2. Diversité
des types de relations bancaires
La domination du banquier, assise sur un différentiel
d'expertise et de compréhension de la logique commerciale de la relation
établie, est progressivement remise en cause par l'acquisition de ces
éléments par une partie croissante de la population.
Détenues majoritairement par les clients ayant un niveau de capital
culturel, social ou économique élevé, ces «
compétences » permettent d'une part de faire jouer la concurrence
entre les enseignes en cas d'insatisfaction ou de difficultés à
se faire entendre et d'autre part, d'inverser potentiellement la
dissymétrie en utilisant la banque uniquement comme un prestataire de
services dépourvu de tout pouvoir de domination psychologique ou
culturel potentiel (par exemple, en couplant multibancarisation et utilisation
quasi-exclusive de la banque en ligne).
Toutefois, pour reprendre l'argumentation d'Hirschman (1982),
l'efficacité de ces prises de parole des clients est dépendante
de la crédibilité de leur menace de « défection
», et de l'importance qu'y accordent les banques car le départ des
clients aux ressources modestes ne provoque qu'un faible impact
économique. Cependant, eux non plus ne sont pas dépourvus de tout
pouvoir de négociation. Le corset organisationnel qui pèse sur
leur action, ainsi que la maîtrise croissante (bien que très
inégale) des nouvelles règles de l'univers bancaire
s'avèrent particulièrement déstabilisante pour les
banquiers.
À l'exception des relations dites de proximité
où les effets de la dissymétrie parviennent à être
maîtrisés, trois types de relations peuvent émerger et
nuire à l'établissement d'un copilotage de qualité : la
sujétion, l'instrumentalisation et le conflit (Guérin, 2000).
Dans le premier cas, le client dominé par le banquier
se soumet à son autorité à la fois parce qu'il ne peut la
contester, mais également par déférence devant une
institution redoutée. L'absence de confiance dans ce type de relation
peut induire des comportements inadaptés. Dans le deuxième cas,
le client renonce à utiliser les services qu'il estime risqués,
par exemple en retirant l'intégralité de ses ressources de son
compte bancaire dès leur versement, maîtrisant mieux la gestion en
espèce. Cette auto-exclusion peut ressembler en partie aux pratiques de
clients autonomes qui cherchent à se soustraire à l'imposition
des normes et autres jugements moraux issus du monde bancaire. Cependant, ces
derniers choisissent ce fonctionnement qu'ils maîtrisent, alors que les
précédents s'auto-excluent pour éviter des risques et
coûts plus grands encore. Enfin, le dernier type de relation
décrit des clients qui veulent se faire entendre par leur banque sans
nécessairement disposer des préalables nécessaires
à la réussite de leur démarche (principalement
l'intérêt commercial). Ces manques se traduiront le plus souvent
par l'inefficacité des démarches et leur transformation en
revendication agressive empêchant, si cela était encore possible,
tout dialogue.
La prestation de services bancaires, qui met en
présence un client et un expert est fondamentalement
dissymétrique. Cependant, la recherche accrue de rentabilité nuit
au copilotage lorsque les clients ont des profils peu recherchés par les
banques. Cela se traduit alors par des types de relation qui nuisent aux
intérêts de l'une ou l'autre des parties (plus souvent le client)
quand ce n'est pas aux deux. Ce sont précisément ces
difficultés qui alimentent le processus d'exclusion bancaire.
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