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Technique de prévention des défaillances des entreprises par la méthode des scores

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par Fatine Sekkat
HEM rabat - Master ès Science Finance D'Entreprise 2007
  

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1. L'analyse discriminante et le scoring

Les techniques de scoring sont nombreuses mais l'objectif reste identique ; augmenter l'efficacité des prises de décision. Cela passe obligatoirement par une meilleure anticipation des incidents de paiement, une adaptation de l'offre de crédit, un travail sur la réduction du risque et une planification de son évolution. Ces méthodes sont ici mentionnées car, en matière de financement, elles sont représentatives des tentatives d'évaluation les plus abouties.

Elles sont construites de manière assez conventionnelle sur la base de données bilantielles, ce qui correspond à l'hypothèse implicite selon laquelle la comptabilité constitue l'exact reflet de la réalité complexe de l'entreprise. A une valeur apparente d'un ratio comptable correspond, de ce point de vue, une qualité réelle inhérente de l'entreprise. Néanmoins, la méthode de compilation des données utilisées, d'une part, et la présentation formelle des ratios, d'autre part, sont suffisamment appréciées des utilisateurs potentiels de ce type d'outils pour que, dans une optique opératoire, l'on s'en préoccupe.

La permanence de l'objectif ne doit pas pour autant cacher une réelle évolution des méthodes. Les premières méthodes de scoring étaient largement issues de l'analyse financière et reposaient sur des ratios financiers fondamentaux en nombre restreint. Ces méthodes ont ensuite évoluées vers plus de complexité afin de tenter d'obtenir des notes de plus en plus fiables et précises, notamment en tenant compte des spécificités sectorielles.

L'analyse discriminante est privilégiée par les constructeurs de scores. Il s'agit d'une technique statistique qui sert à prédire l'appartenance d'un objet à l'un de plusieurs groupes. Dans le cas d'une classification à deux groupes, l'analyse discriminante peut être réduite à une analyse de régression où la variable dépendante prendrait l'une de deux valeurs, par exemple 0 ou 1. L'exemple le plus célèbre d'application de cette technique est le modèle de 1968 d'Altman.

Sur un échantillon de 66 entreprises, 33 ayant connu la faillite et 33 ayant survécues, Altman a développé la fonction de prédiction suivante :

Z = 1.2 X1 + 1.4 X2 + 3.3 X3 + 0.6X4 + 1.0 X5

X1: Fond de roulement / actif total

X2: Bénéfices non répartis / actif total

X3: Bénéfices avant intérêt et impôt / actif total

X4: Valeur au marché de l'avoir / valeur au livre de la dette

X5: Ventes / actif

Si le score obtenu est inférieur à 1.81, le modèle prévoit la faillite et si le score est supérieur à 1.81, alors il prévoit la survie.

Depuis cette fonction pionnière, un nouveau modèle commercial plus élaboré, appelé le modèle Zeta, a été élaboré. Plusieurs institutions financières américaines ont acheté ce modèle dans le but d'améliorer leurs décisions de crédit. De nombreuses institutions financières utilisent des modèles semblables pour faire l'attribution de leur carte de crédit aux consommateurs. Les établissements français ont également développé un savoir faire certain dans ce domaine. Sur la base de l'analyse statistique, différents éléments d'information reçoivent des points, correspondant à la valeur du coefficient dans la fonction discriminante, et si le total excède un certain minimum, alors on accorde la carte, si non on la refuse. De là vient d'ailleurs le terme courant de « credit scoring ». Le score obtenu dans ces modèles sert non seulement à prendre la décision d'accorder du crédit ou non, il peut aussi servir d'indicateur du niveau de risque. C'est ce modèle qui fonde également la méthode des scores développée par la Banque de France, le score BDFI mis en place depuis 1995 et applicable à un grand nombre d'entreprises qui doivent respecter certaines conditions :

Appartenir aux sociétés de l'industrie ;

Etre soumises à l'Impôt de Sociétés ;

Vérifier des conditions de cohérence comptable et tout particulièrement :

- Valeur brute des immobilisations corporelles en fin d'exercice >0

- Valeur ajoutée>0

- Capital engagé>0

Le score est construit comme une moyenne pondérée de ratios soit :

S = á1 R1 + á2 R2 + ... + á7 R7 + â

ái ... (i = 1.7) sont les coefficients définis à un facteur multiplicatif près.

