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Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

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SECTION 1 : L'aperçu des procédures alternatives au classement sans suite

La victime d'une décision de classement sans suite dispose de deux procédées pour engager les poursuites devant les juridictions répressives. Ils ne sont pas conçus au départ comme les alternatives au classement sans suite, mais comme l'une des voies mise à la disposition de la victime d'une infraction d'accéder à la justice pénale. Ils peuvent être utilisés directement par la victime sans qu'elle essuie un refus de poursuite après le dépôt d'une plainte. Ils deviennent des alternatives au classement sans suite si la victime avait en amont saisit les autorités chargées d'apprécier l'opportunité des poursuites. Ces procédures garantissent l'accès au juge pénal

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(Paragraphe 1) et constituent un contrepoids au pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les procédures garantissant le droit d'accès au juge pénal

Le classement sans suite met un terme à la procédure et signifie que l'affaire ne sera pas portée devant une juridiction. Cependant, la loi garantit à la victime d'un classement sans suite le droit d'accès au juge pénal (A). Cependant, ce droit reste un chemin incertain pour le succès de l'action de la victime (B).

A- Le droit d'accès au juge pénal en dépit de la décision de classement sans suite

Le droit d'accès au juge est une garantie fondamentale pour la victime. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : le droit de saisir les juridictions compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par conventions, lois, règlements et coutume en vigueur204 ». Il existe indépendamment de la décision de classement sans suite. Il n'est pas un droit accessoire ou subordonné à la décision de classement sans suite. Le classement n'est pas une condition nécessaire de saisine des juridictions répressives. Contrairement en France, le classement est une condition nécessaire pour saisir le juge d'instruction. « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compètent en application des dispositions des articles 52,52-1 et 706-42. Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le Procureur de la République lui a fait connaitre, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte

204Article 9-1 de la Charte des droits et des libertés adoptée le 29 mai 1991 (Conférence souveraine). Voir aussi en ce sens l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 qui

dispose : « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ».

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déposée devant un service de police judiciaire »205. En absence d'une telle décision, la plainte serait rejetée.

Au Congo par contre, le dépôt d'une plainte devant le magistrat instructeur n'est pas conditionné par la preuve d'un classement sans suite. « La possibilité offerte à la victime d'aller à l'encontre de la décision de classement est moins ennuyeuse et même souhaitable, dans la mesure où celle-ci lui assure un accès à la justice pénale206 ».

Le droit de saisir le juge d'instruction est plutôt justifié par un dommage subi et né d'une infraction à la loi pénale207. Pour cela, la victime n'est pas obligée de se référer au ministère public en vue de défendre ses intérêts devant le juge répressif208.

Si la jurisprudence française autorise la constitution de partie civile dans l'unique objectif de mettre en mouvement la répression, ce droit n'existe au Congo que lorsqu'il y a un droit à réparation résultant d'une infraction. Personne ne peut se voir refusé ce droit à réparation devant le juge pour quelque motif que ce soit.

Certains auteurs pensent que la possibilité reconnue à la victime de mettre en mouvement l'action publique parait comme un moyen de recours ou un correctif contre une décision de classement sans suite donnant accès au juge. « Lorsque le Procureur de la République ne donne pas de suite à la plainte de la victime, soit qu'il classe sans suite soit qu'il ne donne aucune réponse à celle-ci, la victime aura la possibilité de déclencher les poursuites par sa seule volonté. Toutefois, il faut considérer cette hypothèse comme une faculté de recours contre la décision du parquet de ne donner aucune réponse pénale aux faits dénoncés209 ».

Cette approche ignore qu'en matière pénale, il existe trois portes d'accès au juge pénal : le ministère public, le juge d'instruction et de jugement. La victime d'une infraction a donc le choix de passer soit par le parquet, soit par le juge d'instruction, ou en saisissant le juge de jugement pour faire entendre ses prétentions. La saisine du parquet n'est pas synonyme de renoncement du droit de saisir une juridiction.

205Art. 85 du CPP

206YAYA (A), La victime au regard des mutations contemporaines du procès pénal, disponible sur

www.annalesumng.org

207Art. 70 du CPP

208OSSOMBO (A.K), Le classement sans suite et les droits de la victime au Congo, Mémoire pour l'obtention du

diplôme de Master, Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM), 2013, p.63

209 88PIN (X.), « La privatisation du procès pénal », RSC 2002, p. 245 et s

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Le ministère public est une voie d'accès indirecte au juge pénal, puisqu'il n'est pas obligé de saisir le juge en vertu de l'alternative légale de poursuite ou de classement sans suite dont il dispose. Le classement signifie que l'affaire portée à sa connaissance par la victime ne sera pas examinée par un juge. Toutefois, cette décision qui n'éteint pas l'action publique et ne revêt pas l'autorité de la chose jugée n'entame pas le droit qu'a la victime de saisir le juge. Elle signifie simplement que le ministère public ne souhaite pas engager les poursuites pour des raisons qui lui sont propres. Dans cette hypothèse, la victime est libre de se soumettre à la décision si elle la trouve justifiée, ou ne souhaite plus poursuivre son adversaire devant les tribunaux. Dans le cas contraire, elle peut porter son action devant le juge, puisqu'elle dispose d'un droit d'option qui existe avant et subsiste après la décision de classement suite. Elle peut opter pour la réparation civile en saisissant le tribunal civil, elle peut se constituer partie civile devant le juge d'instruction ou devant la juridiction de jugement par voie de citation directe. Cette constitution de partie civile met en mouvement l'action publique et l'action civile.

La faculté pour la victime de mettre l'action publique en mouvement210, ne doit donc pas être considérée comme un mécanisme correcteur du classement sans suite, mais plutôt comme un droit d'accès au juge. Malgré qu'elle puisse être utilisée comme tel dans certaines circonstances, ce n'est pas la volonté du législateur d'en faire une garantie. Notre arsenal juridique ne conçoit pas ce droit reconnu à la personne lésée comme un correctif à proprement parler de la prérogative du parquet de classer un dossier sans suite.

En instaurant une nouvelle autorité chargée du traitement des plaintes, il est essentiel que le droit reconnu à la victime de déclencher les poursuites reste inchangé. Toutefois, le refus de la victime de se conformer à la décision de classement du juge d'opportunité des poursuites ne signifie pas que son action devant les juridictions répressives va prospérer. Ce droit constitue un chemin incertain pour le succès de son action.

210 BOULOC (B), Procédure pénale, Paris, 23e édition, Dalloz, 2012, p. 146. Il définit la mise en mouvement comme l'acte initial de la poursuite, celui par lequel l'action publique est déclenchée et qui saisit le juge d'instruction ou de jugement.

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B- Le droit d'accès au juge : un chemin incertain pour le succès de l'action de la victime

Le droit d'accès au juge reste est un chemin incertain voire risqué pour la victime de classement sans suite. Quand la victime s'engage à contourner la décision de classement, c'est parce qu'elle croit au succès de son action devant le juge. Or, l'accès au juge ne garantit pas que le prévenu sera condamné et la victime dédommagée. En réalité, l'inverse peut se produire et la juridiction saisie peut rendre une décision similaire au classement sans suite avec quelques différences près.

