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Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

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B- Le choix du délai de classement sans suite

La notion du délai de classement renvoie au temps que le Procureur de la République se donne pour prendre sa décision. Le parquet n'a pas l'obligation de répondre immédiatement après le dépôt d'une plainte et la loi ne lui impose pas un délai de réponse. Le Procureur de la République tout comme les autres magistrats de l'ordre judiciaire sauf exception prévue par la loi est soumis à l'exigence du délai raisonnable dans le traitement des plaintes, qui fait appel à sa conscience professionnelle. En effet, en vertu de la liberté de décision reconnue au Procureur de la République, ce dernier

114Le dictionnaire LE ROBERT définit le déni de justice comme le « refus de la part d'un magistrat de remplir un acte de sa fonction, de statuer sur un litige, d'accorder un droit à quelqu'un ».

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est libre de décider souverainement à quel moment prendre sa décision. Il peut décider de classer la plainte sans suite ou de poursuivre les investigations.

La disparité du temps de réponse en matière de classement s'explique par plusieurs facteurs tels que la complexité de l'affaire, le nombre de dossiers en attente, les priorités du tribunal, l'insuffisance du personnel et le besoin d'enquêtes supplémentaires. Cependant, toutes ces raisons ne doivent pas justifier le rallongement criant des délais de décision de classement que nous observons dans certaines affaires ou l'abstention du législateur d'imposer au ministère public un délai relativement court pour pouvoir décider.

Il n'est pas équitable d'abandonner au ministère public l'opportunité de décider quand il veut décider. L'enquête préliminaire ne doit pas se transformer en instruction préparatoire ou à la barre qui peut prendre des années, ce qui est tout à fait normal. Le ministère public ne doit pas se transformer en juge d'instruction pour chercher à aller au fond des investigations au mépris de la séparation des fonctions. Le raisonnement juridique voudrait que, si le dossier parait complexe ou flou, que le ministère public saisisse le juge d'instruction, spécialiste en matière de recherche de la vérité. Il est le juge investigateur qui éclaire les faits paraissant peu claires, complexes ou insuffisant. Si les faits infractionnels sont clairs et simples et qu'il n'existe aucun empêchement de poursuite, qu'il saisisse le tribunal par voie de citation directe. En cas d'infraction récente avec les indices et les preuves, qu'il opte pour la procédure de flagrant délit. Donc, il n'y a aucune raison que la décision de poursuite s'étale au-delà de trois mois.

En général, le Procureur doit disposer d'un délai de 3 mois pour prendre une décision concernant le classement ou moins encore la poursuite. Cependant, si l'affaire est plus complexe ou nécessite des investigations plus approfondies, il est tenu de mettre en mouvement l'action publique par un réquisitoire introductif pour lutter contre l'inaction et les abus derrière cette inaction. Profitant de ce vide juridique, certains parquetiers ne répondent pas à certaines plaintes pour les raisons que seuls eux connaissent et surtout qu'il n'existe pas un moyen de pression, ni de contrôle sur eux pour combattre les mauvaises habitudes jugées déshonorantes pour la justice.

L'enjeu derrière le voeu de fixer un délai de trois (3) mois pour étudier la plainte est d'éviter la prescription de l'affaire dans le bureau du Procureur de la République qui,

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en réalité, a décidé de ne rien faire, en attendant simplement la prescription, et afin de permettre à la victime d'envisager d'autres voies à sa disposition si elle le souhaite. Or, le plus souvent, les magistrats véreux et malhonnêtes s'assoient sur certains dossiers pour exiger une motivation financière à la victime pour qu'ils fassent leur travail ou pour les prescrire et empêcher la victime de déclencher elle-même l'action publique, en la rassurant que sa plainte est en cours de traitement alors qu'ils sont en conflit d'intérêts.

Nombreux sont des dossiers qui ne reçoivent pas une suite, le plaignant ou la victime se fatigue après une longue attente et conclut que la justice est corrompue. Pour remédier à cette situation honteuse, il est souhaitable que le législateur fixe un délai de trois (3) mois auquel le ministère public doit décider sur l'opportunité des poursuites en prenant une décision formelle de classement s'il y a lieu. S'il ne le fait pas au-delà de ce délai, une sanction doit être envisagée. Pour une bonne applicabilité de cette discipline, chaque dossier doit porter le nom du parquetier qui en a la charge du traitement, du suivi et de répondre en cas d'un dysfonctionnement.