â est la constante, tel que :

- si S> 0, l'entreprise est considérée saine

- si S< 0, l'entreprise est considérée en difficulté.

Les caractéristiques de l'entreprise mesurées par le score sont les suivantes :

1. Deux ratios de rentabilité ;

2. Importance des dettes fiscales et sociales ;

3. Délai crédit fournisseur ;

4. Importance de l'endettement financier ;

5. Structure de l'endettement financier ;

6. Coût de l'endettement financier ;

Ce score, dont la formule est protégée, peut être obtenu, pour une entreprise quelconque, auprès de la banque de France.

On présentera, pour information, les variables et les poids contenus dans la formule de calcul du score Z, établi en 1983 pour apprécier la probabilité de défaillance des PME indépendantes de l'industrie.

Le score Z se présentait comme une moyenne pondérée de ratios économico-financiers qui, sous une forme synthétique, fournissent une information dont la fiabilité est supérieure à celle de l'examen de chacun des ratios entrant dans sa définition.

N° des ratios

Ratios

Coefficient des ratios de la fonction

-1-

Valeur des ratios

Contribution des ratios au score :

1*(2-3)

-4-

De l'entreprise

-2-

Valeur pivot

-3-

R1

R2

R3

R4

R5

R6

R7

R8

Frais Fin. /Résultat Eco.Brut

Couverture des K investis

Capacité de remboursement

Tx de Marge Brut d'expl.

Délai fournisseur

Tx de variation de la VA

Délai découvert client

Tx d'invest. productif

-1.255

+2.003

-0.824

+5.221

-0.689

-1.164

+0.706

+1.408

.................

.................

.................

.................

.................

.................

.................

.................

62.8

80.2

24.8

6.8

98.2

11.7

79

10.1

.................

.................

.................

.................

.................

.................

.................

.................

 
 
 
 

100 Z =

Z =

Plus la valeur de la fonction est négative plus l'entreprise risque d'être défaillante.

Probabilités de classe de risque pour le score Z de l'industrie

Classe de risque

Condition sur Z

Probabilité de (en %)

 

défaillance

vulnérabilité

normalité

1

2

3

Z< -1.875

-1.875<Z<-0.875

-0.875<Z<-0.25

30.4

16.7

7

69.6

56.6

25.5

0

26.7

67.5

Zone défavorable

4

-1.25<Z<0.125

3.2

16.2

80.6

Zone neutre

5

6

7

1.125<Z<0.625

1.625<Z<0.25

1.25<Z

1.8

1

0.5

14.8

13.1

19.3

83.4

85.9

80.2

Zone favorable

A coté du score BDFI, on trouve le score de Canan et Holder qui utilise cinq variables, lesquelles sont pondérées les unes par rapport aux autres en fonction de leur importance relative. Il s'agit des cinq ratios suivants :

™ EBE sur endettement total,

™ Capitaux permanents sur le total du bilan,

™ Réalisable et disponible sur le total du bilan,

™ Frais financiers sur chiffre d'affaires,

™ Frais de personnel sur valeur ajoutée,

Le score final, compte tenu du poids accordé à chaque variable, est extrêmement sensible à l'importance des frais financiers et à la capacité de remboursement. Cette méthode, adaptée aux PME est totalement inspirée des ratios clés utilisés en analyse financière et en diagnostic financier. Le score traduit ainsi le risque de faillite dans la mesure où il est largement issu du niveau de liquidité et de solvabilité de l'entreprise (au sens de l'analyse financière bancaire). A noter la présence d'une variable de productivité de main d'oeuvre.

