SECTION 1 : L'instauration d'un juge
d'opportunité des poursuites
Le juge d'opportunité sera une juridiction au sein du
tribunal de grande instance, placée sous le pouvoir de la chambre
d'accusation, qui contrôlera ses actes par voie d'appel. Il aura des
pouvoirs (Paragraphe 1) et des obligations qui tiendront
compte des droits des plaignants (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : Les pouvoirs du juge
d'opportunité des poursuites
Le juge d'opportunité des poursuites exercera ses
pouvoirs qu'après avoir reçu la communication des plaintes de la
part du ministère public. Pratiquement, le ministère public ne se
contentera pas de la transmission des plaintes reçues de la part des
victimes au juge d'opportunité des poursuites, dont les informations
pourraient paraitre insuffisantes. Il sera de son devoir de demander à
la police judiciaire, de lui faire parvenir des renseignements
supplémentaires (la victime, moins bien placée, ne dispose pas
d'une telle possibilité) qu'il juge utile. Apres la réunion des
éléments nécessaires d'appréciation de l'affaire,
il doit procéder à la transmission du dossier
151Idem
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complet, avec les éléments nécessaires au
juge d'opportunité, qui appréciera la légalité
(A) et l'opportunité (B) des
poursuites.
A- Le pouvoir d'appréciation de la
légalité des poursuites
L'appréciation de la légalité des
poursuites est un exercice qui permet au juge de s'assurer que les poursuites
pénales engagées contre une personne, sont conformes aux lois et
aux règles de procédure en vigueur. Le principe de la
légalité criminelle exige que les crimes et délits soient
légalement définis avec clarté et précision ainsi
que les peines qui leur sont applicables. Au terme de ce principe, l'action
publique ne peut être engagée qu'en vertu d'un texte de loi
existant. En l'absence des dispositions légales qui répriment un
comportement déviant, le juge ne saurait décider de la mise en
mouvement de l'action publique contre une personne152puisqu'il est
tenu de viser le texte de prévention et de répression. Le
classement sans suite demeure la seule option dans cette hypothèse. Le
vide juridique en matière répressive donne des excuses à
l'auteur du fait décrié et paralyse la mise en mouvement de
l'action publique. Une poursuite n'est donc valable que si l'on s'en tient au
principe de la légalité.
L'analyse de la légalité se fait sur des
éléments objectifs. Lorsqu'une infraction sera portée
à la connaissance du juge d'opportunité des poursuites, celui-ci
doit vérifier si toutes les conditions juridiques sont réunies
pour permettre la poursuite de cette infraction. Il doit vérifier
d'abord l'existence de l'infraction, c'est-à-dire rechercher si les
faits qui lui sont présentés comme ayant un caractère
pénal constituent réellement une infraction en les qualifiant
pour voir s'ils tombent bien sous le coup d'une disposition précise de
la loi153. On ne saurait engager une poursuite sans le moindre
soupçon de la commission d'une infraction. Généralement,
les particuliers déposent les plaintes à la police ou au Parquet
pour lui signaler des situations très diverses, dont bon nombre ne
constituent pas des infractions pénales. Ainsi, certains portent plainte
pour solliciter le divorce, d'autres le paiement de leur dette.
Dans le cas où l'analyse juridique des faits
révèle que les éléments constitutifs de
l'infraction ne sont pas réunis, l'ordonnance de classement s'impose,
car toute décision de poursuite conduirait à une décision
de relaxe de la part de la juridiction de jugement
152BAMBA (S.L), Le déroulement du
procès pénal : Essai de droit comparé CONGO/France,
L'Harmatan, 2019, Paris, p.267
153 Crim. 20 janv. 1977, Gaz. Pal. 1977-2-381.
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qui serait saisie. Il faut éviter d'encombrer le
rôle des tribunaux avec des poursuites que tout magistrat
expérimenté estimerait vouées à l'échec,
parce qu'il existe des éléments de preuve relatifs à
chacun des éléments constitutifs de l'infraction. La
difficulté est que cela suppose qu'il est possible de calculer
mathématiquement les chances de voir la poursuite aboutir, ce qui n'est
pas réaliste. On éviterait malheureusement que certaines
poursuites ne soient pas intentées même si elles devraient
l'être dans l'intérêt public, parce que les chances de
condamnations ne sont pas très grandes. La poursuite doit être
dans une mesure raisonnablement susceptible d'entrainer une condamnation. C'est
dans cette optique que la décision de poursuite ne soulève pas
trop d'inquiétude, du fait qu'elle est prise après avoir cru
qu'il existe des preuves au vu desquelles le juge de jugement pourrait
condamner le prévenu.
La deuxième analyse doit porter sur la
caractérisation de l'infraction. Il ne suffit pas d'alléguer
l'existence d'une infraction. Il faut qu'elle soit suffisamment
caractérisée par ses trois éléments à savoir
légal, matériel et moral. Dans le cas où l'infraction
évoquée est insuffisamment caractérisée et donc
susceptible de conduire à une poursuite débouchant sur une relaxe
ou un acquittement, la règle veut que le doute profite à
l'accusé. S'il apparaît au juge que le délinquant a toutes
les chances d'être relaxé par le tribunal en raison de
l'insuffisance des charges, force est pour lui de classer l'affaire sans
suite.
Dans le cas où les faits constituent une infraction, le
juge doit déterminer s'il n'existe pas des obstacles juridiques
empêchant le déclenchement des poursuites tels qu'une cause
d'extinction de l'action publique, un fait justificatif, une immunité,
l'irresponsabilité pénale de l'auteur, par suite notamment d'un
trouble psychique ou de son état de légitime défense.
Après avoir contrôlé que la situation qui
lui a été signalée constitue une infraction à la
loi pénale et qu'aucun obstacle juridique n'interdit la poursuite, le
juge va devoir décider qui sera poursuivi en qualité d'auteur, de
coauteur ou de complice de l'infraction en question et si les agissements ont
eu lieu avec l'intervention d'une personne morale, il faudra déterminer
si la poursuite s'appliquera aux personnes physiques et à la personne
morale154. En effet, il ne suffit pas d'avoir constaté
l'existence d'une infraction
154 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit.
p.581
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susceptible d'être poursuivie, il faut également
pouvoir la mettre à la charge de celui qui l'a commise. En cas de
non-identification de l'auteur de l'infraction, la poursuite peut être
considérée comme possible dès l'instant où
l'infraction a été constatée. Il reviendra au juge de
rendre une ordonnance de classement ou de poursuite. En cas d'ordonnance de
poursuite, le ministère public pourrait donc envisager une ouverture
systématique d'information contre x, en espérant que les
investigations menées sur commission rogatoire du juge d'instruction
pourraient conduire à la découverte de l'auteur.
L'appréciation de la légalité peut porter
aussi sur différents aspects de la procédure, par exemple la
compétence du tribunal à connaitre de l'affaire,
c'est-à-dire la compétence d'attribution et la compétence
territoriale en fonction de la qualification retenue ; la
légalité des preuves obtenues dans le cadre de l'enquête ;
la validité de l'acte d'accusation. En cas de constat
d'illégalité, le juge d'opportunité rend une
décision d'irrecevabilité de la poursuite par un classement sans
suite.
L'appréciation de la légalité des
poursuites est une garantie importante pour assurer que les poursuites
pénales sont menées conformément aux lois et aux
règles de procédure. Elle permet de protéger les droits
des personnes accusées et de garantir que la justice est rendue de
manière équitable et impartiale. Apres l'examen de la
légalité de la poursuite, le juge doit se pencher sur la question
d'opportunité des poursuites.
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