Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
C. Les tentatives thérapeutiques de la fin du XIXème siècle : des tentatives pas toujours fructueusesLes descriptions de C. Lasègue et W. Gull marquent le début d'une longue période de suppositions. Comme pour l'hystérie, l'anorexie va devenir un sujet de recherche incontournable. De nombreuses hypothèses vont être émises quant à l'origine de cette affection, entraînant tout une diversité de traitements. Peu à peu, J.-M. Charcot va imposer l'isolement comme la méthode thérapeutique adaptée et S. Freud va tenter de pratiquer l'hypnose, une technique utilisée pour soigner l'hystérie. 1. Une multitude d'hypothèses et de traitements thérapeutiquesa) De nombreux termes pour désigner une seule pathologieUn aperçu des termes qui ont été proposés à la fin du XIXème siècle pour qualifier l'anorexie reflète l'incertitude dans laquelle se trouvait la médecine. En 1883, dans son ouvrage Traité des névrosés, C. Huchard précise que « l'anorexie est entretenue par un état mental particulier sur lequel il est important de veiller [...]. A une maladie psychique, on doit opposer un traitement psychique »110(*). C'est lui-même qui emploie pour la première fois le terme « anorexie mentale ». P. Sollier conteste cette dénomination et propose celle de sitiergie hystérique (du grec « je repousse les aliments ») dans son ouvrage Les formes pathogéniques de l'anorexie hystérique. Il fait la distinction entre l'anorexie primitive (« hystérie monosymptomatique ») et l'anorexie secondaire (qui se manifesterait dans d'autres névroses). Il est partisan de l'isolement qu'il qualifie de « ressource suprême »111(*). Toujours la même année, Deniau écrit une thèse intitulée L'hystérie gastrique et distingue l'anorexie gastrique de l'anorexie mentale. Dans le premier cas, la patiente ne maigrit pas beaucoup et n'éprouve pas de dégoût vis-à-vis de la nourriture contrairement à l'anorexie mentale qui relève d'un trouble mental et non d'un trouble digestif112(*). Outre cette distinction, il insiste sur les rituels de ces jeunes filles : « telle malade ne pouvait manger que la croûte du fromage, telle autre ne pouvait prendre ses repas que debout, en portant son assiette de meuble en meuble »113(*). Il est intéressant de noter que cette observation est toujours d'actualité, nous reviendrons sur ces rituels dans la seconde partie. Enfin, Régis propose le terme d'« anorexie cachectique de la nubilité »114(*) mettant ainsi en valeur l'influence de la puberté. Il pense que la maladie résulte de troubles ovariens. J. Babinski parle d' « anorexie des vierges » ou « parthénoanorexie »115(*). Nous pourrions citer encore bien d'autres exemples, tant les travaux sur l'anorexie ont été nombreux à cette époque. Cependant, cet aperçu suffit à rendre compte de la lutte dont faisait l'objet la qualification de l'anorexie. Derrière la dénomination, c'est la définition même de la maladie qui est en jeu et ces « batailles » entre médecins qui se répondent au travers de publications scientifiques, de travaux de recherche. Henry Edouard Janas précise qu'à partir de 1883, « l'anorexie mentale devient largement connue et diagnostiquée comme une maladie spécifique d'origine psychique sauf en Allemagne où Rosenthal la classe parmi les névroses de l'estomac »116(*). Si l'anorexie est bien devenue mentale comme C. Huchard l'a nommée, elle reste encore une maladie mystérieuse. Cette méconnaissance se traduit par une diversité de traitements assez surprenante qui relève parfois de la simple expérimentation. Il faut attendre la seconde moitié du XXème siècle pour que le traitement psychique que préconisait C. Huchard soit reconnu comme indispensable par les médecins et fasse partie intégrante de la thérapie. * 110 HUCHARD cité par JANAS, [1994], p. 76. * 111 DENIAU cité par JANAS, [1994], p. 77. * 112 JANAS, [1994], p. 77. * 113 Idem, p. 77. * 114 Idem, p. 102. * 115 Idem, p. 103. * 116 Idem, p. 77. |
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