Le dernier exemple décrit dans cette partie concerne l'une des dernières innovations remarquées dans le domaine, le score AFDCC. Ce score, multisectoriel, est construit sur les variables suivantes :

™ Frais financiers sur excédent brut d'exploitation.

™ Créances et disponibilités sur dettes court terme

™ Capitaux permanents sur total passif

™ Valeur ajoutée sur chiffre d'affaire

™ Trésorerie sur chiffre d'affaires

™ Fonds de roulement sur chiffre d'affaires

La définition de groupes qui résulte de l'utilisation de l'analyse discriminante à des fins financières permet d'envisager plusieurs usages aux scores. L'étude exploratoire des variables explicatives permet de mettre en évidence les différentes familles de facteurs intervenant dans le score et, plus particulièrement ici dans l'occurrence de la défaillance. Elle autorise ainsi une compréhension des conditions d'obtention du résultat et la réalisation d'un suivi sur la construction même de l'indicateur. Le diagnostic individuel confère au score un rôle dans la prise de décision par la banque. Cette dernière peut l'utiliser, à côté d'autres indicateurs qui définiront la méthode de scoring dans sa globalité, pour apprécier le risque de défaillance d'une entreprise ; mais elle peut également s'en servir comme instrument de gestion interne utilisé dans le calcul de prime de risque à appliquer. Grâce à la probabilité à posteriori, les scores tirés de l'analyse discriminante peuvent également être utilisés comme indicateur du risque individuel pour chaque entreprise d'une population. C'est là l'usage le plus connu du score qui fonde l'établissement d'une différenciation entre entreprises selon leur nature juridique, leur taille ou leur secteur d'activité. Enfin, dans une optique d'analyse de portefeuille, la contribution du score permet de déterminer les critères de performance globale du portefeuille de crédit et ainsi, procéder à des combinaisons de clients qui tendent vers l'efficience.

L'évolution des méthodes de scoring, vers plus de complexité, tient essentiellement à la volonté des praticiens du crédit d'intégrer le recours aux normes sectorielles pour préciser les scores. Ce qui explique aussi le recours accru aux outils informatiques dédiés à l'aide à la décision, comme les systèmes experts. Car le succès opérationnel de ces méthodes est la preuve de leur efficacité. Elles présentent de nombreux avantages, dans des domaines différents.

Sur le plan technique, le premier avantage, fondamental, est l'anticipation à court ou moyen terme d'une défaillance. C'est par ailleurs une approche objective, déshumanisée car indépendante de la relation entre l'entreprise et le crédit-manager. C'est une méthode simple et rapide de classification des entreprises. Viennent enfin s'ajouter des avantages organisationnels évidents : une meilleure compréhension du portefeuille client, une automatisation possible de la décision pour les entreprises les meilleures, une possible délégation de cette décision.

Avec le recul et l'expérimentation, les limites des fonctions score sont elles aussi assez claires. La première est d'ordre statistique. La distribution des défaillances est généralement supposée suivre une loi normale, ce qui est fort contestable. Par ailleurs les entreprises saines sont généralement mieux caractérisées que les entreprises en difficultés. Il est de plus difficile de dire si une entreprise risquée ne finit pas par être défaillante en raison de l'aversion qu'elle inspire, ce qui ne manquerait pas de faire ressembler le score à une prophétie auto-réalisatrice.

Les méthodes de scoring ne peuvent être évaluées que sur la base de leur efficacité, c'est à dire ex-post. Elles mériteraient aussi des remises à jour permanentes, ce qui pourrait aller à l'encontre de leur utilisation concrète. Enfin, ces méthodes sont extrêmement proches des ratios financiers et c'est peut-être là leur principale limite, dans la mesure où elles n'intègrent pas, le plus souvent, des mesures du risque de défaillance basées sur des variables plus qualitatives.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault