Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
b) Quelques exemples de traitements thérapeutiquesNous avons déjà vu à la fin du XVIIIème siècle, que les traitements auxquels avaient recours les médecins pour tenter de remédier à l'état cachectique de leurs patientes étaient très variés et souvent inefficaces. Cette diversité subsiste à la fin du XIXème siècle, d'autant plus que la médecine n'est pas encore une science complètement développée. Nous citerons quelques exemples de thérapies qui ont été utilisées pour soigner les jeunes filles anorexiques afin de mettre en relief cette diversité. En 1891, Dujardin-Beaumetz écrit un livre sur les traitements thérapeutiques et préconise pour les anorexies hystériques l' « emploi courant de l'opium sous forme de vinaigre ou de chlorhydrate de morphine »117(*) et si cela ne fonctionne pas il conseille d'utiliser du chloroforme. D'autres posologies sont données : cocaïne en solution, extrait gras de chanvre indien ou encore du condurango (extrait de lianes)... Selon lui, « le praticien doit être aussi bon cuisinier que médecin expérimenté »118(*) ce qui laisse supposer que bien des expérimentations ont dû être réalisées pour essayer de guérir les anorexiques. Si la patiente s'obstine dans son refus, il recommande le gavage ou l'électricité, c'est-à-dire « une galvanisation bipolaire du pneumogastrique droit par application d'une électrode positive en dehors de l'extrémité interne de la clavicule, l'électrode négative étant tenu dans la main du malade ». L'électrothérapie est couramment utilisée à cette époque : par exemple, J.-M. Charcot y a beaucoup recours. Cette méthode thérapeutique fait même l'objet de l'un de ses sujets de conférence en 1880. Pierre Babin explique que « selon les courants employés, l'électricité avait trois propriétés curatives : fortifier les tissus, en stimuler la nutrition cellulaire, avoir une action sédative. L'emploi de l'électrothérapie dans les affections « nerveuses » étaient lié à une conception organique des troubles de la pensée et des émotions : il ne pouvait s'agir que de mauvaises conductions à travers les voies nerveuses »119(*). D'autres méthodes sont utilisées comme l'hydrothérapie qui consiste en une douche à pression d'air, c'est donc d'un traitement à base d'eau. Tout comme l'électrothérapie, les formules sont variées et les médecins n'ont que l'embarras du choix : bains prolongés, douches à pression variable, verticales, en spirale, en jet...120(*). L'hôpital de la Salpêtrière où exerçait J.-M. Charcot disposait de ce type de dispositif ce qui laisse imaginer l'importance que ce traitement avait à l'époque. H.-E. Janas évoque une série d'auteurs qui ont décrit dans leurs ouvrages les techniques employées pour guérir l'anorexie. Par exemple, Bouchard propose « la méthode du tubage gastrique comme thérapeutique à base de toute affection alimentaire quelle qu'elle soit »121(*). Un traitement que nous pouvons apparenter à la sonde gastrique utilisée aujourd'hui dans les cas d'anorexie les plus graves. Enfin, en 1896, S. Dubois guérit une patiente anorexique en lui faisant des injections hypodermiques de morphine, et il recommande donc ce traitement dans un article Traitement de l'anorexie hystérique par les injections hypodermiques de morphine122(*). Bien d'autres traitements ont été proposés mais cet aperçu suffit à comprendre l' « expérimentation » dont faisait l'objet les anorexiques. La majorité des traitements sont utilisés comme des médicaments : les médecins attendent un effet mécanique suite à la prise de la posologie (par exemple dans le cas de l'opium ou de la morphine). L'anorexie est encore largement perçue comme une pathologie de type organique : la patiente a des symptômes qui révèlent un trouble fonctionnel ou une lésion. Il suffit donc de trouver le traitement adapté pour guérir ce trouble. Les médecins ne pensent pas encore, ou très peu, à l'aspect psychologique de la maladie malgré les écrits de C. Lasègue. C'est principalement J.-M. Charcot qui va prendre en compte l'aspect mental et proposer une thérapeutique psychique : l'isolement thérapeutique. * 117 JANAS, [1994], p. 95. * 118 Idem, p. 96. * 119 BABIN, Pierre, Sigmund Freud - un tragique à l'âge de la science, Editions Gallimard, Collection « Découvertes Gallimard », 1990, p. 38. * 120 Idem, p. 218. * 121 JANAS, [1994], p. 78. * 122 JANAS, [1994], p. 104. |
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