Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaisepar Darchy ELIONTA Université Marien Ngouabi - Master 2024 |
B- Le classement sans suite : une décision provisoireL'un des attributs de la décision de classement sans suite c'est son caractère provisoire. Il n'est pas un acte définitif et irrévocable à la différence d'un acte de poursuite. Cela signifie qu'il est tout à fait possible pour le procureur de revenir sur sa décision première et d'exercer des poursuites, sans avoir à justifier de la survenance de faits nouveaux. Il ne peut pas être invoqué devant le juge, ni devant une autre autorité administrative, car il n'est pas une décision définitive concernant l'innocence du suspect et le mal fondé de la plainte de la victime. D'un côté, le prévenu n'a pas à penser qu'il est mis à l'abri des poursuites car l'action publique peut être relancée à tout moment au gré du parquet. Son seul rempart pour noyer ses inquiétudes reste le délai de prescription. De l'autre côté, la victime ne doit pas se décourager en pensant que sa plainte n'est pas prise en compte et par conséquent, qu'elle est jetée dans les oubliettes du parquet, puisque, à tout moment, le ministère public peut réviser sa décision. Il n'y a donc aucune raison justifiant une voie de recours contre une décision précaire, révocable, ne mettant pas fin à l'action publique, qui peut être rouverte à tout moment si de nouveaux éléments viennent modifier l'appréciation initiale du Procureur de la République. « Le classement sans suite est une décision qui met fin à l'enquête ou à l'instruction, mais qui n'est pas nécessairement définitive. Si de nouveaux éléments sont découverts, l'affaire peut être rouverte, et une nouvelle enquête ou instruction peut être lancée140 ». 140PRADEL (J), Droit pénal comparé, Paris, 4e édition, Dalloz, 2016, p.1116 53 Lorsque le parquet décide du classement d'une affaire, il prend une mesure unilatérale, mais il ne se lie nullement ; Il ne poursuit pas, mais il garde le pouvoir de poursuivre. C'est si vrai que lorsqu'il poursuit, il ne doit pas au préalable l'annoncer à l'inculpé, le seul fait de le citer établit à suffisance qu'il a décidé de poursuivre. Le classement sans suite n'est pas un acte juridictionnel qui dessaisit l'autorité qui l'a pris. C'est une simple mesure d'administration sur laquelle le parquetier peut revenir à tout moment proprio motu ou sur ordre du supérieur hiérarchique, soit qu'il possède des éléments nouveaux éclairant sa conscience ou susceptible d'entraîner la conviction des juges, soit que les motifs d'opportunité qui avaient suspendu son action aient cessé d'exister. Rappelons que l'action publique appartenant au parquet, organe hiérarchisé de la puissance publique, tout supérieur du magistrat traitant le dossier peut, sans ou contre son avis, décider des poursuites, et ce sans aucune limitation de délai, sauf la prescription de droit commun. Le classement ne devient définitif que par l'écoulement du temps de la prescription (interrompu d'ailleurs par les actes d'instruction)141. L'intervention de la prescription constitue un coup de grâce contre la poursuite et garantit de la sorte le caractère irrévocable du classement. Le caractère provisoire tient également au fait que la victime peut s'opposer au classement, en mettant elle-même l'action publique en mouvement142. Le classement sans suite n'est pas une cause d'extinction de l'action publique et n'interdit pas à la victime d'engager elle-même les poursuites tant avant la décision de classement qu'après. Il n'est qu'un acte précaire. Cependant, la validité d'un classement sans suite peut varier en fonction des affaires et des éléments en présence. Dans certains cas, il peut être définitif, notamment si une expertise ou une enquête complémentaire ont été réalisées et ont confirmé l'absence d'infraction pénale, ou si le motif évoqué est d'ordre juridique (l'extinction de l'action publique, un fait justificatif, une immunité, l'irresponsable pénale de l'auteur de l'infraction. En dehors de ces cas, la durée court jusqu'à la prescription de l'action publique. Le dossier sera donc classé, de façon à pouvoir éventuellement être ressorti 141RUBBENS (A), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, Bruxelles, 1e édition, Tomme III, Larcier,1965, p.357 142Dictionnaire permanant sécurité et conditions de travail-Poursuites et procédures, février 2021 : 73. Classement « sec » et classement « sous condition » disponible sur Dalloz Avocats. soit si le Parquet revient sur sa décision, par exemple au vu d'éléments nouveaux, soit si la victime se constitue partie civile143 devant le juge d'instruction ou saisit la formation de jugement par voie de citation directe. Bien que soutenu que cette décision n'est pas définitive, et peut toujours être rapportée, il y a lieu de noter qu'en pratique, le ministère public ne revient pas souvent sur ses décisions de classement. Combien même l'affaire peut connaitre un rebondissement, par exemple l'identification du présumé auteur, la caractérisation de l'infraction, la constitution des preuves, les faits reçoivent une qualification pénale, le ministère public reste toujours libre d'engager ou non la poursuite. Le classement ne retire pas au ministère public son pouvoir d'opportunité des poursuites car l'affaire est encore au stade préjudictionnel. Tout comme, sans que l'affaire ait des éléments nouveaux, il peut décider de poursuivre. De la même manière que le classement relève du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République, de même la relance de poursuite reste à son pouvoir sauf une injonction venant d'un supérieur hiérarchique. Dans ces conditions, c'est clair que le classement pourrait se révéler irréversible. En considération de ce qui précède, nous serions tentés de penser que toutes les fois que ce sont les titulaires d'influences de différentes natures qui sont mis en cause, c'est la donnée prescription qui est visée par le recours au classement sous prétexte des raisons d'opportunité, étant entendu que ces genres de classement sont, pour la plupart des cas, initiés ou ordonnés par les supérieurs hiérarchiques des magistrats en charge du dossier ou par l'autorité politique. Donc, le caractère provisoire n'est pas une raison suffisante pour priver la victime du droit de contester une décision prise souvent en toute opacité. En comptant sur la bonne foi du ministère public, c'est un risque dont on saurait mesurer son ampleur, alors même que la méconnaissance du droit de recours reste discutable. 54 143BARRICAND (J) et SIMON (A-M), Droit pénal procédure pénale, Paris, 6e édition, Dalloz, 2018, P.257 55 PARAGRAPHE 2 : La méconnaissance discutable du droit de recours contre le classement sans suite Le refus de reconnaitre à la victime le droit d'exercer un recours contre un classement ne se justifie pas toujours au regard de la nature administrative de la décision (A) et de ses effets (B). A- Un possible recours en vertu de la nature administrative de la décision de classement sans suite Le rejet de voie de recours contre la décision de classement n'a aucun fondement légal. Tout d'abord, le code de procédure pénale est muet sur la question, c'est-à-dire ne l'autorise pas et ne l'interdit pas. En droit, on dit souvent que ce qui n'est pas interdit est permis. Dans le silence de la loi, étant donné que la voie de recours est une garantie contre les décisions prises par les autorités judiciaires, elle ne doit pas être exclue. Ni le caractère provisoire, ni le caractère discrétionnaire du classement comme souligné ci-haut ne saurait justifier le rejet de voie de recours contre cette décision. Sa nature administrative et unilatérale suffit à reconnaitre à la victime le droit de la contester légalement. La question qui vaut la peine d'être posée est de savoir : quelle est la nature du recours recevable contre un classement sans suite ? Faut-il admettre un recours juridictionnel ou un recours administratif ? Il est généralement admis que le classement sans suite n'est pas un acte juridictionnel pour qu'il soit soumis à l'appréciation d'un juge. Le refus du recours juridictionnel permet d'éviter l'immixtion du juge dans les fonctions de poursuites en vertu du principe de la séparation des fonctions judiciaires. Les tribunaux répressifs n'ont pas qualité d'apprécier la légalité ou l'opportunité des actes posés par le parquet. Au regard de la nature administrative de la décision, il est de bon aloi que le classement sans suite soit soumis au régime juridique des actes administratifs unilatéraux notamment le recours administratif (le recours gracieux ou hiérarchique). Le recours juridictionnel cependant n'est pas plausible puisque le juge administratif n'est pas compétent pour contrôler la légalité des actes pris par le ministère public. Comparativement à la France, la seule voie de recours à admettre reste hiérarchique devant le procureur général. Ce dernier reste libre de prendre des réquisitions aux fins de poursuites « sans que puisse y faire échec une décision antérieure de classement 56 sans suite144 ». En présence d'un tel recours, peut-on parler encore d'appréciation de l'opportunité des poursuites qui par définition échappe à tout encadrement ? Le contrôle de l'opportunité ne risque -t-il pas de se fondre dans un contrôle de légalité145? Le contrôle d'appréciation devrait se faire à l'égard de son but d'intérêt général, de ses motifs de droit et de fait, en vérifiant si l'activité administrative n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'opportunité de ne pas donner une suite judiciaire à une infraction qui lui a été révélée146. Donc, toute personne dont sa plainte a été classée sans suite devrait former un recours auprès du Procureur Général contre la décision de classement sans suite prise à la suite d'une plainte. L'objectif du recours est de contrôler, d'évaluer l'activité du parquet, le bien-fondé de sa décision, de redresser les abus. Le Procureur Général, en recevant le recours, doit apprécier l'opportunité des poursuites pour infirmer la décision prise en enjoignant le Procureur de la République par instructions écrites, d'engager les poursuites sans délai, ou le rejeter dans le cas contraire. L'admission de cette voie soulève deux problèmes liés au principe de la subordination hiérarchique qui gouverne le ministère public et à la cartographie judiciaire congolaise. Le principe de la subordination hiérarchique veut que le magistrat inférieur soit soumis à son chef hiérarchique tel le Procureur de la République est soumis au procureur général. Ce principe se traduit par deux composantes : l'obligation de rendre compte et l'obligation de se conformer aux instructions reçues. Le Procureur de la République travaille sous le contrôle et la surveillance de son supérieur hiérarchique à qui il rend compte, reçoit les instructions et s'y conforme. Il est simple à comprendre que si l'instruction de classer une affaire venait du procureur général pour des raisons personnelles, le recours formé contre une telle décision est voué à l'échec. Il n'y a aucune garantie qu'une décision prise par le ministère public soit remis en cause par le ministère public qui est régi par le principe de l'indivisibilité pour ne pas dire de la solidarité. Il n'est pas sûr que cette mesure réponde à la crainte des ordres de classement sans suite147. 144 Cass. Crim., 12 mai 1992, Bull. Crim. N°186, D.1992 p.426, note Mayer 145 LE ROY (J), procédure pénale, op. cit. p. 210 146 THOUROUDE (J), Vers un déclin du principe de l'opportunité des poursuites, dans Gazette du Palais, 1981, Doctrine.P.496 147 Ibidem 57 La deuxième préoccupation est liée à la situation géographique des cours et tribunaux. Pour les localités qui réunissent à la fois le tribunal de grande instance et la cour d'appel, cette voie de recours peut être exercée sans obstacle géographique. Qu'en est-il des départements qui n'ont pas de cours d'appel comme Impfondo ? Combien le plaignant faudrait-il payer et quelle distance devrait-il parcourir pour user de son droit de recours ? Cet obstacle géographique ne faciliterait pas cette démarche. D'où la nécessité de prendre en ligne de compte les droits du plaignant en instaurant au sein même de chaque Tribunal de grande instance une autorité incarnant l'opportunité des poursuites autre que le ministère public qui traitera cette question. B- L'admission de voie de recours en vertu des effets de la décision de classement sans suite Lorsqu'une procédure pénale aboutit à un classement sans suite, cela signifie que le Procureur de la République, après avoir examiné les éléments de l'enquête, a décidé de ne pas poursuivre l'auteur présumé des faits. Il n'existe aucun recours possible pour la victime contre la décision du Procureur de la République de ne pas mettre en mouvement l'appareil répressif, alors même que des éléments de preuve attestent que le suspect a commis une infraction. La perspective de justice pour certaines victimes se trouve ainsi assombrie puisqu'elles font rarement recours aux procédés mis à leur disposition pour enclencher les poursuites. Face au silence du ministère public ou à sa décision de classement, les victimes perdent espoir et n'envisagent pas souvent d'initier d'autres démarches. Généralement, la position du ministère public est considérée par les victimes comme une décision fatale qui verrouille l'accès à la justice pénale. Il est essentiel qu'une telle décision, à caractère dissuasif et produisant des effets à l'égard des parties en fonction de la situation qui se présente, soit attaquée. Lorsqu'une personne poursuivie n'a pas été placée en détention préventive pendant l'enquête, après le classement sans suite, elle devient libre de ses mouvements et n'aura pas de casier judiciaire mentionnant les faits pour lesquels elle était soupçonnée. Par contre, quand une personne mise en cause a été incarcérée pendant l'enquête, elle sera libérée, sauf si elle doit être maintenue en détention pour une autre affaire. Dans l'hypothèse où il y avait des objets saisis, ils doivent être restitués à leur propriétaire. Cette procédure pose également un problème si jamais la victime décide 58 de mettre en mouvement l'action publique alors que les objets saisis pouvant servir d'éléments essentiels de preuves sont restitués au suspect ; il y a une forte probabilité que le prévenu prenne la fuite et les objets saisis soient distraits ou détruits par le suspect ou ses complices. Une telle situation soulève une inquiétude si le plaignant décide d'engager les poursuites alors que le prévenu n'incarne pas les garanties de représentativité et les objets saisis sont déjà restitués. La liberté devrait être conditionné par l'épuisement de voie de recours engagée par le plaignant devant le Procureur Général et la juridiction répressive sous réserve du respect des droits de la défense. Pour la victime présumée des faits, le classement peut être difficile à accepter si elle considère que les faits ont bel et bien eu lieu, qu'elle n'a pas eu de suite judiciaire, et le prévenu est mis en liberté. Quand bien même la victime dispose des garanties légales pour contourner la décision du ministère public, il est aussi vrai que cette possibilité n'est pas toujours envisageable en raison du coût financier et des exigences légales à observer. La plainte déposée au parquet est une procédure moins formaliste et moins couteuse pour avoir accès à un juge parce que le ministère public est l'organe étatique de poursuite qui exerce sa mission avec les ressources allouées par le gouvernement, pour l'accomplissement de cette tâche. Par contre, engager une démarche personnelle en se constituant partie civile devant le juge d'instruction ou saisir directement le juge de jugement, reste un casse-tête. Le droit de recours face au classement sans suite reste nécessaire pour pouvoir obtenir la révision de la décision prise par le premier magistrat si c'est possible, de vérifier la transparence dans laquelle, elle a été prise et de respecter le principe du double degré de juridiction mis en musique par le mécanisme d'appel. Il constitue une garantie fondamentale des droits des justiciables, non seulement à l'occasion des déclenchements de poursuite, mais aussi en cas de classement sans suite, en veillant à ce que les décisions rendues par le ministère public, qui peuvent être entachées d'insuffisances, d'erreurs, d'abus, d'arbitraire et d'injustice, fassent l'objet d'un second examen. De même, du seul fait de savoir que sa décision pourrait être reformée par le procureur général, le Procureur de la République serait incité à redoubler de zèle et de conscience professionnelle. En plus de son rôle réformateur, le Procureur Général joue directement un rôle de surveillance et d'appréciation de la compétence technique 59 et morale des parquetiers placés sous son autorité. Ces décisions vont servir d'éléments d'appréciation des qualités morales et techniques du Procureur de la République pour sa notation. Tant que le Procureur de la République disposera seul du pouvoir de classement sans suite, sans recours possible offert à la victime pour contrer son silence ou son refus de poursuivre, le spectre du manque d'impartialité dans le choix des poursuites restera dans les esprits et hypothéquera toujours l'oeuvre de la justice pénale148. Néanmoins, la victime dispose de la possibilité de mettre en mouvement l'action publique, par le procédé de constitution de partie civile devant le juge d'instruction ou la citation directe devant la formation de jugement, forçant ainsi la main au Procureur de la République. Cependant, cette option ne doit diluer le droit pour la victime de contester la décision du ministère public et empêcher de réaliser que ces différents procédés placés entre les mains de la victime restent tout de même inefficaces pour assurer l'aboutissement de l'action initiée. Eu égard à ce qui précède, il convient de souligner que l'objet du dépôt de plainte par la victime d'une infraction aux services du parquet de la République vise avant tout, à d'obtenir le déclenchement des poursuites, la tenue du procès, le prononcé de la décision, bref une réponse pénale. Cependant, toutes les plaintes ne conduisent pas systématiquement à une décision de justice, en raison de l'opportunité des poursuites dont dispose le ministère public. Il peut décider d'engager les poursuites ou de classer sans suite. La décision de classement sans suite relève du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République. Il décide en toute liberté du choix du motif, du moment, de la forme et de la notification de la décision sans pouvoir se justifier alors que, la motivation permet d'expliquer clairement, précisément et complètement les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas poursuivre l'auteur présumé des faits. Bien plus, sa décision est insusceptible de voie de recours. Ce dispositif permet certes au ministère public d'agir sans avoir les mains liées, il ouvre néanmoins une porte aux abus, qui 148 LE GALL (E), L'opportunité des poursuites du Procureur international : Du pouvoir arbitraire au contrôle insuffisant, Revue internationale de droit pénal, op. cit.p.504 posent un véritable défi à l'État de droit et entravent la réalisation des objectifs de prévention et de répression de la délinquance, qui ne cesse de croître. Lorsqu'une affaire est classée sans suite pour des raisons apparemment arbitraires, floues ou discriminatoires, cela nuit à la crédibilité du système répressif. Les citoyens ont le sentiment que la justice pénale est sélective : d'un côté, il y a ceux qui échappent aux poursuites en raison de leur pouvoir politique, administratif, économique ou social, et de l'autre, il y a les victimes du système, qui subissent les conséquences de la loi pénale de manière implacable. Enfin, il y a ceux qui ne peuvent obtenir justice parce que le système judiciaire est débordé, sourd, inaccessible, déroutant, invisible et illisible149. Cette situation soulève des questions essentielles sur l'équité et l'efficacité de notre système judiciaire. L'exercice du pouvoir discrétionnaire conduisant à l'abandon des poursuites, loin de toute référence à la légalité appelle à rechercher une thérapie ou les pistes pour son amélioration afin de garantir une justice équitable et transparente pour tous. 60 149Rapport du sénat français « Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée » disponible sur https:/ www.senat.fr/rap/r97-513/r97-513-mono.html 61 DEUXIEME PARTIE LES PERSPECTIVES D'AMELIORATION DU REGIME JURIDIQUE DU CLASSEMENT SANS SUITE 62 En tenant compte des insuffisances du régime juridique du classement sans suite qui exposent les plaignants aux abus du ministère public, et de l'absence des procédures efficaces pouvant servir d'alternative et de contrepoids au pouvoir de classement du ministère public, il est nécessaire d'envisager les pistes de solutions afin de remédier aux faiblesses du système actuel. Les perspectives envisagées toucheront l'autorité détentrice du pouvoir d'opportunité des poursuites et les procédures pouvant servir de rempart contre les décisions de classement moins convaincantes. Le Procureur de la république étant un magistrat soumis et défendant les intérêts d'un pouvoir exécutif, il n'incarne pas les garanties d'indépendance et d'impartialité150. Par son pouvoir non règlementé, il peut classer sans suite et sans raison valable une plainte, et obstrué l'aboutissement des procédures susceptibles de remettre en cause sa décision par une simple inaction car elles sont soumises à son empire. Ce qui nous amène à proposer la redéfinition de l'autorité de l'opportunité des poursuites jouissant d'une indépendance (Chapitre I) et le renforcement des procédures susceptibles de servir d'alternative efficace au classement, en raison de leur inféodation au pouvoir du ministère public et des faiblesses constatées (Chapitre II). 150BATONON (C), Etude critique de l'opportunité des poursuites dans les législations béninoise et française, Thèse, 2017, tiré de son résumé 63 CHAPITRE I : LA REDEFINITION DE L'AUTORITE INCARNANT LE POUVOIR D'OPPORTUNITE DES POURSUITES Comme souligné ci-haut, le Procureur de la République ne jouit pas de l'indépendance en raison du principe de la subordination hiérarchique qui le rattache du pouvoir exécutif par le biais du ministre de la justice. Pour garantir une bonne administration de la justice, il sied de mettre sur pied un système dans lequel le procureur de la République n'a pas la marge de manoeuvre, du moins, un système où il a une liberté réduite et limitée. Il reçoit les plaintes et les transmet directement à un juge indépendant et impartial, qui décide si l'infraction est constituée ou non151. Ce juge que nous qualifierons de juge d'opportunité des poursuites appréciera les plaintes et les dénonciations reçues par le ministère public et décidera de la suite à donner (Section 1), alors que le ministère public sera relégué à sa fonction de poursuite (Section 2). |
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