PARAGRAPHE 1 : La liberté de choix du motif de
classement sans suite
Le Procureur de la République ne dispose pas des lignes
directrices rédigées sur lesquelles il doit se
référer pour conclure sur un classement sans suite. La loi ne
donne pas les indications précises et claires sur les motifs de
classement sans suite. Il est donc du devoir du ministère public de se
livrer à l'opération d'appréciation des plaintes
reçues pour conclure sur un classement. N'étant pas
cantonné dans un cadre légal, le ministère public reste
libre d'opérer le classement suivant les éléments du
dossier (A) ou selon d'autres facteurs
(B).
A- La liberté de choix dicté par les
éléments du dossier
Le législateur a consacré le principe de
l'opportunité des poursuites qui permet au ministère public, de
classement sans suite une plainte, pour un motif qu'il juge judicieux
après s'être prêté à l'exercice de
l'appréciation de la plainte. Si les raisons de poursuite sont connues,
il n'en est pas de même pour le classement sans suite. Pratiquement, les
raisons soulevées à l'appui du classement sans suite sont dans la
pratique contenues dans un imprimé dénommé « avis
de classement sans suite », lequel contient plusieurs raisons pouvant
être à l'origine d'un classement. Il revient donc aux magistrats
du parquet de cocher une case préétablie dans cet imprimé
indiquant les raisons l'ayant amené à classer l'affaire. Rien ne
les empêche cependant pas à avoir
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des raisons autres que celles préétablies dans
ledit avis de classement sans suite. La décision de classement sans
suite se repose généralement sur les éléments
objectifs dictés par le dossier et impose au magistrat de le classer. Il
s'agit entre autres :
- l'absence d'infraction si les faits portés à
la connaissance du ministère public ne constituent pas une infraction
c'est-à-dire n'ont pas violé la loi pénale en vertu du
principe de la légalité95. Il s'agit d'un
problème de qualification juridique des faits. En pratique, l'on
trouvera souvent la considération selon laquelle il s'agit d'un litige
civil et que la justice répressive n'a donc pas vocation à
être saisie. Le parquet peut également considérer que les
faits sont erronés.
- L'infraction n'est pas suffisamment
caractérisée. Toute infraction pénale doit être
caractérisée dans son élément légal,
matériel et moral. Si l'une des composantes fait défaut, il ne
sera pas possible de caractériser cette infraction. Par exemple, si
l'intention frauduleuse ne peut être démontrée en
matière de vol96, l'infraction ne sera pas
caractérisée. Dès lors, si les circonstances de
l'infraction sont indéterminées, la poursuite ne sera pas
possible.
- Le défaut d'identification de l'auteur de
l'infraction. Sont visés ici les cas dans lesquels l'auteur de
l'infraction est introuvable. Encore dans ce dernier cas, l'action publique
pourra être mise en mouvement par une information ouverte contre x.
- Le défaut d'élucidation. Le Procureur ne peut
pas poursuivre une personne, s'il n'existe suffisamment
d'éléments pour prouver l'infraction et entrainer une
condamnation devant le juge, en vertu du principe de présomption
d'innocence. Dans un souci d'économie de procédure, il est
à même de décider de classer le dossier.
- L'existence d'une immunité prévue par la loi
empêche que l'auteur d'une infraction soit poursuivi. Il s'agit par
exemple de l'immunité familiale, diplomatique ou du président de
la République97.
- L'irresponsabilité pénale résultant
soit d'une cause subjective (trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le
discernement ou le contrôle de l'auteur de l'infraction,
95 Art. 4 du Code pénal
96Article 379 du code pénal présente le
vol comme « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui »
97Article 96 de la constitution du 25 octobre 2015
dispose : « Aucune poursuite pour des faits qualifiés crime ou
délit ou pour manquement grave à ses devoirs commis à
l'occasion de l'exercice de sa fonction ne peut plus être exercée
contre le Président de la République après la cessation de
ses fonctions. La violation des dispositions ci-dessus constitue le crime de
forfaiture ou de haute trahison conformément à la loi
».
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l'âge du délinquant98), soit les
causes objectives (légitime défense, état de
nécessité, commandement de l'autorité légitime,
autorisation de la loi).
- L'extinction de l'action publique. Les causes de
l'extinction de l'action publique sont visées à l'article 6-1 du
Code de procédure pénale : « L'action publique pour
l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la
prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale, la transaction
lorsque la loi en dispose spécialement et le retrait de la plainte
lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite
».
En dehors des raisons évoquées ci-dessous, le
classement peut être motivé par d'autres facteurs.
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