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Evolution et mutation de l'inspection du travail

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par Anne Claire Michaut
Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008
  

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§ 1 : Le choix des décisions administratives : une question d'opportunité ? :

Les décisions administratives sont variables, mais les plus importantes, selon nous au vue de leur caractère exorbitant de droit commun, sont l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé (A), mais aussi les dérogations que ce dernier accorde (B), concernant par exemple, les quotas imposés pour la création d'organisation représentative du personnel.

A : Le licenciement d'un salarié protégé : la nécessité de l'autorisation de l'inspecteur :

Si nous pouvons comprendre aisément la nécessité d'obtenir l'autorisation de licenciement, il n'en reste pas moins que certaines espèces peuvent porter à discussion (1). De plus, l'autorisation est entourée d'un formalisme dont le non-respect entraine des conséquences juridiques surprenantes(2).

1 : L'autorisation de licenciement : une jurisprudence constante parfois critiquable :

Le code du travail prévoit, pour chaque institution représentative du personnel, lorsque l'employeur souhaite licencier un salarié élu bénéficiant de la protection légale, qu'il doive impérativement saisir l'inspecteur du travail pour autorisation. Quelque soit le motif de licenciement, individuel ou économique, il est nécessaire d'obtenir, au préalable, l'autorisation de l'inspecteur. En cas de refus de sa part, le salarié devra être maintenu à son poste. A défaut, il s'agirait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînant la réintégration et/ou une indemnisation.

Fort de ce constat, certains employeurs tentent de passer outre soit en ne prenant pas en compte la décision administrative, soit en contournant le statut protecteur. L'employeur est donc tenu au respect du formalisme du licenciement. De plus, le salarié ne peut renoncer à sa protection.

La jurisprudence veille cependant à donner une application des plus strictes à cette protection légale à la fois exceptionnelle et exorbitante de droit commun. Elle interdit à l'employeur de poursuivre la rupture du contrat de travail par tout autre moyen. Même si, dans les faits, cela peut engendrer une problématique importante pour l'employeur. Imaginons qu'un salarié, ayant commis un vol au sein de l'entreprise, mais dont l'inspecteur du travail interdit le licenciement au regard de la modestie du vol et eu égard aux qualités dont ce salarié a fait preuve depuis son embauche14(*). Nous comprenons aisément la position de l'employeur. L'inspecteur se placerait alors sur le plan subjectif pour fonder sa décision. Mais le salarié, fort de cette fin heureuse, ne serait-il pas tenter de recommencer, se sentant protéger ? Il nous semble plus juste de concilier le pouvoir de direction de l'employeur avec un raisonnement plus objectif de l'inspecteur.

S'il est vrai que la carence de représentant du personnel dans les entreprises n'est pas sans leur porter préjudice, il n'est pas certain que le maintien de ceux, qui coupables d'une faute, leur soit plus bénéfique. Loin d'être une hypothèse d'école, au vue de la multiplication des affaires concernant le vol des salariés dans le cadre de leur fonction, cela engendre souvent des solutions, bien que justifiaient en droit, qui apportent encore un peu plus de limite aux pouvoirs de l'employeur. Solutions d'autant plus critiquables en fait, que comme le dit l'adage « qui vole un oeuf, vole un boeuf », ce n'est pas l'importance du vol qui entre en ligne de compte, mais simplement l'acte en lui-même. Admettre qu'un salarié ne soit pas licencié pour faute lorsqu'il a commis un vol, aussi modeste soit-il, au sein de l'entreprise revient finalement à imposer son maintien. Une telle décision est sans conteste de nature à porter atteinte à la liberté de l'employeur, mais aussi à son pouvoir de direction. Il nous apparait donc que la clémence de la Cour de cassation n'aille pas dans le sens le plus profitable aux acteurs du monde du travail. Si l'on admet volontiers la protection des salariés par la Cour, en tant qu'ils sont la partie faible au contrat de travail, nous ne pouvons abonder dans son sens lorsqu'elle protège un acte délictueux.

Dans un arrêt de 200715(*), une salariée élue délégué syndical avait adhérée volontairement à un protocole prévoyant son départ en préretraite. L'inspecteur avait autorisé le licenciement de la salariée. Mais cette dernière avait ensuite saisit le juge prud'homale de diverses demandes d'indemnités de rupture et pour non respect de son statut protecteur. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au motif que l'autorisation de l'inspecteur ayant été acquise, la rupture du contrat ne pouvait s'analyser en un licenciement pour motif économique, mais bel et bien comme une rupture amiable. Cette solution semble conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation16(*). Ainsi, l'employeur doit toujours respecter la procédure de licenciement d'un salarié protégé, autorisation de l'inspecteur du travail et consultation du préalable du Comité d'entreprise, selon le statut du salarié (délégué du personnel ou comité d'entreprise).

Toutefois, la position de la Cour de cassation est critiquable, puisqu'elle autorise le salarié protégé licencié pour motif économique, ayant adhéré à une mesure de départ volontaire, a demandé réparation de la violation de son statut protecteur lorsque le licenciement n'a pas été autorisé par l'inspecteur. Solution critiquable, puisque nous ne saurions imaginer qu'un salarié, bénéficiant de la protection légale, ignore que son inscription volontaire ne puisse porter atteinte à la procédure de licenciement. Solution d'autant plus surprenante que nous savons que la Cour de cassation a autorisé les salariés protégés à prendre acte de la rupture de leur contrat de travail : procédure par laquelle, selon les termes de la doctrine, le salarié « s'auto-licencie ».

Ce qui prime, c'est donc l'obtention ou non de l'autorisation de l'inspecteur. Il se fonde sur des éléments de droit, mais peut également se baser sur des éléments de faits, beaucoup plus subjectifs, lui laissant ainsi une marge de manoeuvre plus grande. Cependant, au vue d'une jurisprudence largement favorable aux salariés, celui-ci peut prendre des décisions allant dans le sens de celles de la Cour de cassation. Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement, si le débouché de cette demande se situe entre ses mains, il doit veiller à respecter une enquête contradictoire, envers laquelle les juges se montrent particulièrement rigoureux.

2 : Le formalisme de l'autorisation : l'enquête contradictoire :

Lorsque l'inspecteur est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement, il doit procéder à une enquête contradictoire17(*), au cours de laquelle il entend le salarié, assisté d'un représentant de son syndicat. Cela suppose donc qu'il doit entendre personnellement et individuellement le salarié et l'employeur18(*). Le Conseil d'Etat est venu préciser qu'un entretien ne pouvait suppléer l'enquête contradictoire19(*). Mais quelle est véritablement la différence, puisque l'inspecteur procède bien à l'audition du salarié ou de l'employeur, lors d'un entretien. Cette exigence, voulue par le Conseil d'Etat, reflète en vérité l'importance que doit accorder l'inspecteur à son enquête, mais qui ne contredit pas pour autant le respect des droits de la défense, à notre sens. En effet, l'inspecteur du travail n'est pas tenu de confronter le salarié et l'employeur. Dés lors, il nous apparait que le simple entretien permet à chacun de faire valoir ses arguments, sans ressentir le mal-être que peut engendrer la partie adverse. Ce qui importe au fond, pour que les droits de la défense soient respectés, c'est avant tout que chacun puisse expliquer les faits sur lesquels portent le différend, et non pas tant la forme que cela revêt.

Pour permettre à l'intéressé d'assurer sa défense, le Conseil d'Etat est venu imposer à l'inspecteur d'informer l'intéressé des faits et motifs ayant fondé la demande de l'employeur, y compris, le cas échéant, de l'identité des personnes qui se sont plaintes de son comportement20(*). De nouveau le Conseil d'Etat accentue le rôle de l'inspecteur du travail, puisque l'employeur est tenu de notifier, dans la lettre de licenciement, les motifs de sa décision. Une telle obligation doit surement avoir pour effet de s'assurer que le salarié a bien compris les raisons de son licenciement. Mais alors l'inspecteur pourrait être tenté de conseiller le salarié, perdant ainsi toute objectivité quant à l'enquête. L'inverse est vrai également, puisqu'en entendant l'employeur, l'inspecteur pourrait également se transformer en conseiller. Or, ici, il n'intervient pas comme conseiller des parties, mais plutôt comme un arbitre sur la procédure.

Le fait d'entendre personnellement les deux parties permet un respect effectif des droits de la défense de chacun. Cependant, il est surprenant que le Conseil d'Etat ne vienne pas ici imposer la confrontation du salarié avec son employeur21(*). La confrontation est laissée à l'appréciation souveraine de l'inspecteur.

Dans l'arrêt Rodriguez22(*), le Conseil d'Etat apporte des précisions quant aux exigences de l'enquête contradictoire. Outre l'obligation d'informer le salarié, « de façon suffisamment circonstanciée », des griefs formulés contre lui par l'employeur et de l'identité des témoins, le salarié doit également pouvoir prendre connaissance de l'ensemble des documents produits par l'employeur à l'appui de sa demande. Sauf si ces documents risquent de porter préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur doit alors simplement l'informer, mais toujours de « façon suffisamment circonstanciée », de leur contenu.

Nous l'aurons compris, ce qui risque de poser des difficultés réside dans cette formule vaste du Conseil d'Etat : « de façon suffisamment circonstanciée ». A partir de quel moment l'information sera-t-elle suffisamment circonstanciée ? Nul doute que les juges ont souhaité ici se laisser une porte ouverte sur leur appréciation souveraine. D'autant que cette formulation leur permettra de remettre en cause la présentation des documents au salarié, ou au contraire leur non présentation. Laissant ainsi l'inspecteur dans le doute de ce qu'il doit réellement faire pour que l'enquête soit respectée. Cet arrêt présenté comme apportant des explications, laisse finalement l'inspecteur du travail dans l'expectative.

Cette affaire a donné lieu à une circulaire23(*) de la Direction Générale du Travail, laquelle a pour objet de « donner aux inspecteurs du travail des éléments de méthode dans l'instruction des demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés pour tenir compte de cette jurisprudence ». Ainsi, la circulaire révèle que le Conseil d'Etat énonce le caractère contradictoire de l'enquête. Curiosité de la circulaire, puisque le code du travail visait déjà ce caractère contradictoire. La circulaire vient également préciser, en reprenant les conclusions du Commissaire du Gouvernement, dans quelles hypothèses l'inspecteur peut ne pas fournir les éléments du dossier. Cette mesure devra donc permettre aux inspecteurs du travail de savoir quand ne pas communiquer les documents. Mais rien ne les éclaire sur les circonstances qui les obligeraient à les fournir. Là encore, il nous semble qu'un éclaircissement soit nécessaire. De plus, lorsqu'il n'aura pas la possibilité de les communiquer, il devra quand même informer le salarié de leur teneur. Dans tous les cas, nous l'aurons compris, il doit quand même communiquer une partie de l'information. La question étant : quel degré d'information remplira la condition « de façon suffisamment circonstanciée » ? En outre, elle nous éclaire sur le fait, comme nous l'avions pressentie à la lecture de l'arrêt, qu'il appartiendra bien au juge administratif de se prononcer sur « la façon suffisamment circonstanciée ».

Maintenant que nous avons étudié le cas très particulier du salarié protégé, du fait de son élection, qui prend une place importante dans les missions de l'inspecteur ; voyons d'autres aspects de ses missions traditionnelles, pour lesquelles là encore, l'inspecteur dispose de prérogatives, que l'on pourrait qualifier d'exorbitantes de droit commun.

B : Les dérogations accordées par l'inspecteur :

Les dérogations accordées par l'inspecteur du travail touchent à la fois le domaine collectif et le domaine individuel des relations de travail. Ainsi, dans le domaine individuel (1), l'inspecteur peut accorder des dérogations concernant l'horaire de travail ou encore l'emploi de jeune salarié. Mais dans le domaine collectif (2), l'inspecteur peut autoriser ou être à l'initiative de la création d'institution représentative du personnel lorsque les quotas égaux ne sont pas atteints.

1 : Les dérogations dans les relations individuelles du travail :

Quant à l'aménagement du temps de travail, rappelons tout d'abord que la durée du temps de travail est définie légalement et que les possibilités d'y déroger sont également strictement encadrées par la loi24(*). Mais dans le cas qui nous intéresse, l'inspecteur va jouer un rôle d'adaptateur des dispositifs mis en place par le Gouvernement. Il s'agit de l'octroi de dérogations. Ainsi l'inspecteur du travail va statuer sur le principe et les modalités de l'application de la dérogation25(*) à la durée maximale hebdomadaire moyenne dans un secteur d'activité au niveau local, départemental ou interdépartemental. Mais dans ce cas la dérogation est réellement adoptée par le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Cependant, l'inspecteur ne perd pas vraiment son pouvoir d'appréciation, puisqu'il nous est dit qu'il « statue sur le principe ». Ainsi, s'il estime que dans sa compétence territoriale, la dérogation est utile, il pourra l'accorder, mais dans le cas inverse il reste libre de la refuser. De plus, il intervient dans le processus de dérogation accordée pour permettre le dépassement de la durée maximale hebdomadaire absolue. La décision revient en fait au DDTEFP, lequel se fonde sur le rapport de l'inspecteur du travail. Donc si celui estime que la dérogation ne doit pas être accordée, il est fort probable que le directeur départemental du travail aille dans son sens, gardant la aussi un poids sur les dérogations accordées.

Il intervient de manière autonome pour la pratique des horaires individualisés26(*) dans les entreprises ne disposant pas de représentant du personnel. A ce titre, il endosse finalement ce poste, ce qui en pratique correspond bien à sa mission de veiller au respect de la législation du travail mais aussi au respect des droits et libertés des salariés, mais il nous semble que découle de cette possibilité un problème de partialité. En effet, comme nous l'avons vu, l'inspecteur du travail ne doit pas être juge et parti. Mais ce faisant, il assume en quelque sorte les missions des représentants du personnel, ce qui ne sera pas sans nuire à son indépendance, à torts ou à raison selon les espèces.

Il intervient encore pour autoriser ou non le dépassement de la durée maximale quotidienne du travail, visée à l'article L212-1 et D212-12 et suivants du Code du travail, du contingent d'heures supplémentaires visé à l'article L212-6 du Code du travail. Cependant, il peut interdire le recours au dépassement du contingent en vue de permettre l'embauche de travailleurs sans emploi. Cette décision est susceptible de recours27(*) devant le DRTEFP. Il nous semble que le refus, justifié légalement, engendrerait une création d'emploi qui ne sera pas sans lien avec la politique de l'emploi actuel, à savoir retrouver l'équilibre du plein emploi à long terme. Même si le législateur de 2007 vient de défiscaliser les heures supplémentaires de manière à pouvoir les rendre fiscalement avantageuses, aussi bien pour le salarié que pour l'employeur, il nous apparait plus judicieux que lorsqu'une entreprise se retrouve contrainte de recourir de manière permanente aux heures supplémentaires, de lui refuser la dérogation. Dés lors, il apparait que dans cette hypothèse, il s'agit bien d'un besoin structurel de main d'oeuvre, et que de ce fait, le refus de la dérogation ne devrait pas donner lieu à un recours hiérarchique. Cela peut traduire en effet un refus de la part de l'employeur d'embaucher, refus qui se fonde finalement sur la préoccupation de ne pas voir ses charges salariales augmentées, mais qui perturbe l'entreprise, au tel point que les salariés se retrouvent alors contraints d'effectuer des heures supplémentaires. Selon nous, dans une hypothèse où les salariés de l'entreprise ne souhaitent pas effectuer d'heures supplémentaires, mais où l'employeur y a quand même recours parce que confronté à un problème structurel de main d'oeuvre ; l'inspecteur du travail devrait pouvoir avoir des moyens de coercition pour imposer à l'employeur l'embauche de salarié lorsqu'il a refusé la dérogation aux heures supplémentaires. Cela pourrait se traduire par une mise en demeure de procéder à l'embauche. Mais soucieux de respecter le pouvoir de direction et la liberté de l'employeur, nous optons plutôt pour des sanctions administratives ou le retrait de dérogation précédemment accordée pour inciter l'employeur à procéder à l'embauche effective de salarié.

Bien que les dérogations dans les relations individuelles accordées par l'inspecteur du travail représentent une majorité de ses missions, il se retrouve également en position d'accorder des dérogations dans les relations collectives de travail, qui vont concerner la mise en place des institutions représentatives du personnel.

2 : Les dérogations dans les relations collectives de travail :

Dans ce domaine, l'inspecteur du travail intervient pour la mise en place des institutions quant aux conditions d'électorat et d'éligibilité (a), mais aussi dans la mise en place du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (b).

a : La mise en place des institutions :

Pour être électeur dans l'entreprise, le salarié doit avoir plus de 16 ans, travailler depuis au moins trois mois dans l'entreprise et n'avoir encouru aucunes condamnations précisées par des textes spécifiques28(*). Cependant la loi a prévu qu'un accord collectif puisse déroger aux conditions légales29(*) dans un sens plus favorable. Cette possibilité légale pour les délégués du personnel est également applicable aux élections du comité d'entreprise30(*).

Pour être éligible dans l'entreprise, le salarié doit être électeur, avoir plus de 18 ans, avoir au moins un an d'ancienneté, ne pas avoir de parenté avec le chef d'entreprise et ne pas avoir été déchu de ses fonctions syndicales, et, pour les élections du comité d'entreprise, ne pas avoir été condamné pour indignité nationale.

L'inspecteur du travail dispose d'un pouvoir d'appréciation limité en ce qui concerne l'électorat, mais d'un pouvoir d'appréciation très large quant à l'éligibilité31(*).

L'inspecteur peut, après consultation des organisations syndicales représentatives, « autoriser des dérogations aux conditions d'ancienneté pour être électeur, notamment lorsque leur application aurait pour effet de réduire à moins des deux tiers de l'effectif le nombre de salariés remplissant ces conditions. Il peut également, après avoir consulté les organisations syndicales représentatives, autoriser des dérogations aux conditions d'ancienneté pour l'éligibilité lorsque l'application de ces dispositions conduirait à une réduction du nombre des candidats qui ne permettrait pas l'organisation normale des opérations électorales. 32(*)» Il peut donc octroyer des dérogations pour éviter une carence des représentants du personnel au sein des entreprises. A notre sens, l'initiative prise ici par le législateur paraît plus que satisfaisante. D'autant que la dérogation vise une finalité louable, qui veut que les salariés soient représentés par des personnes qu'ils auront choisies pour veiller aux mieux à leurs intérêts.

Mais les dérogations de l'inspecteur du travail, outre d'éviter une carence des représentants qui sont parfois le seul lien entre les salariés, peuvent intervenir dans une autre institution, non moins importante : le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

b : La mise en place du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail :

Normalement, comme nous le savons le CHSCT ne peut être mis en place que lorsque certaines conditions sont remplies. A titre de rappel, La mise en place d'un comité n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs ou non au cours des trois années précédentes33(*). A défaut de sa mise en place, ce sont les délégués du personnel qui assurent les missions du CHSCT34(*).

Au-delà des ces règles, l'inspecteur du travail dispose d'un pouvoir de décision de création du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail35(*). Il intervient lorsque l'effectif n'est pas atteint, mais que la création du CHSCT est rendue nécessaire du fait de la nature des travaux, de l'agencement ou de l'équipement des locaux. La mesure prise par le législateur nous parait ici reposer sur la particularité de l'entreprise. Ce qui peut être regrettable, pour celles ne justifiant pas d'une telle particularité, au regard des missions qui incombent au CHSCT, à savoir : contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement, ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail. En outre, l'inspecteur du travail se retrouve ici sans marge de manoeuvre, puisque sa décision doit se fonder sur les besoins de l'entreprise. Le législateur permet toutefois l'existence d'un reliquat de CHSCT en faisant peser ses missions sur les délégués du personnel. Mais il n'est pas certain qu'une telle mesure soit d'une efficacité incontestable, compte tenu des missions qui pèsent légalement sur cette institution. Pour autant nous ne pouvons qu'apprécier la possibilité pour l'inspecteur du travail d'imposer la création du CHSCT lorsque les conditions légales ne sont pas remplies.

