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Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

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B- Le pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites

L'appréciation de l'opportunité des poursuites est une garantie importante pour assurer l'équité et l'efficacité du système judiciaire. Elle permet de concentrer les ressources judiciaires sur les affaires les plus graves. Toutefois, cette appréciation doit être effectuée avec prudence et discernement, afin d'éviter tout abus et partialité. Il sied de rappeler que le système d'opportunité des poursuites s'oppose à celui de la légalité de poursuites adopté par certains pays. Dans ce système, il est organisé une poursuite systématique de toutes les infractions qui parviennent à la connaissance du ministère public. Les défenseurs de ce système lui reconnaissent l'avantage de la certitude de la poursuite et de l'égalité des particuliers devant la justice sur l'ensemble du territoire national. Mais à l'opposé du système de l'opportunité des poursuites, il a à son passif, l'encombrement des juridictions et, en conséquence, le ralentissement de la réponse

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attendue à la suite de l'infraction commise. Or, le principe de l'opportunité des poursuites donne au magistrat le pouvoir de classer une procédure sans suite alors même que l'infraction existe et que son auteur est connu afin de lui permettre d'adapter sa décision aux situations au cas par cas.

L'appréciation de l'opportunité des poursuites va permettre au juge de décider s'il est opportun de poursuivre une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, même si les preuves sont suffisantes pour justifier la mise en mouvement de l'action publique. Cette appréciation de l'opportunité des poursuites doit être basée sur des critères transparents limitativement énumérés par la loi pour éviter les abus et faciliter leur utilisation par le juge et leur contrôle par les citoyens et d'autres autorités judiciaires. En laissant au juge la latitude de choix d'un motif opportuniste pour justifier l'abandon des poursuites alors que l'infraction est établie et l'auteur identifié ne garantit pas la bonne utilisation de son pouvoir. Cela pourrait accroitre sensiblement le pouvoir du juge parfois au détriment des victimes d'infractions qu'on condamne dans le système actuel. L'on voit également le risque d'arbitraire et d'inégalité entre les particuliers dans la mesure où sur le territoire national, deux affaires similaires peuvent ne pas recevoir la même réponse en deux endroits différents pourtant régis par le même droit.

La faculté de classement en dépit des garanties qui devraient l'entourer doit être utilisée à bon escient. Cette faculté de classement qui sera accordée au juge doit être utilisée avec réflexion et prudence et exige de sa part des références éthiques et morales lui évitant de tomber dans l'arbitraire ou la faiblesse, de donner libre cours à ses préjugés, voire même de se laisser emporter par la crainte ou l'amitié. Il importe qu'en toute circonstance, le juge évite de donner le sentiment d'impunité au délinquant, le sentiment d'abandon à la victime et l'impression de laxisme à ses concitoyens155. L'appréciation de l'opportunité ne doit plus être prise comme un pouvoir discrétionnaire mais comme une compétence liée aux critères définis d'avance par le législateur. Lorsque la poursuite présente des chances raisonnables de succès, le juge doit se demander s'il ne serait pas malgré tout préférable, au regard de l'intérêt public, de s'abstenir de l'intenter. Les motifs d'abstention qui nous paraissent raisonnables sont liés à la gravité de l'infraction, au trouble que la poursuite pourrait

155DROPET (O), Rapport sénat français, op. cit.

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entrainer à l'ordre public, la démarche positive effectuée par le présumé auteur pour les petites infractions. Autrement, le juge peut classer les infractions de moindre gravité156, celles dont la poursuite causerait un préjudice plus considérable, nuisant à la paix sociale que l'impunité accordée au délinquant157, ou celles que l'auteur a remboursé la victime.

Attention, de tels classements poseraient des problèmes s'ils ne sont pas accompagnés des mesures alternatives aux poursuites sanctionnées par un acte éteignant l'action publique et le droit de la victime à mettre en mouvement l'action publique. Le classement n'est pas une solution au litige, mais une mesure administrative provisoire, révocable, qui n'a pas l'autorité de la chose jugée et n'empêche pas à la victime d'engager l'action publique, ni au juge de revenir sur sa décision en cas d'éléments nouveaux produits par le ministère public. Si le juge ne veut pas que l'ordre public soit troublé davantage par les poursuites, s'il estime que l'atteinte portée à l'ordre public est minime, que la réparation est déjà intervenue, que les faits sont bénins, il va falloir trouver une solution définitive. Le juge peut vouloir protéger l'ordre public, mais la victime pour ses intérêts privés ou le désir de vengeance ne s'abstiendra pas toujours à engager les poursuites. Généralement, la victime souhaite d'une part, la déclaration de culpabilité qui reconnaît la faute de l'infracteur à son égard et, d'autre part, la condamnation à une peine par laquelle le coupable sera en mesure de ressentir à son tour la souffrance qu'il a généré158.

Il va devoir reconnaitre au juge le pouvoir d'organiser une médiation159 pour régler la question des dommages intérêts et éviter que la victime mette en mouvement l'action

156La gravité de l'infraction pourrait commander un classement sans suite. Cette considération revêt le mérite de désengorger les juridictions répressives. Le juge pénal n'a donc qu'à se consacrer aux affaires qui mettent en exergue une criminalité d'un niveau assez élevé et qui appellent une répression exemplaire. En cas de commission d'une infraction, le juge doit apprécier au regard des éléments en rapport avec ladite infraction, la valeur positive des poursuites qu'il est appelé à engager. Ainsi, les infractions qui n'ont pas gravement troublé l'ordre social peuvent être classées à l'instar du vol d'un petit biscuit.

157 Il est admis que certaines poursuites pénales peuvent causer un malaise plus grand et produire un préjudice plus considérable que le dommage résultant de l'infraction. Il peut arriver que dans certaines situations, la répression serait plus nuisible à la paix sociale que l'impunité accordée au délinquant par le classement. Ainsi, en cas de coups et blessures entre époux, si les deux antagonistes se sont réconciliés, il peut être préférable de classer car une poursuite risquerait de cristalliser le différend et de l'envenimer. Pour certaines infractions, si l'auteur de l'infraction a spontanément, de lui-même, remboursé la victime, le juge peut classer. L'exemple de l'escroquerie au cas où l'escroc a remboursé les choses de moindre valeur prises.

158YAYA (A), La victime au regard des mutations contemporaines du procès pénal, disponible sur www.annalesumng.org

159 En droit français, le procureur de la République peut préalablement à sa décision sur l'action publique faire procéder à une action de médiation entre l'auteur des faits et la victime, si elles donnent leur accord. Si la

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publique au moment où cela lui semblerait bon. Cette mesure doit être subordonnée à l'accord de la victime après une juste et complète réparation. Le juge appréciera la fourchette de la réparation causée par l'infraction. Si le juge arrache un accord entre les parties, et que la réparation a eu lieu, le juge rend une ordonnance de conciliation éteignant l'action publique. Elle ne peut être remise en cause. Au cas où l'auteur n'arrive pas à honorer ses engagements dans les délais, le juge rend une ordonnance de poursuite contre ce dernier. Le juge d'opportunité n'aura pas que les pouvoirs mais aussi les obligations qu'il convient d'examiner avec les droits qu'on doit reconnaitre aux parties impliquées dans la procédure.

PARAGRAPHE 2 : Les obligations du juge d'opportunité des poursuites et les droits des parties

L'autorité chargée de décider de l'opportunité des poursuites doit être soumise à certaines obligations après avoir pris sa décision (A). Les parties au litige doivent de leur côté bénéficier de certains droits après la décision de classement sans suite (B).

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