D'ailleurs, le classement sans suite est une décision administrative, mais paradoxalement, le ministère public, agissant comme une autorité administrative n'est pas soumis aux règles juridiques relatives aux décisions administratives. Il convient de rappeler qu'en matière administrative, le délai pendant lequel l'administration est tenue de répondre à un administré se confond avec le délai du recours pour excès de pouvoir, qui est de deux mois. En effet, lorsque l'administration est saisie de la demande d'un administré, celle-ci est tenue de répondre, et le délai qui lui est imparti pour le faire est de deux mois à compter de la réception de la demande. Toutefois, le silence gardé par l'administration pendant quatre mois vaut décision implicite de rejet, en l'absence de textes contraires115. Cette exception tend à sanctionner l'inaction de l'administration, au cas où celle-ci s'abstiendrait à répondre à la sollicitation de l'administré.

Par analogie avec la procédure administrative, on peut suggérer que le délai pendant lequel le ministère public devrait prendre sa décision de classement sans suite ne soit

115Article 407 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière : « Le silence gardé pendant quatre mois sur une réclamation par l'autorité administrative compétente vaut décision de rejet. En ce cas, le délai de recours commence à recourir à l'expiration de cette période de quatre mois. Au cas de rejet explicite de la réclamation le délai court du jour de la notification de la décision de rejet ».

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pas de deux mois mais de trois mois à compter de la réception de la plainte. Mais une question peut se poser, celle de savoir, quel est le moment qui doit être pris en compte pour considérer que la plainte a été reçue par le ministère public, entendu que la plainte peut être déposée soit à la police ou à la gendarmerie, soit directement à secrétariat du parquet ? Il faut dire que, peu importe le lieu où la plainte serait déposée, pourvu que la victime soit munie d'un récépissé justifiant le dépôt d'une plainte, si dans les trois mois la victime n'est pas en possession d'une décision du ministère public, il devra se prévaloir d'une décision de classement sans suite, car le silence du ministère public équivaudrait, dans ce cas, à un refus de poursuivre. Cette mesure serait une véritable limite au pouvoir du Procureur de la République.

L'imposition du délai de décision est nécessaire pour empêcher à ce que la victime impatiente engage plusieurs actions à la fois. Déjà la loi ne fait pas obligation à la victime de saisir en amont le Procureur de la République avant de saisir le juge d'instruction ou le juge de jugement. Il n'existe pas un ordre de priorité d'action, ni l'interdiction d'exercer de manière simultanée les différentes actions ou de manière alternée. La nécessité est de permettre au plaignant qui a déposé la plainte de savoir quand elle peut envisager d'autres actions.

L'étude de l'absence d'encadrement du pouvoir de classement sans suite du Procureur de la République et de ses implications pratiques ayant été épuisée, force est d'envisager le manque de lisibilité des obligations qui incombent au ministère public après avoir décidé d'un classement sans suite et les droits du plaignant de cette décision.

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CHAPITRE II : LE MANQUE DE LISIBILITE DES OBLIGATIONS DE L'AUTEUR DU CLASSEMENT SANS SUITE ET DES DROITS DU PLAIGNANT

L'absence de lisibilité des obligations du ministère public après la décision d'abandon des poursuites, se traduit par le non-assujettissent de sa décision à l'obligation de motivation et de notification (Section 1). Quant à l'absence liée aux droits du plaignant, elle se lit par l'inexistence du droit de contester la décision de classement sans suite (Section 2).

SECTION 1 : Le non-assujettissement du classement sans suite à l'obligation de motivation et de notification

Les décisions de classement sans ne sont pas assujetties à l'obligation de motivation (Paragraphe 1) et paradoxalement aussi à celle de notification (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'absence de l'obligation de motivation du classement sans suite

En l'absence de l'obligation légale de motiver la décision de classement sans suite, nous allons étudier de quelle manière le ministère public observe l'exigence de la motivation (A) avant de s'attarder sur sa nécessité (B).

A- La pratique liée à l'absence de motivation dans la décision de classement sans suite

Une des garanties historiques les plus notables face à l'arbitraire d'une autorité chargée de rendre des décisions contraignantes, est celle, au côté d'autres, de l'obligation de motivation. Cette exigence introduit une certaine transparence dans la décision et empêche que l'autorité adopte une attitude qui répond exclusivement à ses propres intérêts. Jean PRADEL souligne : « L'exigence de motivation conduit à donner plus de transparence à la justice et réduit le nombre des classements car une motivation pouvant s'avérer malaisée, une réponse systématique sera plus fréquente116 ».De ce fait, l'absence d'exigence de la motivation fait à ce que le

116PRADEL (J), procédure pénale, op. cit. P.545-546

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ministère public agisse en fonction de plusieurs paramètres : les éléments du dossier, les intérêts en présence, sa subjectivité, ses humeurs ou des pressions hiérarchiques.

La motivation au sens juridique, constitue l'exposé de l'ensemble des motifs, c'est-à-dire de l'ensemble des raisons de fait ou de droit, sur lequel repose une décision. Mais la motivation, c'est aussi le fait d'exposer les raisons de fait et de droit qui ont conduit le juge à décider. Autrement dit, la motivation correspond à la fois à l'exposé des motifs et au fait d'exposer ces motifs : elle est à la fois action et résultat de cette action117. La motivation est la marque extérieure de l'opération intellectuelle à laquelle se livre le juge pour fonder en droit une décision118. C'est par la motivation de ses décisions que le juge développe son raisonnement, explique le pourquoi, et donne les raisons qui l'ont amené à prendre telle ou telle solution.

Pratiquement, en matière de classement sans suite, le ministère public ne motive pas ses décisions. Elles sont caractérisées par l'absence de motivation que nous nous trouvons dans les décisions de justice pour quelques raisons.

Tout d'abord, le Procureur de la République n'est pas un juge et le classement sans suite n'est pas une décision de justice. Par conséquent, il ne saurait être soumis à l'exigence d'une motivation que doit contenir toute décision de justice119.

Ensuite, le classement sans suite est une décision relevant du pouvoir discrétionnaire du ministère public qui signifie absence de contrôle. Néanmoins, pour la transparence d'une telle pratique souvent sujette aux critiques, le ministère public devrait se donner la peine de motiver en fait et en droit ses décisions pour permettre leur compréhension par les intéressés, le public et barrer la voie à tout soupçon de favoritisme et de corruption.

L'absence d'observation de cette exigence suscite des interrogations et des doutes quant à sa légitimité du classement. L'action publique appartient à la société, et non pas au ministère public (bien qu'il représente notre société), il est essentiel que cette prérogative s'exerce de manière transparente et non opaque.

117GIUDICELLI-DELAGE (G), La motivation des décisions de justice, Thèse Potiers, 1979, 2 tomes, T.1, pp.3 et s.

118GIUDICELLI-DELAGE (G), op. cit. p.136

119Art. 53-3 du CPCCAF

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De plus, d'après certains professionnels, ils ne sont pas tenus de justifier leurs décisions. Si le plaignant n'est pas d'accord avec le motif mentionné dans la décision, il peut user de son droit de mettre en mouvement l'action publique. Cette raison évoquée reste sujette à débat. Le droit de la victime d'intenter les poursuites ne devrait pas empêcher au ministère public de bien remplir correctement sa tâche et de prendre des décisions convaincantes. Si, parallèlement, le juge de première instance statuait avec légèreté parce que la victime disposerait du droit de faire appel de sa décision, le travail du magistrat serait douteux, bâclé et manquerait de crédibilité. La capacité d'un bon parquetier doit être évaluée en fonction de la pertinence de ses décisions de classement sans suite.

D'ailleurs, la loi n'oblige pas au ministère public de motiver ses décisions, si bien que le défaut de motivation ou une motivation erronée n'invalide pas la décision de classement sans suite. La liberté est donc reconnue aux magistrats du ministère public, de choisir un motif de manière souveraine, avec tous les risques d'arbitraire que cette pratique peut entrainer, sans avoir à justifier les bases de leur décision. Certes, la loi ne fait pas de la motivation une exigence, il n'en demeure pas moins vrai que la loi ne l'interdit pas non plus. En tenant compte de la portée de cette décision, qui porte atteinte au droit d'accès à la justice, au moins du côté de l'autorité de poursuite, une motivation s'avère nécessaire pour justifier son refus et expliquer qu'il n'est pas dicté par les mobiles injustes.

Enfin, si une motivation plus concrète, telle qu'envisagée lors d'un jugement, est imposée, le ministère public serait confronté à un accroissement important de travail difficilement gérable. Ce qui reste contestable aussi puisque les magistrats du siège sont soumis à cette obligation sans faillir à leur mission. Manifestement, le ministère public dans ses décisions de classement se contente simplement d'une motivation formelle contenue dans un imprimé pour laquelle il n'entend pas engager les poursuites. Par exemple, l'absence d'infraction, l'impossibilité d'identifier l'auteur des faits, l'insuffisance de charge, l'obstacle à la poursuite sans tenir compte de la clarté de l'explication au plaignant de ses droits, de la précision sur le motif du classement.

Le motif indiqué dans l'avis de classement sans suite supplée la motivation au sens juridique. Pourtant, le classement sans suite devrait comporter une véritable

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motivation. Au lieu de se contenter d'indiquer que le classement est prononcé pour absence d'infraction, impossibilité de poursuite, le ministère public devrait préciser les raisons caractérisant cette absence d'infraction ou l'impossibilité de poursuite. Cette pratique constituera un contrepoids nécessaire au pouvoir de classement du Parquet, et participera à l'idée que, si aucune suite judiciaire n'est apportée par le Parquet, celui-ci donne cependant une réponse véritable à la plainte de la victime120.

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