WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARAGRAPHE 2 : La liberté de choix de la forme et du délai de classement sans

suite

Il est du pouvoir du ministère public de décider sous quelle forme sa décision de classement doit être prise (A) et quand elle doit intervenir (B).

A- Le choix de la forme de classement sans suite

Le pouvoir discrétionnaire reconnu au ministère public de classer sans suite une plainte le conduit à choisir en toute liberté de quelle manière traduire son refus de poursuite. Il exprime son refus de poursuivre de deux manières : par un acte appelé « avis de classement sans suite » (classement explicite) ou par un silence (classement implicite).

Le classement explicite est une décision matérialisée par un écrit, un acte, un imprimé d'avis de classement sans suite qui énumère les motifs sommaires non exhaustifs de classement que le parquet peut retenir en le cochant simplement, et une phrase d'orientation pour la victime qui souhaite elle-même mettre en mouvement l'action public : « Toutefois, vous conservez la possibilité d'engager vous-même des poursuites pénales, soit par voie de citation directe, soit en vous constituant partie civile devant le juge d'instruction qui fixera le montant de la somme que vous aurez à consigner113 ». Cette pratique peut être considérée comme une solution de facilité car il suffit de cocher un motif pour se débarrasser de l'affaire.

Le classement implicite par contre est traduit par l'absence d'une réponse, d'une décision en bonne et due forme d'avis de classement sans suite malgré la plainte

113Cette formule se trouve dans l'imprimé utilisé par le parquet du Tribunal de Grande Instance de Brazzaville

35

reçue. Il s'agit justement de l'inaction du parquet qui s'estime dans ses droits de ne pas donner suite à une plainte. Cette attitude que le ministère public adopte sur certaines affaires nous laisse dans un questionnement sur les motifs pouvant la légitimer et sur l'égalité de traitement devant la loi. Elle peut être interprétée comme quoi, la plainte déposée par le plaignant n'a pas été traitée, prise en compte et que le service de la justice ne fait pas suffisamment son travail de lutte contre l'impunité et ne défend pas assez les intérêts de la société. Le traitement différentiel signifie que certains citoyens ont droit à ce que leur cause soit entendue par la justice, et que d'autres soient marginalisés.

On peut admettre qu'en sa qualité d'administration, le ministère public a le droit de décider de manière tacite. Toutefois, il serait difficile de concilier cette réponse silencieuse avec les dispositions de l'article 28-1 du code de procédure, qui font obligation au Procureur de la République d'apprécier la suite à donner à une plainte. La suite à donner est une réponse à une plainte ou une dénonciation que le ministère public est tenu de communiquer. L'opportunité des poursuites ne donne au ministère public que deux options : poursuivre ou classer sans suite. La décision de poursuite ou de classement doit être matérialisée par un acte de poursuite ou de classement.

Quand il décide de poursuivre, le ministère public matérialise sa poursuite par un acte entre autres le réquisitoire introductif saisissant le juge d'instruction ou la citation directe saisissant la formation de jugement. Par contre, lorsqu'il classe sans suite, il doit normalement matérialiser sa décision par un avis de classement sans suite. Ne pas le faire est un abus de pouvoir qui mérite d'être sanctionné. Malheureusement, en pratique, le ministère public use d'une liberté qui ne trouve son fondement dans aucun texte de classer une plainte de manière silencieuse au mépris de l'obligation qui lui est faite de donner une suite. L'inertie coupable du parquet de répondre à une plainte n'est pas seulement illégale, mais aussi dangereuse et suspecte.

Tout d'abord, elle laisse la victime dans une expectative prolongée qui pourrait affecter ses droits d'engager les poursuites ou l'action civile en raison du risque de prescription qui pourrait frapper son action. Celle-ci ne dispose pas de voies légales pour contraindre le ministère public à décider sur sa plainte, sinon que d'attendre ou d'opter pour d'autres solutions. Le ministère public doit se garder de victimiser doublement la victime, car cela ne relève pas de ses attributions.

36

Ensuite, le refus de répondre à une plainte alimente généralement le sentiment de suspicion de corruption, de favoritisme dans le chef du ministère public. Il n'y a rien qui justifie que le parquet brille par une inertie pour remplir un petit imprimé de classement sans suite, s'il n'existe pas des motifs inavoués et cachés justifiant son silence. Le magistrat en charge du dossier aurait du mal peut-être à prendre une décision dont il serait tenu de cocher un motif fantaisiste qui l'embarrasserait et trahirait son manque d'impartialité et ses abus.

Enfin, elle peut constituer un déni de justice114. L'absence de réponse formelle de la part du parquet tenu de donner suite à une plainte ne saurait s'analyser à une simple décision d'abandon des poursuites. Selon toute vraie semblance, il est question de déni de justice de la part du Procureur de la République, qui refuse d'accomplir un acte relevant de sa fonction, et empêchant par conséquent, que la cause de la victime soit entendue par une juridiction qui dira si elle est fondée ou non. Le ministère public qui joue le rôle de pont entre le plaignant et le juge est devenu un mur entre le juge et le plaignant.

Dans tous les cas, le problème vient du fait que la loi n'indique pas sous quelle forme cette décision doit être prise et rien ne dit si le régime des actes administratifs est applicable en matière de classement, pour assimiler l'inaction du parquet au refus d'exercer les poursuites. Cette difficulté soulève en même temps la question de la liberté reconnue au ministère public de choisir le moment pour classer sans suite la plainte reçue.

précédent sommaire suivant






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme