A- Le classement sans suite : une décision
administrative
Le caractère administratif de la décision de
classement sans suite est l'une des raisons évoquées pour
justifier l'absence d'admission de voie de recours juridictionnel voire
administratif. Il est admis que le classement n'est pas un acte juridictionnel
mais administratif136. Il n'est donc pas revêtu de
l'autorité de la chose jugée137, si bien qu'il n'est
jamais passé en force de chose jugée.
135Art. 40-2 nouveau du CPP
136Crim., 6 juin. 1952, B.C., n°142 ; 5
Déc 1972, BC., n°375, RSC, 1973, 716, obs J.M- Robert
137Idem
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Le classement sans suite est une mesure d'administration
judiciaire ne tranchant pas au fond sur les condamnations, pour qu'il fasse
l'objet de contestation devant les tribunaux. Contrairement à une
décision juridictionnelle qui met un terme à un litige, le
classement sans suite ne tranche pas une question juridique, ne crée pas
des droits pour les parties et n'établit pas l'innocence de la personne
poursuivie, ni l'abus de droit du plaignant. Il ne fait que constater l'absence
d'éléments suffisants ou l'inutilité d'engager les
poursuites138 et met fin à l'enquête
préliminaire. Il est hors de question de contester une telle
décision ni devant les tribunaux, ni devant les autorités
administratives.
Il convient néanmoins de nuancer cette approche, au
regard des conséquences que le classement sans suite peut avoir sur le
plaignant, notamment quand il cherche à obtenir réparation du
préjudice subi. Cette décision met fin aux poursuites, du moins
du point de vue du ministère public, au point que si le plaignant n'est
pas informé de ses droits, il peut penser qu'il a reçu une
réponse pénale définitive à sa plainte. De
même, ayant été informé de ses droits, s'il ne
dispose pas des ressources nécessaires pour engager elle-même les
poursuites, et que le ministère public ne revient pas sur sa
décision, le classement prendrait les allures d'une décision
définitive, établissant ainsi l'innocence du
présumé prévenu, au détriment des droits de la
victime.
En absence de garanties légales, le classement serait
une décision fatale pour le plaignant et réconfortante pour le
prévenu. Le dispositif actuel expose en réalité, le
plaignant aux abus irrémédiables du ministère public.
Alors qu'il est toujours possible de remédier, tout au moins dans une
certaine mesure, à la partialité du juge avec les moyens normaux
d'opposition, il n'existe aucune solution contre les déviations du
ministère public qui sont non seulement possibles mais
fréquentes139
D'ailleurs, le classement sans suite ne peut fait l'objet de
contestation car le Procureur de la République n'est pas un juge, mais
plutôt une autorité de poursuite, qui décide en toute
discrétion sur l'engagement des poursuites. La décision de
classement ne peut être remise en cause par une autre autorité
judiciaire. Il revient au ministère public seul le pouvoir de
réviser sa décision prise en toute discrétion. Le
caractère
138L'utilité de l'action publique n'est pas
toujours évidente. Il peut en effet être conforme au bien commun
que le Ministère public n'engage pas de poursuites dans certains cas,
même si la preuve est patente.
139 GIUSEPPE (C), Dépendance ou
indépendance du Ministère Public, dans Conseil de l'Europe,
dir., Le rôle du ministère public dans une société
démocratique, Strasbourg, Editions du Conseil de l'Europe, 1997, 13
à la p. 17.
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discrétionnaire de la décision signifie
l'absence de contrôle qui s'exerce par voie de recours
hiérarchique ou juridictionnel. Exercer un contrôle transformerait
le pouvoir d'opportunité en un contrôle de
légalité.
Or, il faut souligner tout de même que, le
caractère administratif du classement sans suite ne saurait justifier le
refus de voie de recours. La nature administrative de la décision fait
qu'elle soit soumise au régime des actes administratifs
unilatéraux, sujets aux recours administratifs et juridictionnels. Ce
n'est pas parce que la décision est prise par le ministère public
qui n'endosse pas la casquette de juge, qu'elle ne peut souffrir d'aucune
contestation, alors que les droits des victimes sont en jeu.
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