B. Une relation bancaire
co-pilotée
Rappelons que la relation qui unit la banque à son
client a pour objet la fourniture d'une prestation de services bancaires. Pour
être de qualité, cette prestation suppose la mise en oeuvre d'un
co-pilotage entre le client et le banquier afin de définir objectifs,
moyens d'action et modalités de vérification. Cette collaboration
permet la personnalisation de la prestation délivrée par la
banque. La croissance des exigences de rentabilité et de maîtrise
du risque ont eu pour effet d'accentuer la place de la logique commerciale dans
l'activité des banquiers et de provoquer une « rationalisation
industrielle », depuis l'informatisation de l'aide à la
décision jusqu'au développement de la banque par Internet. La
relation bancaire est plus que jamais une relation de pouvoir dans laquelle
l'indispensable co-pilotage correspond à une négociation entre
deux parties qui entendent toutes deux voir leurs intérêts
satisfaits.
1. Cadre organisationnel de la prestation
La prestation de services bancaires met en présence un
client qui n'a le plus souvent qu'une connaissance sommaire des services que la
banque peut lui offrir, et un banquier, expert en matière bancaire.
Qu'il le soit véritablement ou non importe peu dans la mesure où
généralement le client n'a pas les compétences suffisantes
pour l'évaluer. De cette différence réelle ou
supposée d'expertise découle la première source de
dissymétrie inhérente aux prestations de service. Dans le
même ordre d'idée, la seconde est liée au cadre
organisationnel dans lequel s'inscrit la relation bancaire, dont la
centralisation s'est accentuée, accordant une place primordiale à
la rentabilité des opérations ainsi qu'à la maîtrise
du risque. La standardisation des produits, des techniques de vente, des
modalités d'évaluation du risque et autre segmentation de
clientèle sont autant de limites à l'autonomie des conseillers
bancaires qui menacent la prise en compte personnalisée des besoins et
demandes des clients, mais assurent une plus grande rentabilité aux
organisations.
L'encadrement technique de la relation bancaire ne constitue
pas la seule source de dissymétrie car les enjeux sociaux des
prestations bancaires en créent d'autres. La consommation bancaire des
particuliers est liée aux différentes sphères de leur vie
et ce d'autant plus dans les moments où ils rencontrent leur banquier
(pour le financement d'un projet, la valorisation de leur épargne,
etc.). Leur demande excède le seul univers économique. Ainsi, la
sollicitation d'un crédit immobilier échappe au strict registre
financier pour empiéter sur les questions liées aux enfants, au
statut social de propriétaire, à la retraite, etc. Il en va de
même en matière d'épargne, laquelle est le plus souvent
socialement marquée : ce sont les économies de toute une vie de
labeur, le fruit de la vente de la maison familiale, un héritage,
etc.
Le banquier réalise en revanche aisément cette
distanciation en triant les informations fournies par le client afin de
produire une analyse des projets soumis. L'inégale capacité
à isoler la sphère du calcul économique des autres
sphères liées aux services bancaires constitue une
considérable dissymétrie. Une posture de sociologie critique
consiste à dénoncer ce processus trompeur lors duquel, pour
obtenir les informations nécessaires à une évaluation
préalable à la mise en place d'une relation commerciale, le
banquier crée avec son client une relation de confiance, donnant
l'illusion d'une relation de personne à personne. La confusion entre les
informations personnelles et les informations utiles à la banque
achève de dissimuler au client le véritable déroulement de
l'entretien du point de vue du banquier.
Cependant, même si le banquier dirige le plus souvent le
déroulement de la relation et en a le dernier mot (décidant
d'octroyer ou non les services demandés), il a face à lui des
clients qui ne sont pas sans ressources pour inverser le rapport de force.
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