A la différence de la saisine du Procureur de la République qui se fait par simple dépôt d'une plainte à faible coût, il en demeure autrement pour la procédure de constitution de partie civile et de citation directe. Le législateur a jugé qu'il était préférable de poser un filtre au droit de mettre en mouvement l'action publique par la victime.

En effet, la constitution de partie civile devant le magistrat instructeur ne se fait pas sans exigences pour qu'elle soit recevable. Il faut déposer une plainte qui est à la victime comme le réquisitoire introductif est au Procureur de la République. Elle n'obéit pas à un formalisme particulier, autre que la date, l'adresse et la signature du plaignant. Cette lettre doit néanmoins comporter la mention des faits reprochés, de leur qualification pénale, ainsi que la caractérisation du préjudice allégué et la réclamation d'une indemnisation211.

La victime doit consigner au greffe une somme nécessaire aux frais de la procédure dont le juge d'instruction est tenu d'apprécier souverainement mais de manière raisonnable212. Contrairement à la situation où la victime se constitue partie civile alors que l'action publique a déjà été engagée par le ministère public et n'avance donc aucun frais, lorsque la victime se constitue par voie d'action, elle est tenue de consigner au greffe une somme d'argent destinée à couvrir les frais de procédure213et sans quoi son action sera vouée à l'échec. Le rôle de la consignation est donc, avant tout, de couvrir les frais de justice dans la situation où la partie civile succomberait

211GUINCHARD (S), Procédure pénale, op.cit. p.544

212BEERNAERT (M.A), BOSLY(H), VANDERMEERSCH (D), Droit de la procédure pénale, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 543.

213L'article 73 du code de procédure pénale fait de la consignation une condition de recevabilité de la plainte de la victime. « La partie civile qui met en mouvement l'action publique doit, si elle n'a obtenu l'assistance judiciaire, et sous peine de non-recevabilité de sa plainte, consigner au greffe la somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure, dans le délai imparti par le juge qui en fixe le montant par ordonnance ».

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dans son action214. On imaginerait mal que les coûts de cette entreprise retombent sur les justiciables. Cela constitue un véritable obstacle au droit d'accès au juge pour les démunis. Ce n'est pourtant pas son unique rôle puisque la consignation vise aussi à décourager la constitution de partie civile faite dans le seul but de contrarier son adversaire. La consignation préalable des frais est un cautionnement imposé à la partie civile pour garantir qu'elle usera avec modération du droit que la loi lui a reconnu de mettre l'action publique en mouvement.

Il est à préciser qu'il ne fait pas de doute que la recevabilité de l'action civile est subordonnée au fait pour la victime de démontrer que le préjudice qu'elle invoque soit la conséquence d'une infraction. Le législateur limite, de cette manière, la faculté pour un citoyen de mettre l'action publique en mouvement à ce qu'il démontre qu'il ait subi un réel dommage215 susceptible de donner lieu à constitution de partie civile, sinon, cette garantie ne peut fonctionner216. « La personne lésée doit rendre plausible son allégation relative au dommage qu'elle a subi à cause de l'infraction ».

Une autre incertitude demeure du fait que la saisine du juge d'instruction ne donne pas droit à l'ouverture d'un procès. Pour cause, dès le début de la saisine du juge, ce dernier peut rendre une ordonnance de non-informer ou de refus d'informer mettant fin à l'action de la victime si les « faits ne peuvent légalement comporter une poursuite pénale217 ». Cette disposition ne dégage pas toutes les raisons pouvant amener le juge à conclure par une ordonnance de non-informer, qui peut bien aussi être rendue en cas de prescription, d'amnistie ou d'immunité, s'il y a chose jugée, en cas d'irrecevabilité de l'action civile faute de capacité ou d'intérêt de la victime218.

A la fin de l'information, le juge d'instruction peut rendre une ordonnance de non-lieu si « les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention ou si l'auteur est resté inconnu ou s'il n'existe pas de charges suffisantes contre l'inculpé219 ».

214BEERNAERT (M.A), BOSLY(H), VANDERMEERSCH (D), Droit de la procédure pénale, op. cit. p. 543 215L'action de la victime peut être déclarée irrecevable si la présumée victime ne démontre pas le préjudice subi par l'infraction. Aux termes de l'article 70 du code de procédure pénale, la saisine du juge d'instruction n'est réservée qu'à « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit ou une contravention ».

216 Crim. 8 fevrier.1979, Bull. n°58, obs J.M. Robert, RSC 1980.151

217Art.71-2 du CPP.

218PRADEL (J), procédure pénale, op. cit. p.612

219Art. 163-1 du CPP

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S'agissant de la citation directe220, elle est une procédure rapide qui permet à la victime de saisir directement le tribunal de police en cas de contravention ou le tribunal correctionnel en cas de délit sans qu'une enquête soit diligentée221. L'action que la partie civile peut soutenir devant le tribunal est essentiellement une prétention aux dommages-intérêts. Cependant, son action civile devant la juridiction pénale ne sera recevable que si la citation comporte les mentions exigées par la loi. « La citation qu'elle qu'en soit la forme énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime. Elle indique le tribunal saisi, le lieu, l'heure et la date de l'audience, et précise la qualité du prévenu, de civilement responsable ou de témoin de la personne citée. Elle mentionne les noms, prénoms, profession et domicile réel ou élu (de la partie civile222) ». A défaut de l'un de ces éléments l'action civile sera irrecevable, et n'aura pas déclenché les poursuites. En cas de respect de ces différentes mentions, l'action peut déboucher sur la relaxe du prévenu.

Finalement, le recours par la victime à ces procédés après le classement sans suite ne garantit pas le succès de son action portée devant le juge d'instruction ou de jugement, qui peut se solder par une décision similaire au classement sans suite, en dépit de sa volonté de poursuivre le présumé auteur, et l'expose au paiement des dommages-intérêts pour dénonciation calomnieuse223. Ce qui fait de ces procédés, une entreprise périlleuse pour la victime. Seule la circonstance où le prévenu serait condamné, ferait glisser, in fine, le poids des frais de procédure sur les épaules du condamné.

L'échec de l'action portée par la victime devant le juge signifie simplement que toutes les décisions de classements ne sont pas toujours fantaisistes. La victime doit user avec modération et réflexion de ces procédures alternatives au classement sans suite,

220La citation directe prend la forme d'un exploit d'huissier informant le prévenu qu'il doit comparaitre à l'audience. Ainsi, les frais d'huissier pour délivrer la citation sont à payer par la victime. De plus, devant le tribunal correctionnel, il peut être demandé à la victime de verser une consignation afin de garantir le paiement éventuel de l'amende civile en cas de procédure abusive. L'objet de la citation étant d'avertir qu'une instance s'ouvre, dans laquelle les cités sont parties, la loi a voulu leur assurer la possibilité de préparer leur défense en imposant un délai entre le jour de la citation et le jour de l'audience.

221Article 491 du CPP. En matière de délit et de contravention, la partie lésée peut déclencher l'action publique directement au stade du jugement. La faculté pour la personne lésée de saisir directement une juridiction de fond ne se limite qu'aux délits et aux contraventions. Les préventions criminelles sont donc exclues.

222Art 491-2-3-4 du CPP dispose en substance : « La citation qu'elle qu'en soit la forme énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime. Elle indique le tribunal saisi, le lieu, l'heure et la date de l'audience, et précise la qualité du prévenu, de civilement responsable ou de témoin de la personne citée. Elle mentionne les noms, prénoms, profession et domicile réel ou élu de la partie civile ».

223 Art. 76-1

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afin de ne pas se voir imposer la réparation pour des actions vexatoires. Toutefois, ces procédures restent indispensables pour garantir le droit d'accès au juge, après le classement sans suite, et constituent un contrepoids au pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites.

PARAGRAPHE 2 : Les procédures alternatives au classement sans suite : un contrepoids au pouvoir de classement sans suite du juge d'opportunité des poursuites

Les procédures palliatives sont des garanties pour la victime de classement sans suite grâce à leur autonomie face à la décision de classement sans suite (B), et en limitant le pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites (A).

A- Les procédures alternatives au classement sans suite: une limite au pouvoir de classement sans suite du juge d'opportunité des poursuites

Le juge qui incarnera le pouvoir d'opportunité des poursuites ne détiendra pas un pouvoir absolu, au risque de voir les victimes être privées du droit d'accès au juge, après un classement sans suite. Une fois que ce juge rend une ordonnance de classement sans suite, il est dessaisi de cette affaire et ne peut plus la connaitre. La prérogative de classer sans suite ne s'exerce que pour autant que l'action publique n'ait pas encore été mise en mouvement224.

La victime reste libre avant ou après le classement sans suite de décider ou non de mettre en mouvement l'action publique par les procédés mis à sa disposition. Ils constituent essentiellement une garantie que la loi offre aux justiciables contre les abus du refus de poursuivre225 de l'autorité des poursuites et empêchent l'activation du pouvoir de classement. Ces mécanismes déclenchent l'action publique, forçant la main au ministère public226 d'exercer l'action publique.

En effet, l'action publique qu'exerce le ministère public appartient à la société et son déclenchement l'oblige à agir. « L'action publique appartient à la société et non au fonctionnaire public ou au magistrat chargé par la loi de l'exercer227».

224BEERNAERT(M.A),COLETTE-BASECQZ,(N),GUILLAIN(C),MANDOUX(P),PREUMONT(M), VANDERMEERSCH (D), Introduction à la procédure pénale, Bruxelles, la Charte, 2012, p. 180. 225RUBBENS (A), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, op. cit. p. 64. 226Idem, p.122

227Cass. Crim. 11 avr. 1991, Bull. n°174.

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Une procédure enclenchée par la victime devant une juridiction pénale ne sera pas communiquée au juge d'opportunité par le ministère public pour appréciation. Elle n'est pas destinée à passer au filtre de cette autorité judiciaire, mais à l'évincer. Elle revêt un caractère inclassable et contourne son pouvoir régulateur, en étant destiné au juge d'instruction ou de jugement. L'initiative des poursuites prise par la victime a comme effet de contraindre le ministère public à prendre les réquisitions nécessaires exigées par la loi pour la mise oeuvre de la procédure engagée. Il n'a pas le pouvoir d'empêcher son déclenchement mais le droit d'émettre un avis et de l'accompagner au cas où son avis n'est pas suivi.

Saisi d'une procédure de citation directe initiée devant le juge de jugement, le ministère public sera tenu, comme à l'accoutumée, de la viser pour que l'affaire soit jugée. Apres avoir reçu la communication de la plainte déposée devant le magistrat instructeur. Il sera tenu de prendre des réquisitions à fin d'informer ou de non-informer. Cette exigence est justifiée puisque le juge d'instruction ne peut ouvrir une information sans les réquisitions du ministère public228.

Lorsque le ministère public n'a pu obtenir du juge d'instruction une ordonnance de refus d'informer ou d'irrecevabilité de la plainte, ou après qu'il ait visé la citation, il est tenu d'exercer l'action publique aussitôt prise la décision sur la mise en mouvement de l'action publique. Il est lié par l'action engagée par la victime. Il doit soutenir l'accusation car il est le seul organe chargé d'exercer l'action publique devant les tribunaux répressifs.

L'exercice formel des poursuites et le soutien de l'accusation devant les tribunaux constitue l'apanage du ministère public. Le droit de former recours contre les décisions de justice est inséparable de la mission générale du ministère public puisqu'il constitue l'un des moyens de veiller à l'application de la loi tout en participant à la recherche de l'efficacité du système, notamment de la cohérence de la jurisprudence et donc de la répression.

La mise en mouvement de l'action publique est une prérogative partagée entre le ministère public et la partie civile. Cependant, il en va autrement de l'exercice de celle-ci, qui est le monopole du ministère public. « Lorsque la poursuite a été engagée par

228 Art. 64-2 du CPP

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un simple citoyen, le Procureur a le droit d'intervenir pour l'exercer lui-même »229. Ainsi, seul le ministère public peut exercer les recours pénaux et requérir l'application d'une peine. La partie privée n'exerce nullement l'action publique ; elle n'a pas qualité pour requérir une peine, ni pour interjeter appel d'un jugement d'acquittement. Elle peut seulement réclamer la reconnaissance de la culpabilité du prévenu et l'octroi d'une indemnité. Le but visé par la partie civile, en déclenchant l'action publique, c'est de défendre ses intérêts civils.

Lorsque l'action publique est mise en mouvement, le ministère public ne peut plus faire obstacle à une décision émanant d'une juridiction d'instruction ou de jugement. Il serait, en effet, injustifié que le ministère public dispose d'un tel pouvoir arbitraire. Il ne peut pas suspendre le cours de l'action publique déclenchée par la victime. Cette décision devient irrévocable, appelant à la cause le ministère public.

L'exercice de l'action publique est régi par le principe d'indisponibilité, qui implique que le ministère public ne peut renoncer à l'action publique, ni suspendre son cours. « Le ministère public n'a pas la disposition de l'action publique. Si les débats établissent l'innocence du prévenu, le ministère public doit requérir la relaxe et s'en remettre au tribunal pour mettre fin à l'action publique230. » A contrario, si les débats établissent la culpabilité du prévenu, le ministère public doit requérir la condamnation.

Le ministère public, au sujet d'une procédure engagée par une victime d'infraction n'est tenu que de l'obligation de prendre les réquisitions et d'exercer l'action publique une fois qu'elle est mise en mouvement. Il n'y a aucun moyen qu'une telle procédure se heurte à l'opposition de l'autorité qui a l'imperium en matière de décision de poursuite. La juridiction répressive saisie, ne pourra ainsi se dessaisir qu'après avoir apprécié juridiquement les faits de la cause y compris la recevabilité de l'action publique ainsi déclenchée231.

229Conférence des procureurs généraux d'Europe 5e session organisée par le conseil de l'Europe en coopération avec le procureur général de Celle, Basse-Saxe sur : Les pouvoirs d'appréciation du ministère public : le principe d'opportunité ou de légalité, avantages et inconvénients, p19

230Cass. Crim. 28 sept. 1994, Gaz. Pal. 1994, II, Chr. 714.

231 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit. p.592

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B- L'autonomie des procédures alternatives au classement sans suite à l'égard du classement sans suite décidé par le parquet

Il est fréquent qu'une personne, estimant avoir été victime d'une infraction, prévienne les autorités judiciaires sous la forme d'une plainte et que celles-ci ne donnent pas une suite. La victime a, dans ce cas, la possibilité de déclencher elle-même l'action publique de manière autonome sans qu'elle soit tenu d'apporter au juge saisi la preuve de ses démarches auprès du premier magistrat et la décision de ce dernier de ne pas donner suite à sa plainte. Ce statu quo donne une garantie à ces procédés jugés comme des correctifs des classements laissés entre les mains de la victime pour en user en toute liberté, sans qu'elle soit inquiété et tienne compte de la position du premier magistrat. Leur usage n'est pas subordonné à la réponse ou l'inaction des autorités des poursuites, mais à la seule volonté de la victime. Cette autonomie renforçant leur garantie se justifie à deux niveaux.

D'une part, les procédés de saisine des juridictions répressives placés entre les mains de la victime ne sont pas des alternatives au classement selon le dispositif en vigueur que nous souhaitons son maintien. Ils sont indépendants. Ils peuvent être utilisés en amont de la décision de classement sans suite ou en aval. La procédure engagée par la victime devant l'organe de poursuite n'a aucun lien avec toute autre procédure qu'elle pourrait engager devant les juridictions d'instruction ou de jugement au nom du principe de la séparation des fonctions judiciaires.

D'autre part, les juridictions d'instruction et de jugement ne sont pas des juridictions d'appel des décisions de classement. La décision de classement ne s'impose pas au juge d'instruction ou de jugement. Elle n'a pas vocation à être invoquée par l'un ou l'autre. La formation de jugement ne peut pas fonder sa décision en se référant à celle de classement sans suite. La Cour de cassation belge232 avait censuré un arrêt rendu par une juridiction d'appel qui, pour motiver sa décision d'acquittement, s'était fondée sur la pratique courante du parquet de ne pas poursuivre. Cette cour avait rappelé qu'à moins de croire que le prévenu soit tombé dans l'hypothèse de l'erreur invincible, le juge ne peut apprécier l'acquittement au seul motif d'une pratique de classement courante du ministère public. La cour confirme par conséquent que la compétence d'apprécier l'opportunité des poursuites du ministère public ne se confond pas avec la

232Cass., 9 décembre 1981, Pas., 1982, p. 482.

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compétence des juridictions de jugement. Et que dès lors, celles-ci ne peuvent se saisir d'un argument faisant état d'une pratique habituelle du parquet et conclure à un acquittement. « Le juge doit rester hors de l'arène. Il ne doit avoir ni sembler avoir aucune responsabilité quant à l'engagement des poursuites. Il importe d'éviter toute confusion entre la fonction de procureur et celle de juge. Si le juge jouissait du pouvoir de refuser d'entendre une affaire parce qu'il estime que la poursuite est mal à propos, on ne tarderait pas à penser que les affaires qu'il accepte d'instruire sont celles où il a consenti aux poursuites ou les a approuvées233 ».

De même, le juge d'instruction ne dispose pas de la faculté de pouvoir porter un jugement sur l'opportunité des poursuites234. C'est le principe même de la séparation entre la poursuite et l'instruction235. La même cour de cassation belge avait rappelé qu'à moins que le juge d'instruction estime sa saisine irrégulière, celui-ci est tenu d'instruire, sans considération de l'opinion du ministère public sur l'opportunité des poursuites. Le juge d'instruction ne peut refuser de mener son instruction en avançant l'argument que l'instruction est inutile, que le résultat de celle-ci serait douteux, ou qu'aucun délit n'aurait été commis en se basant sur la décision de classement sans suite.

Le juge d'instruction ne peut refuser d'instruire ni le juge de jugement refuser de juger en invoquant le classement sans suite. « Les juges ne doivent pas confondre leur droit de juridiction et l'exercice des initiatives appartenant au ministère public. Sans doute, si les juges ont le devoir d'apprécier dans un procès où le ministère public est partie la légalité, la régularité de ses actes et le fondement de ses prétentions, ils n'ont jamais à se prononcer sur l'opportunité de son action, ni sur l'usage que celui-ci a fait des pouvoirs que la loi lui attribue, ni sur la manière dont il exerce ses fonctions »236. Saisi, le juge ne saurait s'arroger le pouvoir d'apprécier les faits en fonction de cas que le

233Conférence des procureurs généraux d'Europe 5e session organisée par le conseil de l'Europe en coopération avec le procureur général de Celle, Basse-Saxe sur : Les pouvoirs d'appréciation du ministère public : le principe d'opportunité ou de légalité, avantages et inconvénients, p.116

234DE NAUW (A), « La décision de poursuivre, instruments et mesures », Rev. dr. pén., 1976-1977, p. 455.

235 Cass., 3 octobre 1984, Pas., 1985, p. 171

236 VERHYDEN ( R), procureur général près la cour d'appel d'Anvers, «De probatie tussen toekomst en verleden », mercuriale prononcée à l'audience solennelle de rentrée de cette cour le 1er sept. 1975, R.W., 1975-1976, col. 513 à 560.

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ministère public aurait estimé en vertu de ses prérogatives, ne pas devoir poursuivre237.

Le juge est tenu de juger sous peine de déni de justice, et le juge d'instruction est tenu d'informer et de rendre une ordonnance à la fin de son information. Les juges ne sont pas libres de s'abstenir de juger. Ils sont obligés de remplir les fonctions qu'ils ont acceptées, de vider les causes dont ils sont saisis238. Ils ne sont pas liés par la décision de classement prise par le premier juge. Leur décision permettra de corriger les erreurs ou les abus s'il y en a eu, ou de confirmer la décision de classement sans suite sous forme de relaxe ou de non-lieu.

D'ailleurs, le prévenu ne peut pas invoquer son innocence devant une juridiction sur la base d'une ordonnance de classement sans suite qui ne tranche pas le litige au fond. Cette décision n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et n'établit ni l'innocence, ni la culpabilité du présumé auteur, mais met un terme à la procédure engagée.

En mot, la décision de ne pas poursuivre n'a pas d'impact sur les actions judiciaires futures de la victime.

SECTION 2 : Les aspects à prendre en compte pour l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite

Le premier impératif procédural est l'efficacité du système judiciaire239. L'efficacité de la justice est d'éviter les retards injustifiés dans les procédures judiciaires, de réduire leur coût et d'augmenter leur effectivité240. L'état actuel de notre droit ne permet pas de garantir l'aboutissement des procédures alternatives au classement, en raison de leur inféodation au pouvoir du « tout-puissant » ministère public et des prévisions légales. La meilleure garantie va consister à renforcer leur indépendance à l'égard du

237VAN DE KERCHOVE (M), Fondement et limites du pouvoir discrétionnaire du ministère public : aux confins de la légalité, disponible sur https://doi.org/10.7202/001384ar

238 BRAAS (L), Précis de procédure pénale, op. cit. p.55

239 J.-P. JEAN, De l'efficacité en droit pénal, in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mélanges offerts à J. PRADEL, Cujas, 2006, p. 136 - et par le même auteur, Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal, AJ Pénal 2006, p. 475

240 SEGAUD (J), ESSAI SUR L'ACTION PUBLI, op.cit. p.102

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ministère public (Paragraphe 1) et d'envisager leur refonte pour favoriser leur utilisation efficiente par les victimes (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite

Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement est nécessaire en raison des dysfonctionnements observés dans la pratique (A), en redéfinissant les interventions du ministère public (B).

A- Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite en raison des dysfonctionnements observés dans la pratique

Le ministère public reste un acteur incontournable en matière de poursuite. Aucune poursuite ne peut être engagée sans ses réquisitions, que la procédure vienne d'un cabinet d'instruction ou de la formation de jugement. Ses interventions conditionnent leur déclenchement, leur poursuite et leur dénouement. Malheureusement, les rapports de collaboration et de concertation voulus par le législateur en dépit de la séparation des fonctions entre l'organe de poursuite, d'instruction et de jugement se transforment en rapport de force troublant l'administration et le fonctionnement de la justice. Le fauteur de troubles ou l'accusé numéro un reste le ministère public, qui veut dominer et écraser les autres autorités judiciaires, en voulant malmener toutes les procédures à ses goûts, en empiétant le principe de la séparation des fonctions judiciaires, et en causant doublement du tort aux victimes.

Quand la victime décide de citer le prévenu devant le tribunal, il dépose le dossier au parquet pour qu'il le vise avant de l'envoyer devant la formation de jugement choisie pour l'ouverture du procès. Cette formalité administrative n'a pas vocation à permettre au ministère public de juger de l'opportunité des poursuites, ni d'apprécier la régularité de la procédure. Elle permet au ministère public de prendre connaissance du dossier pour défendre l'accusation devant le tribunal, le viser et le renvoyer devant le tribunal pour que l'affaire passe à l'audience. Pratiquement, le ministère public a souvent tendance à se comporter dans certains dossiers de citation directe comme juge d'opportunité des poursuites, qui décide de saisir une juridiction ou de classer sans suite. Il se permet de décider s'il y a lieu que la citation passe ou pas à l'audience.

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Le plus souvent, quand le ministère public ne souhaite pas que l'affaire soit jugée, il brille par l'inertie en refusant de viser le dossier ou de le renvoyer devant le tribunal. Le fait de garder le dossier dans le secrétariat du parquet équivaut implicitement à un classement sans suite. Une pratique qui n'est permise par aucun texte.

Finalement, la victime qui pensait vaincre l'inaction du ministère public, contourner sa décision ou corriger ses abus se trouve rattraper. Elle va attendre longtemps jusqu'à renoncer à son action en concluant que la justice ne défend pas les intérêts des citoyens. Cette inaction conduit souvent à la prescription de l'affaire qui porte atteinte aux droits de la victime et n'honorent pas le système judiciaire.

Ces pratiques honteuses et illégales qui font vivre les magistrats véreux mettent à mal le principe de la séparation des fonctions judiciaires. Il est inconcevable qu'une procédure orientée vers la juridiction de jugement soit bloquée par l'organe de poursuite. Dans cette hypothèse qui n'est pas rare dans pratique laisse la victime dans la confusion par l'enlisement de la procédure, puisqu'elle ne dispose pas des moyens légaux pour obliger le ministère public à renvoyer le dossier devant la juridiction indiquée. La victime initiant la citation se heurte à la léthargie du ministère public, sa lenteur, la disparition inexpliquée du dossier. La seule raison justifiant cet état de choses c'est l'absence d'indépendance des procédures alternatives au classement et le comportement irresponsable de certains parquetiers qui se croient être les « dieux » de la procédure.

Le dysfonctionnement le plus patent est observé dans les rapports entre le Procureur de la République et le juge d'instruction. Il n'est pas inopportun de rappeler que le législateur a posé la règle de séparation des fonctions entre le ministère public et le juge d'instruction, en établissant entre les deux acteurs les rapports de collaboration et de concertation qui devraient, emporter sur toute autre forme de rapport entre les deux241. Au ministère public la poursuite et les réquisitions, au juge d'instruction les recherches et l'instruction. Le juge d'instruction n'est pas subordonné au ministère public. Ce dernier requiert seulement l'ouverture de l'instruction et fait, au cours de l'instruction telles demandes qu'il croit utile. Il est partie devant le juge d'instruction qui est tenu de statuer sur les demandes et conclusions qu'il reçoit. S'il ne défère pas à la

241 Art. 67 du CPP dispose : « A toute époque de l'information le procureur de la République peut demander au magistrat instructeur la communication de la procédure et requérir tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité... »

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demande, il doit la rejeter par ordonnance motivée dans un délai de cinq jours. Mais dans la pratique, c'est tout le contraire. Le Procureur de la République a substitué les rapports de concertation quotidienne, en rapports de subordination et de domination entre lui et le magistrat instructeur qu'il tente d'apprivoiser242 par les abus.

Le ministère public s'arroge les pouvoirs du supérieur hiérarchique du juge d'instruction en l'imposant ce qu'il doit faire dans telle ou telle affaire. La résistance d'un juge d'instruction aux injonctions du Procureur de la République qu'il s'agisse de refuser d'instruire, de décider d'un non-lieu ou de ne pas accomplir les actes essentiels pour la manifestation de la vérité, n'est pas sans conséquence. Le juge d'instruction pourrait se retrouver avec moins de dossiers que ses collègues qui ont fait allégeance, car c'est lui qui répartit les affaires entre les différents cabinets d'instruction, créant ainsi un sentiment de supériorité chez le Procureur de la République et de redevabilité chez le juge d'instruction. Une telle tâche de répartition des dossiers devrait être réalisée par le doyen des juges ou le président du tribunal que par le Procureur de la République.

Les tensions entre le ministère public et le juge d'instruction peuvent compromettre les espoirs de la victime de voir son action aboutir. Ces tensions peuvent être liées à des conflits de compétence ou d'intérêts, entraînant une collaboration limitée ou un dialogue de sourds, avec pour conséquence la lenteur de la procédure ou sa prescription.

Le juge d'instruction peut communiquer le dossier au ministère public pour ses réquisitions à fin d'informer, d'une mesure d'instruction, de règlement définitif et autre sans avoir de réponse dans les meilleurs délais ou pas du tout. En refusant de prendre des réquisitions utiles pour la poursuite de l'information, la procédure traine, et parfois se solde par la prescription. Le manque d'implication du Procureur dans le suivi de l'instruction porte atteinte aux droits des parties prenantes et à la qualité de l'enquête.

De son côté, le ministère public peut demander au juge d'instruction la communication du dossier et de ne pas avoir de suite. Il peut faire trainer le dossier dans son cabinet sans poser aucun acte ou refuser de le communiquer au mépris des droits de la victime qui attend le dénouement de l'information.

242 MILANDOU (A), La lenteur née des rapports ministère public-juridiction d'instruction, Mémoire pour l'obtention du diplôme du cycle secondaire, filière Magistrature de l'ENAM, 1991, p.25

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Au regard de ce qui vient d'être dit, il est impérieux de renforcer l'indépendance des différents procédés mis à la disposition de la victime, en les soustrayant de la tutelle du Procureur de la République, tout au moins en redéfinissant ses interventions dans ses rapports avec le juge d'instruction et le juge de jugement, afin de pallier les dysfonctionnements relevés.

B- Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite en redéfinissant les interventions du ministère public

Le ministère public a le devoir de s'acquitter de sa tâche d'une façon efficace, avec un sens profond de la dignité et de la justice des procédures judiciaires243 Par son pouvoir de réquisitions, il est érigé en acteur incontournable dans la décision du droit d'accès au juge. S'il dispose du droit légal de classer sans suite une plainte reçue, il use du droit de classement implicite et silencieux lors des procédures venant de l'instruction ou orientées vers la juridiction de jugement par sa simple inaction qui ne constitue ni une infraction, ni une faute personnelle. Il est regrettable que l'accès au juge puisse être entravé pour certains citoyens. En effet, il n'existe pas de délai spécifique pour acheminer une citation directe, répondre aux ordonnances du juge d'instruction ou exercer des voies de recours ou de pression en cas d'inaction prolongée. Cette situation peut malheureusement conduire à la prescription des affaires, privant ainsi les victimes de la justice qu'elles méritent.

Une attente interminable pousse la victime à renoncer à son action et à chercher des moyens d'obtenir une justice privée. Le Procureur se place au-dessus des droits de la victime en raison de sa liberté d'action, de l'absence de cadre pour son pouvoir, de la définition floue de ses obligations et du manque de contrôle de ses actions, ce qui contribue à l'affaiblissement du système judiciaire. Cette imprécision permet à de nombreux procureurs de s'enrichir et d'être courtisés par les justiciables ou leurs proches. Une solution consisterait à imposer des délais d'action au Procureur de la République ou le mettre de côté.

243 Boucher c. La Reine, [1955] R.C.S. 16 aux pp. 23-24. Voir aussi Rex c. Chamandy (1934), 61 C.C.C. 224 (C.A. Ont.) à la p. 227. « It cannot be made too clear, that in our law, a criminal prosecution is not a contest between individuals, nor it is a contest between the Crown endeavouring to convict and the acçused endeavouring to be acquitted; but it is an investigation that should be conducted without feeling or animus on the part of the prosecution, With the single view ofdetermining the truth ».

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L'absence de définition du délai d'accomplissement de certains actes procéduraux profitent aux magistrats véreux qui jouissent parfois d'une impunité légendaire. Cela crée un boulevard à la lenteur, la prescription, l'orchestration des abus, et à la corruption. Il existe un mythe ancré dans notre subconscient, selon lequel tout devrait tourner autour du ministère public, car il est le garant de l'ordre public. Mais qu'en est-il lorsque ce gardien de l'ordre public se transforme en un défenseur de l'injustice, en un monstre froid qui piétine et dévore les droits des citoyens, s'élevant au-dessus de tous, alors qu'il n'est pas la seule autorité à garantir les droits individuels ? Il n'y a aucun inconvénient à réduire ses pouvoirs en renforçant la séparation des fonctions et le contrôle de ses actions.

Au sujet de la constitution de partie civile devant le juge d'instruction, les interventions du ministère public doivent cesser d'être obligatoire. Le système actuel voudrait que le juge d'instruction n'ouvre244, ne clôture et ne pose certains actes d'information qu'après avoir communiqué le dossier au ministère public pour ses réquisitions. Si le ministère public réagit, le juge d'instruction poursuit son travail, en cas d'inaction, la procédure s'arrête. Pour pallier ces difficultés et permettre au juge d'instruction d'accomplir sa tâche sans subir les caprices du ministère public, il va falloir définir les délais pour lesquels le ministère public est tenu de réagir. Au cas où il ne prend pas des réquisitions au-delà des délais impartis, le juge d'instruction passe outre. C'est une mesure visant à sanctionner son inaction qui recèle souvent les manoeuvres occultes. Par exemple, si le juge d'instruction communique le dossier pour l'ouverture de l'information, son extension ou le règlement définitif, le ministère public doit disposer de 10 jours pour prendre ses réquisitions. S'il ne le fait pas, le juge d'instruction ouvre l'information, étend l'information à d'autres faits non visés par le réquisitoire introductif, clôture son information et renvoie le dossier devant la juridiction compétente. Le juge d'instruction en transmettant le dossier au parquet, il doit garder un exemplaire, en cas de non-retour, il n'aura pas de difficultés de continuer à poser les actes nécessaires à l'information. Pareille chose doit être faite quand le procureur demande la communication du dossier de la procédure. Il y a des dossiers qui sont gardés dans

244 Art. 64-2 du CPP dispose : « Le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du Procureur de la République ». Le juge d'instruction ne peut se saisir lui-même. S'il le pouvait, il mettrait lui-même l'action publique en mouvement en violation du principe de la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction.

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les parquets sans retour dans les cabinets d'instruction de provenance jusqu'à leur prescription.

Pour la citation directe, elle doit être déposée à la formation de jugement qui sera tenue de communiquer un exemplaire au parquet pour la viser dans un délai de 10 jours. Dépassé ce délai, le tribunal inscrit l'affaire au rôle pour être jugée. Cette solution va lutter contre les abus du ministère public et sa toute-puissance. Elle renforcera le principe de la séparation des fonctions judiciaires. Il est curieux qu'une procédure déclenchée devant la juridiction de jugement ou d'instruction, censée pallié le classement traine ou se prescrive à cause de l'organe de poursuite qui refuse de prendre ses réquisitions. Le ministère public doit jouer la fonction protocolaire au sujet des procédures engagés devant les juridictions répressives, en lui retirant son pouvoir d'impulsion en se permettant de tout faire en toute impunité.

L'inaction irrémédiable est un pouvoir entre les mains du Procureur de la République pour enterrer les procédés correctifs de classement. Il faut créer les véritables contrepouvoirs sans les subordonner au pouvoir ou aux caprices du ministère public et en envisageant leur refonte pour favoriser leur meilleur accès par les victimes. Il est essentiel de réformer ces aspects du système judiciaire afin de garantir un accès équitable et rapide à la justice pour tous les citoyens, sans compromettre leurs droits.

PARAGRAPHE 2 : La refonte des procédures alternatives au classement sans suite

La refonte consiste à réviser un texte pour l'améliorer. Il est généralement admis que les textes régissant les procédures alternatives présentent des difficultés pratiques, entravant leur bon déroulement et portant atteinte aux droits des victimes d'infractions. Une révision s'impose tant pour la procédure de constitution de partie civile devant le juge d'instruction (A) que celle enclenchée devant le juge de jugement (B).

A- La refonte de la procédure de constitution de partie civile devant le juge d'instruction

Le juge d'instruction joue un rôle central dans la procédure de constitution de partie civile pour une victime de classement sans suite. Il effectue tous les actes d'information

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qu'il juge nécessaires pour établir la vérité245. Plusieurs obligations pèsent sur lui afin de garantir le bon déroulement de la procédure, notamment l'obligation d'instruire, de collaborer avec le ministère public et de rendre des ordonnances à chaque étape du processus. Malgré ces multiples responsabilités, des lacunes subsistent, nécessitant une limitation des actions du magistrat instructeur dans un délai précis, sous peine de sanctions.

Il est déplorable de constater que certains justiciables voient leurs droits bafoués parce que le juge d'instruction n'a pas accompli les actes d'instruction nécessaires pour établir la vérité, ou parce qu'il s'est abstenu de le faire pendant une période prolongée, entraînant la prescription de l'affaire sans qu'il en subisse les conséquences. Certains juges d'instruction fournissent des informations superficielles ou déforment des faits pour orienter le dossier vers un non-lieu, ou encore s'abstiennent de communiquer le dossier au ministère public pour réquisitions.

Lors de notre passage en stage dans un tribunal de grande instance plus précisément dans les bureaux du parquet de la République, nous étions surpris de voir plus de cent vingt-cinq (125) dossiers venus des cabinets d'instruction, pour les réquisitions aux fins de prescription. Malheureusement, après des années d'attente, les victimes seraient surprises d'apprendre que leurs affaires ne pourraient pas être traitées par le juge, car il n'a pas posé les actes nécessaires et conformes à ses devoirs dans le temps imparti par la loi. Certains dossiers ont fait 5 ans et d'autres plus de dix (10) sans qu'aucun acte soit posé. On comprend par ce comportement que le système judiciaire est malade et mérite d'être soigné en révisant la procédure et en mettant à la charge du juge d'instruction de nouvelles obligations dont leur violation entrainerait une sanction pénale et disciplinaire.

Bien qu'existant, il faut réaffirmer l'obligation d'instruire jusqu'à la clôture du dossier. En cas de prescription d'un dossier dans son cabinet, il doit être sanctionné disciplinairement et civilement pour la paresse ou l'abus de pouvoir. Il doit réparer le dommage subi par la victime à cause de son comportement et verser une réparation que la victime prétendrait avoir de la part de l'inculpé.

Sur le plan disciplinaire, il doit être frappé de l'abaissement d'échelon et de l'affectation d'office. Ces mesures ne sauraient efficaces que si l'inspection générale des

245 Art.65 du CPP

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juridictions et des services judiciaires joue pleinement sa mission d'enquêter et de vérifier au quotidien le respect par les acteurs judiciaires de leurs obligations statutaires246.

Dans ses rapports avec le ministère public, nous ne plaidons pas pour la suppression pure et simple des réquisitions du ministère public dans la procédure d'instruction. Elles restent nécessaires pour éclairer le juge en charge du dossier. Ce que nous déplorons et nous souhaitons une refonte, c'est la subordination de l'instruction aux réquisitions obligatoires du ministère public sans lesquelles le juge d'instruction n'y peut rien, et n'a aucun moyen de le forcer pour les provoquer. Cette exigence, souvent à l'origine des blocages doit être revue.

L'absence d'imposition de délai au juge d'instruction dans la communication du dossier au ministère public constitue également un véritable goulet d'étranglement pour cette procédure. Dès la réception d'une plainte de la part de la victime, elle doit être communiquée au ministère public dans un délai de sept (7) jours pour réquisitions afin d'éclairer le juge d'instruction. Apres l'envoi des réquisitions ou non dans un intervalle de sept (7) jours, le juge d'instruction doit entamer son instruction sans une ordonnance motivée pour ne pas alourdir son travail. Rien ne l'interdit de rendre une ordonnance de refus d'informer s'il apparait que les faits ne tombent pas sous le coup de la loi pénale ou que l'action publique est déjà éteinte ou la personne jouit d'une immunité.

Il peut aussi rendre une ordonnance d'incompétence, s'il constate qu'au point de vue de la compétence d'attribution ou de la compétence territoriale l'affaire n'est pas de son ressort. Tout au moins, le législateur doit indiquer les motifs pour lesquels celui à qui incombe l'obligation d'instruire peut refuser d'informer, même si la victime dispose d'une garantie de voie d'appel devant la chambre d'accusation.

L'obligation d'instruire doit inclure l'obligation d'étendre l'information à des faits nouveaux sans provoquer les réquisitions du ministère public et à l'obligation de rendre une ordonnance de clôture conforme aux éléments d'investigations recueillis. Certains magistrats dénaturent les éléments d'enquête pour orienter les résultats de l'enquête vers un non-lieu.

246 Les articles 6-6 et 8 du décret n°99-87 du 19 mai 1999 portant attributions, organisations et fonctionnement de l'inspection générale des juridictions et des services judiciaires

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Le juge d'instruction doit travailler en collégialité. Pour être plus précis, il faut mettre fin au caractère de juge unique dans les cabinets d'instruction247. On ne doit pas abandonner entre les mains d'un seul juge un travail si complexe et si contraignant. La collégialité est un moyen de se contrôler et de dissuasion en cas de sollicitation à la corruption. Elle contribuera à la célérité dans le traitement des affaires en répartissant les tâches entre les différents juges. Nous étions surpris de trouver plus de 700 dossiers dans un seul cabinet d'instruction lors de notre stage au tribunal de grande instance de Brazzaville alors que dans une chambre civile nous avons trouvé 22 juges. Nous concluons que nos lois ne sont pas collées à la réalité du terrain. Cinq juges par cabinet d'instruction avec un président coordonnateur à leur tête serait un système efficace.

Le juge d'instruction doit fixer les frais de procédure appelés consignation au regard des dispositions légales. La loi doit prévoir une somme modique que la victime doit consigner au greffe pour éviter que les magistrats cupides exploitent les victimes et verrouillent la porte d'accès au juge, surtout que l'assistance judiciaire n'existe que sur papier. Ne mesurons pas la capacité financière en fonction des victimes de grandes villes. Il faut l'évaluer aussi en fonction de celles qui vivent dans les petits villages. Néanmoins, pour une procédure alternative au classement, il n'y a aucune raison qu'une consignation soit imposée à la victime qui a déjà soldé les frais du dépôt de sa plainte au procureur de la République. S'il faut l'admettre, il est souhaitable qu'un montant minimum de 5000 frs soit fixé pour toute la procédure.

