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Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

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CONCLUSION

Il est inconcevable d'imaginer un système d'application de la loi pénale où aucune personne ayant autorité ne serait appelée à décider, si une personne doit être poursuivie ou non pour une infraction alléguée. En procédure pénale congolaise248, ce pouvoir est attribué au Procureur de la République. Contrairement au système de légalité des poursuites, qui veut que toute infraction portée à la connaissance du Procureur de la République soit suivie des poursuites, le système d'opportunité lui accorde le plein pouvoir de décider du traitement à réserver à une affaire pénale : il peut la renvoyer devant un juge ou la classer sans suite.

Le classement sans suite est une décision prise par le Procureur de la République, lorsqu'il estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre une affaire pénale, pour des raisons de légalité ou d'opportunité. Cette décision signifie que l'affaire ne sera pas portée devant le juge. Elle n'implique cependant pas l'abandon des poursuites, dès lors que le ministère public peut à tout moment, pendant le délai de prescription, revenir sur sa position pour mettre en marche la machine judiciaire.

La décision de classement sans suite n'obéit pas à un cadre juridiquement défini d'avance. Elle fait appel exclusivement à la conscience, au jugement, à l'intime conviction et à l'opinion personnelle du Procureur de la République.

Le mécanisme de classement sans suite est une expression du pouvoir discrétionnaire reconnu au ministère public. Ce pouvoir signifie liberté d'appréciation, absence de régulation et de contrôle. Dans une très large mesure, c'est sur l'intégrité personnelle du Procureur de la République qu'il faudra compter, pour que son pouvoir soit exercé avec toute la rectitude nécessaire.

Positivement, ce pouvoir est un outil indispensable pour la gestion des affaires pénales. Il permet au ministère public de trier les affaires que les tribunaux doivent connaitre en raison de leur importance, des ressources disponibles, des priorités et d'éviter les poursuites inutiles, inopportunes et injustifiées249. Toutefois, ce pouvoir

248Art. 28-1 du CPP

249KAVUNDJAN MANENO (T), Procédure pénale, Paris, Espérance, 2022, pp. 459-460. Cet auteur affirme que la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation reconnu au Ministère public permet certains avantages dans le système judiciaire. Il s'agit d'une part de filtrer les dossiers à soumettre au juge, d'éviter des poursuites inutiles lorsque les faits sont prescrits, amnistiés ou lorsqu'il s'avère impossible d'en découvrir les auteurs, d'éviter aux personnes

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connait quelques limites. Ainsi, le Procureur de la République ne peut classer sans suite une plainte mettant en cause une personne jouissant des privilèges juridictionnels, puisque ce pouvoir relève de la Cour suprême. Il ne peut non plus classer une affaire après la décision de poursuite car l'action publique devient indisponible après sa mise en mouvement.

Négativement, à cause des lacunes légales qu'il comporte, le pouvoir de discrétion aboutit immanquablement à une application sélective, discriminatoire, et donc inégale de la loi, devenant ainsi un vecteur d'abus.

Concrètement, ces lacunes sont traduites tout d'abord, par la possibilité reconnue au Procureur de la République de choisir en toute liberté, le motif de classement sans suite. Cette liberté crée une disparité dans ses décisions, encourage les abus qui ternissent l'image de la justice, alimentent les soupçons de la présence du ver dans le fruit de la magistrature et créent une justice à double vitesse. Une telle situation ne saurait être remédiée que par la définition des motifs qui orienteront les décisions du ministère public et feront barrage à l'arbitraire.

Ensuite, l'absence d'obligation de motiver sa décision, créant ainsi, une certaine opacité de son action. Ce système ignore la nécessité de la motivation, élément de pédagogie et de compréhension de la décision par les justiciables et gage d'impartialité.

Bien plus, la liberté du choix du délai de réponse d'une plainte reçue. Pratiquement, beaucoup de plaintes trainent longtemps dans ses bureaux, laissant les victimes dans une totale incompréhension et conduisant certaines affaires à la prescription. L'idéal serait d'imposer un délai de réponse de trois mois pour pallier ces abus.

En outre, le Procureur de la République détermine la forme de la réponse à donner à la victime. En réalité, il est tenu de prendre un acte de classement sans suite comme il le fait pour les actes de poursuite. Malheureusement, en pratique, il y a des classements silencieux, laissant la victime dans une confusion et soif de justice. L'option de classement implicite traduit souvent la crainte de porter à la connaissance

concernées les inconvénients de poursuites injustifiées, à la société de troubles inutiles, et de réduire l'encombrements des juridictions.

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du plaignant une décision fantaisiste qui alimenterait, les soupçons de corruption ou de trafic d'influence.

Enfin, le ministère public reste libre d'informer la victime, oubliant que l'information est cruciale dans une procédure judiciaire, afin de permettre à la victime d'envisager d'autres démarches et de savoir que sa plainte a été prise en compte.

Le comble des lacunes du système actuel se traduit visiblement par l'absence des voies de recours placées entre les mains de la victime pour contraindre le ministère public à revoir sa position ou à sortir de son silence. Or, le recours permet d'assurer le contrôle de la décision prise et de redresser une situation mal traitée.

La victime peut néanmoins contourner le refus d'agir du Procureur de la République, en engageant les poursuites devant les juridictions répressives.

En un mot, le maniement du pouvoir de classement sans suite conduit à une application à géométrie variable de la loi, devient une source de revenus pour les magistrats sans scrupules, un moyen pour faire passer leurs proches, leurs amis ou les hommes influents de la société à travers les mailles du filet de la répression et un facteur criminogène.

L'antidote pour remédier aux dysfonctionnements de la machine judiciaire au premier regard, résiderait d'une part dans la définition des pouvoirs et des obligations du Procureur de la République et d'autre part dans la prise en compte des droits du plaignant notamment le droit à l'information, à l'orientation vers d'autres démarches, à une réponse motivée dans un délai relativement court et le droit de recours devant le procureur général.

Cette approche a tout de même ses faiblesses qui ne permettront pas de rendre à notre justice ses lettres de noblesse à savoir : l'absence d'indépendance du Procureur de la République vis-à-vis de sa hiérarchie judiciaire et politique ; son irrécusabilité combien même il existerait les soupçons d'impartialité ou de corruption, exposant ainsi la victime à une décision arbitraire et enfin son irresponsabilité sauf prise à partie dont la preuve n'est pas toujours aisée à rapporter.

La construction d'un système efficace passe par la création d'un juge d'opportunité des poursuites. Indépendant, récusable et responsable de ses actes, ce magistrat traitera les plaintes reçues par le ministère public dans un délai d'un mois. Apres

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examen, il pourra rendre soit une ordonnance de poursuite communicable au ministère public pour le déclenchement des poursuites dans un délai de dix (10) jours ; soit une ordonnance de conciliation pour motif d'opportunité défini d'avance ou soit une ordonnance de classement sans suite motivée, notifiable et contestable par le ministère public et la victime devant la chambre d'accusation.

Faute d'une indépendance décisionnelle, le ministère public se contentera de recevoir les plaintes, d'ordonner une enquête préliminaire ne pouvant dépasser deux mois et de soumettre les dossiers au juge d'opportunité des poursuites pour appréciation.

Dans le souci de garantir le droit d'accès au juge pour la victime de classement sans suite, il est nécessaire de renforcer l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite notamment la constitution de partie civile devant le juge d'instruction et la citation directe.

Cette efficacité sera assurée par leur détachement au pouvoir du ministère public qui s'érige souvent en obstacle pour leur déclenchement et aboutissement par son inertie à prendre les réquisitions exigées dans les dossiers pleins d'enjeu ; la définition d'un délai minimum au-delà duquel si le ministère public ne prend pas les réquisitions attendues, la juridiction saisie pourra passer outre ; la réduction de leur coût et l'obligation pour le juge saisi d'émettre gratuitement les mandats contraignants selon leur usage ; la simplification de tout acte de saisine du juge en une simple plainte sans formalisme rigoureux ; l'élargissement de la procédure de citation directe aux crimes ; la suppression de l'intervention d'un huissier de justice dans la procédure de citation directe pour réduire son coût et permettre son effectivité sur tout le territoire national ; l'instauration de la collégialité dans les cabinets d'instruction, pour la célérité et la lutte contre la corruption et la création des centres d'aide aux victimes composés des juristes qui les accompagneront dans leur démarche.

La question sur le régime juridique du classement des affaires pénales doit être traitée de manière générale et pertinente. Il n'est pas rare de voir certains dossiers dont les poursuites sont portées devant une formation de jugement, s'ensabler définitivement, alors que ceux ayant donné lieu à une instruction, se solder par un abandon des poursuites, jusqu'au constat de la prescription de l'action publique. C'est donc à tort que cette question reste focalisée uniquement sur le parquet, alors que celui-ci ne constitue qu'un maillon de la chaine de traitement de la délinquance.

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L'élargissement de la notion de classement sans suite est nécessaire, car elle touche toute la chaine pénale. Chaque fois que la réponse pénale n'est pas appropriée après la commission d'une infraction, à cause de l'inaction de celui qui devrait la dénoncer, porter plainte auprès des autorités compétentes, autoriser les poursuites, mettre en accusation le présumé auteur, le poursuivre, le juger et exécuter la décision rendue, il s'agit sans l'ombre d'aucun doute d'un classement sans suite.

Le traitement en profondeur de cette question dans tous ses contours et à tous les niveaux de la chaine pénale contribuera à éjecter le ver qui ronge le fruit succulent de la justice, à lutter contre l'arbitraire, à réhabiliter l'image de l'appareil judiciaire et à éloigner la protection accordée à certains présumés auteurs d'infractions.

Le magistrat congolais, présenté souvent comme le plus corrompu de la société par le pouvoir politique ; le système judicaire, traité de malade sans perspective de guérison par le peuple, retrouveront leurs lettres de noblesse perdues en prenant des décisions de classement sans suite claires, impartiales et respectueuses des droits de la victime.

Finalement, la prise en compte de la recette proposée constitue la véritable matrice pour l'implémentation et la promotion d'un système répressif efficace, égalitaire, équitable, digne de confiance et répondant aux standards d'un Etat de droit.

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