L'inspecteur du travail peut être amené également à intervenir dans les entreprises occupant habituellement 500 salariés et plus, en cas de désaccord entre le comité d'entreprise et l'employeur. Il va déterminer, le cas échéant, le nombre de comités distincts et les mesures de coordination de l'activité entre les différents comités. Mais à ce stade, il n'accorde pas de dérogation, se contentant finalement d'arbitrer un différend le conduisant à décider des missions de chaque comité et de leur nombre. Ces derniers ayant donc déjà été créés.

Ainsi, l'inspecteur du travail dispose de pouvoirs de décisions qui lui appartiennent en propre, ce dont il résulte un pouvoir de décision, parfois dérogatoire au droit commun. Mais l'inspecteur du travail fait partie d'une structure hiérarchique, en tant que services déconcentrés de l'Etat. Ainsi, il est sous l'autorité d'un directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), lui-même sous l'autorité d'un directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP). L'ensemble étant placé sous la tutelle du Ministre du Travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Au vue de cette hiérarchie, l'inspecteur du travail se retrouve donc avec un supérieur à qui il doit notamment rendre compte de ses activités. Mais au delà de cet aspect formel, il peut arriver dans des occasions diverses, que nous allons étudier, que celui-ci intervienne postérieurement aux décisions de l'inspecteur du travail : soit parce qu'il est saisi d'un recours hiérarchique, soit pour constater et conforter la décision de l'inspecteur du travail. Mais il dispose également de pouvoir et de compétence propres qui peuvent parfois court-circuiter les pouvoirs de l'inspecteur du travail.

* 14 Cass. Soc. 21 février 2006, n°03-40293 : la Cour de cassation estime que les vols imputés à un salarié qui justifiaient d'une grande ancienneté étaient de faible importance; de sorte que la Cour d'appel a pu en déduire qu'ils ne constituaient pas une faute grave et estimer qu'ils ne caractérisaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

* 15 Cass. Soc. 27 mars 2007, Crédit Foncier de France, Dr. Ouv. 2007 p.436 n. L. Milet.

* 16 Cass. Soc. 22 févr. 2006, n° 04-42464 Crédit Lyonnais ; Cass. Soc. 13 sept. 2005, Dr. Ouv. 2006 p.360.

* 17 Art R436-4 code du travail : « L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. »

* 18 CE 29 déc. 1997 : RJS 3/98 n°329.

* 19 CE 22 févr. 1983 : Jurisp. Soc. UIMM 84-448.

* 20 CE 20 avr. 2005 : RJS 8-9/2005 n°869.

* 21 CE 2 nov. 1992 Abert : RJS 1/93 n°56 : l'inspecteur n'est pas tenu de confronter le salarié avec son employeur.

* 22 CE 24 nov. 2006, Rodriguez n°284208 : Dr. Soc. 2007 p25 ; JCP S 2007, 1188.

* 23 Circ. DGT n°2007-03, 27 janv. 2007 relative au déroulement de l'enquête contradictoire conduite par l'inspecteur du travail suite à l'arrêt Rodriguez du 24 novembre 2006.

* 24 Art L212-1 du code du travail.

* 25 Art R212-6 et Art R212-7 du code du travail

* 26 Art L212-4-1 du code du travail.

* 27 Art R212-11-1 et R212-11-2 du code du travail.

* 28 Art 336 de la loi 92-1336 du 16 décembre 1992 et Art L6 du Code électoral.

* 29 Art L426-1 al 1 du Code du travail : « Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle aux clauses plus favorables résultants de conventions ou d'accords collectifs et relatives à la désignation et aux attributions des délégués du personnel ».

* 30 CE, avis, 22 mars 1973, n°310-108.

* 31 Circ. DRT n°93/12 du 17 mars 1993 relative aux élections professionnelles précise dans chacun des domaines de compétence le rôle et les pouvoirs de l'autorité administrative et de l'inspecteur du travail lorsqu'il s'agit de pouvoirs propres qu'il tient de la loi.

* 32 Art L2314-20 code du travail.

* 33 Art L4611-1 du nouveau code du travail.

* 34 Art L4611-2 du nouveau code du travail.

* 35 Art L4611-4 du nouveau code du travail.

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