les associer »359(*). Cette découverte marque « l'arrêt théorique » des conceptions exclusivement organiques de l'anorexie mentale puisque des travaux privilégiant l'origine endocrinienne de la maladie continuent à être publiés. A. Guillemot et M. Laxenaire estiment que l'ère organique ne prend réellement fin qu'en 1954 lorsqu'un endocrinologue déclare : « on voit encore mourir des malades que les médecins anciens eussent à coup sûr guéris »360(*). Aujourd'hui, il est admis que les troubles endocriniens ne sont pas la cause de l'anorexie mais une des conséquences de l'amaigrissement.

c) La naissance de la conception psychanalytique dans les années soixante-dix

A partir des années 70, se développe une approche psychanalytique de l'anorexie. Les modèles de compréhension sont variés cependant, les psychanalystes se rejoignent sur la question de la déficience des relations mère-enfant. Plusieurs analystes ont travaillé sur cette hypothèse mais nous nous limiterons à l'approche développée par Hilde Bruch, une spécialiste des troubles du comportement alimentaire, psychiatre et psychanalyste, qui a particulièrement marqué l'étiologie de l'anorexie. En 1973, elle publie Les yeux et le ventre, un ouvrage dans lequel elle propose une première interprétation des origines de la maladie. Cette pathologie est un trouble de l'image du corps lui-même secondaire à des troubles sous-jacents. La genèse de l'anorexie réside dans les défaillances de l'apprentissage de la fonction alimentaire. Les premiers apprentissages de l'enfant ont été perturbés : en le nourrissant, la mère a substitué ses propres sensations et ses propres besoins à ceux de son enfant. C'est pourquoi, il ne « pourra établir de distinction entre les diverses sensations corporelles et les expériences émotionnelles, ne différenciant pas la faim de la satiété »361(*). L'enfant est ainsi privé d'une partie de son identité et n'est pas réellement séparé de sa mère. En grandissant, la jeune fille aura tendance à satisfaire les atteintes des autres avant de se faire plaisir. De cette situation va naître une dépendance au regard d'autrui. Ce manque d'autonomie l'empêche de faire face aux transformations qui se font jour au moment de l'adolescence. Pour échapper à cette impasse, elle se réfugie dans l'anorexie. H. Bruch écrit que l'anorexie résulte de « la perception délirante du corps (trouble de l'image du corps), la confusion des sensations corporelles et un sentiment exagéré d'inefficacité »362(*). En 1978, elle écrit un nouvel ouvrage dans lequel elle affine sa première interprétation en considérant que la maladie est « l'expression d'une idée de soi défectueuse, [de] la crainte d'un vide intérieur, [de] la peur d'avoir quelque chose de mauvais en soi, et qu'il faut dissimuler en toute circonstance »363(*). La malade a peur d'agir avec spontanéité et d'exprimer ses véritables sentiments. Sans rentrer plus dans les détails, ces quelques éléments nous permettent de mesurer l'évolution de la représentation et de la compréhension de l'anorexie mentale mais aussi l'influence des premières descriptions de la maladie. H. Bruch ne fait que poursuivre l'idée que W. Gull puis J.-M. Charcot avait émise à savoir le rôle de la mère dans le déclenchement de la maladie. Il y a certes un écart entre l'hypothèse encore vague qu'avançait W. Gull ou J.-M. Charcot et les réflexions d'H. Bruch cependant nous ne pouvons pas nier que cette idée était déjà en germe dans les écrits du XIXème siècle.

A partir des années soixante-dix, la conception psychologique de l'anorexie mentale est privilégiée. Si l'hypothèse d'une affection mentale n'avait jamais réellement disparu y compris durant l'ère organique, elle devient à partir de ce moment l'explication prédominante. Aujourd'hui le versant psychologique de la maladie ne fait plus aucun doute, l'anorexie est avant tout une maladie « mentale » même si d'autres facteurs sont considérés comme déterminants dans le déclenchement de maladie.

* 359 RAIMBAULT et ELIACHEFF, [1989], p. 42.

* 360 GUILLEMOT et LAXENAIRE, [1997], p.11.

* 361 CHABROL, [1991], p. 103.

* 362 BRUCH, Hilde, Conversations avec des anorexiques, Paris, Editions Payot, Collection « Petite Bibliothèque Payot », 1990, p. 8.

* 363 Idem, p. 9.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote