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Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

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SECTION 1 : L'instauration d'un juge d'opportunité des poursuites

Le juge d'opportunité sera une juridiction au sein du tribunal de grande instance, placée sous le pouvoir de la chambre d'accusation, qui contrôlera ses actes par voie d'appel. Il aura des pouvoirs (Paragraphe 1) et des obligations qui tiendront compte des droits des plaignants (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les pouvoirs du juge d'opportunité des poursuites

Le juge d'opportunité des poursuites exercera ses pouvoirs qu'après avoir reçu la communication des plaintes de la part du ministère public. Pratiquement, le ministère public ne se contentera pas de la transmission des plaintes reçues de la part des victimes au juge d'opportunité des poursuites, dont les informations pourraient paraitre insuffisantes. Il sera de son devoir de demander à la police judiciaire, de lui faire parvenir des renseignements supplémentaires (la victime, moins bien placée, ne dispose pas d'une telle possibilité) qu'il juge utile. Apres la réunion des éléments nécessaires d'appréciation de l'affaire, il doit procéder à la transmission du dossier

151Idem

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complet, avec les éléments nécessaires au juge d'opportunité, qui appréciera la légalité (A) et l'opportunité (B) des poursuites.

A- Le pouvoir d'appréciation de la légalité des poursuites

L'appréciation de la légalité des poursuites est un exercice qui permet au juge de s'assurer que les poursuites pénales engagées contre une personne, sont conformes aux lois et aux règles de procédure en vigueur. Le principe de la légalité criminelle exige que les crimes et délits soient légalement définis avec clarté et précision ainsi que les peines qui leur sont applicables. Au terme de ce principe, l'action publique ne peut être engagée qu'en vertu d'un texte de loi existant. En l'absence des dispositions légales qui répriment un comportement déviant, le juge ne saurait décider de la mise en mouvement de l'action publique contre une personne152puisqu'il est tenu de viser le texte de prévention et de répression. Le classement sans suite demeure la seule option dans cette hypothèse. Le vide juridique en matière répressive donne des excuses à l'auteur du fait décrié et paralyse la mise en mouvement de l'action publique. Une poursuite n'est donc valable que si l'on s'en tient au principe de la légalité.

L'analyse de la légalité se fait sur des éléments objectifs. Lorsqu'une infraction sera portée à la connaissance du juge d'opportunité des poursuites, celui-ci doit vérifier si toutes les conditions juridiques sont réunies pour permettre la poursuite de cette infraction. Il doit vérifier d'abord l'existence de l'infraction, c'est-à-dire rechercher si les faits qui lui sont présentés comme ayant un caractère pénal constituent réellement une infraction en les qualifiant pour voir s'ils tombent bien sous le coup d'une disposition précise de la loi153. On ne saurait engager une poursuite sans le moindre soupçon de la commission d'une infraction. Généralement, les particuliers déposent les plaintes à la police ou au Parquet pour lui signaler des situations très diverses, dont bon nombre ne constituent pas des infractions pénales. Ainsi, certains portent plainte pour solliciter le divorce, d'autres le paiement de leur dette.

Dans le cas où l'analyse juridique des faits révèle que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis, l'ordonnance de classement s'impose, car toute décision de poursuite conduirait à une décision de relaxe de la part de la juridiction de jugement

152BAMBA (S.L), Le déroulement du procès pénal : Essai de droit comparé CONGO/France, L'Harmatan, 2019, Paris, p.267

153 Crim. 20 janv. 1977, Gaz. Pal. 1977-2-381.

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qui serait saisie. Il faut éviter d'encombrer le rôle des tribunaux avec des poursuites que tout magistrat expérimenté estimerait vouées à l'échec, parce qu'il existe des éléments de preuve relatifs à chacun des éléments constitutifs de l'infraction. La difficulté est que cela suppose qu'il est possible de calculer mathématiquement les chances de voir la poursuite aboutir, ce qui n'est pas réaliste. On éviterait malheureusement que certaines poursuites ne soient pas intentées même si elles devraient l'être dans l'intérêt public, parce que les chances de condamnations ne sont pas très grandes. La poursuite doit être dans une mesure raisonnablement susceptible d'entrainer une condamnation. C'est dans cette optique que la décision de poursuite ne soulève pas trop d'inquiétude, du fait qu'elle est prise après avoir cru qu'il existe des preuves au vu desquelles le juge de jugement pourrait condamner le prévenu.

La deuxième analyse doit porter sur la caractérisation de l'infraction. Il ne suffit pas d'alléguer l'existence d'une infraction. Il faut qu'elle soit suffisamment caractérisée par ses trois éléments à savoir légal, matériel et moral. Dans le cas où l'infraction évoquée est insuffisamment caractérisée et donc susceptible de conduire à une poursuite débouchant sur une relaxe ou un acquittement, la règle veut que le doute profite à l'accusé. S'il apparaît au juge que le délinquant a toutes les chances d'être relaxé par le tribunal en raison de l'insuffisance des charges, force est pour lui de classer l'affaire sans suite.

Dans le cas où les faits constituent une infraction, le juge doit déterminer s'il n'existe pas des obstacles juridiques empêchant le déclenchement des poursuites tels qu'une cause d'extinction de l'action publique, un fait justificatif, une immunité, l'irresponsabilité pénale de l'auteur, par suite notamment d'un trouble psychique ou de son état de légitime défense.

Après avoir contrôlé que la situation qui lui a été signalée constitue une infraction à la loi pénale et qu'aucun obstacle juridique n'interdit la poursuite, le juge va devoir décider qui sera poursuivi en qualité d'auteur, de coauteur ou de complice de l'infraction en question et si les agissements ont eu lieu avec l'intervention d'une personne morale, il faudra déterminer si la poursuite s'appliquera aux personnes physiques et à la personne morale154. En effet, il ne suffit pas d'avoir constaté l'existence d'une infraction

154 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit. p.581

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susceptible d'être poursuivie, il faut également pouvoir la mettre à la charge de celui qui l'a commise. En cas de non-identification de l'auteur de l'infraction, la poursuite peut être considérée comme possible dès l'instant où l'infraction a été constatée. Il reviendra au juge de rendre une ordonnance de classement ou de poursuite. En cas d'ordonnance de poursuite, le ministère public pourrait donc envisager une ouverture systématique d'information contre x, en espérant que les investigations menées sur commission rogatoire du juge d'instruction pourraient conduire à la découverte de l'auteur.

L'appréciation de la légalité peut porter aussi sur différents aspects de la procédure, par exemple la compétence du tribunal à connaitre de l'affaire, c'est-à-dire la compétence d'attribution et la compétence territoriale en fonction de la qualification retenue ; la légalité des preuves obtenues dans le cadre de l'enquête ; la validité de l'acte d'accusation. En cas de constat d'illégalité, le juge d'opportunité rend une décision d'irrecevabilité de la poursuite par un classement sans suite.

L'appréciation de la légalité des poursuites est une garantie importante pour assurer que les poursuites pénales sont menées conformément aux lois et aux règles de procédure. Elle permet de protéger les droits des personnes accusées et de garantir que la justice est rendue de manière équitable et impartiale. Apres l'examen de la légalité de la poursuite, le juge doit se pencher sur la question d'opportunité des poursuites.

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