La justice est un service public. Il est illogique de faire payer à la victime les frais de la procédure. Pour un simple transport sur les lieux, au lieu de demander les frais de transport comme le nom l'indique, mais on va au-delà. Pour une petite distance on demande 300000 à 500000 mille pour les frais de transport sur les lieux. Si la victime ne verse pas une telle somme, le juge d'instruction s'assoit sur le dossier jusqu'à la prescription ou passe outre. Pour le cas de Brazzaville, il est difficile que les frais de transport sur les lieux soient inferieurs à 100000 frs. Question de dire que les démunis n'auront pas droit à la justice.

247 L'art. 78 de la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire dispose : « Le cabinet d'instruction est une juridiction à juge unique ».

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Le magistrat instructeur doit informer la victime de toutes les étapes de la procédure, de l'évolution de l'enquête et des actes d'instruction qu'il compte poser et des ordonnances qu'il envisage de prendre. Il est curieux que la victime apprenne que l'inculpé est mis en liberté sans qu'elle soit informée et reçoive une garantie de la part du juge. La victime doit avoir les mêmes droits que le procureur de la République de demander les mesures d'instruction qu'elle juge utiles pour la manifestation de la vérité.

Le juge d'instruction doit se voir obliger d'émettre un mandat d'amener si le présumé auteur ne se présente pas ou le mandat d'arrêt s'il a pris la fuite. Le mandat doit être gratuit, impératif et non facultatif. Le juge d'instruction ne saurait se contenter des convocations et s'abstenir d'avancer dans l'instruction parce que le présumé auteur ne se présente pas. Imaginons qu'à la fin de l'information, le juge d'instruction rende une ordonnance de non-lieu, parce que l'auteur ne s'est pas présenté ou reste introuvable, alors que le juge d'instruction dispose d'un pouvoir de décerner les mandats contraignants et qu'il n'en n'a pas usé car la victime n'a pas dégagé la somme exigée pour son émission. Il faut cesser de faire payer les frais des mandats aux victimes qui sont déjà en détresse et dont le coût s'élève à plus de 200000frs. Il ne faut jamais perdre de vue que l'action publique est exercée au nom de la société. Elle vise à réprimer le trouble à l'ordre public. Il n'est pas évident qu'un délinquant se promène librement parce que sa victime n'a pas dégagé les fonds nécessaires pour son arrestation et sa comparution alors qu'il s'agit de l'action publique. Il est crucial de garantir que les victimes ne subissent pas de préjudice financier supplémentaire lorsqu'elles cherchent à obtenir justice.

B- La refonte de la procédure de citation directe

Lorsqu'une personne souhaite engager une procédure judiciaire par voie de citation directe, elle doit faire appel à un huissier de justice pour en assurer la signification à la partie adverse. Les diligences que l'huissier doit réaliser dans la rédaction d'une citation directe consiste à vérifier la recevabilité de la demande c'est-à-dire si les conditions de recevabilité de la demande sont remplies notamment en ce qui concerne les conditions de fond et de forme ; signifier la citation à la partie adverse, c'est-à-dire lui notifier officiellement la procédure en la lui remettant en main propre dans un délai précis ; établir un procès-verbal de signification qui atteste que la signification a bien

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été effectuée et à déposer la citation directe auprès du tribunal compétent. Cette procédure parait assez simple, avantageuse et efficace en favorisant la saisine directe de la juridiction répressive comme on peut le penser alors que ce n'est pas toujours le cas. En raison de ses contraintes légales, elle doit être révisée pour permettre aux victimes d'en faire usage régulièrement.

La première difficulté est liée à l'exigence d'un agent d'exécution qui sera chargé de sa rédaction et sa signification. L'exigence de l'intervention d'un huissier est loin de refléter la cartographie judiciaire des agents d'exécution et le revenu moyen des citoyens congolais. Il y a plusieurs juridictions dans le ressort desquels il n'y a pas d'huissier de justice. Les huissiers sont plus concentrés dans les grandes villes comme Brazzaville et Pointe-Noire. Il est difficile de trouver un huissier de justice à Ngomboma par exemple. Il revient à dire que la victime d'une infraction qui se trouve dans une localité dans laquelle il n'y a pas d'huissier de justice, ne peut pas saisir directement le juge de jugement. Elle ne peut non plus saisir une autre juridiction en tenant compte de la notion de compétence territoriale. Donc cette garantie offerte aux victimes de classement sans suite ne joue que dans les grandes villes. Dans les petites localités, les voies d'accès au juge sont réduites. En s'inspirant du droit français, le législateur congolais n'a pas tenu compte des réalités locales.

Bien plus, dans les localités où il y a un huissier de justice, un autre problème se pose : le coût de la procédure. Elle s'avère réservée aux citoyens qui ont des assises financières. Au regard du niveau de vie des citoyens congolais, une telle procédure n'est pas accessible à plusieurs. Pensez-vous qu'un villageois, un paysan ou un fonctionnaire peut facilement avoir dans un temps relativement court 150000 pour s'offrir les services d'un huissier de justice, qui s'occupera de sa citation ? La réponse est négative alors que l'accès à la justice est un droit fondamental, qui doit être garanti par les textes, en tenant compte des difficultés que les citoyens rencontrent.

La suppression de l'intervention d'un huissier dans la rédaction d'une citation directe pour des raisons financières et géographiques comme soulignées ci-haut serait la bienvenue. En permettant à chaque victime de rédiger sa citation, en la rendant moins formaliste, est une solution raisonnable. Conscient que tous les justiciables ne connaissent pas la loi, ne savent pas lire et écrire, l'exigence de viser les textes légaux de prévention et de répression dans la citation doit être écartée, en simplifiant sa rédaction sous la forme d'une plainte mentionnant les faits, indiquant l'identité du

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présumé auteur et ses références d'identification. Il reviendra au ministère public de formuler l'acte d'accusation ou le tribunal.

Dans le cadre de la facilitation du droit d'accès au juge, l'Etat doit créer les centres d'aide judicaire aux victimes qui seront composés des professionnels du droit. Ils seront rémunérés par l'Etat ayant comme mission le conseil, l'orientation, la rédaction gratuite des plaintes et citations directes selon les exigences de la loi, si la victime ne souhaite pas le faire elle-même.

Le dépôt de la citation doit se faire au tribunal qui doit vérifier le respect des différentes mentions nécessaires à l'identification du prévenu et de la victime voire des témoins et demander à la victime de régulariser sa citation, avant son passage à l'audience, en cas de défaut d'une mention importante. La notification doit être assurée par les greffiers, ou un service formé pour cette tâche. Un autre problème lié à la citation directe qui mérite une révision est l'interdiction de citer les criminels devant la cour d'appel. Cette restriction limite les droits des victimes d'accéder au juge, si jamais leur plainte est classée sans suite. La raison souvent évoquée est qu'en citation directe, le prévenu doit comparaitre libre alors qu'un présumé criminel doit être placé sous mandat de dépôt et jugé lors des sessions crinelles.

Pour un meilleur accès à la justice, la citation des criminels doit se faire avec la possibilité de décerner un mandat de dépôt. Ensuite, il faut supprimer les sessions criminelles qui ne favorisent pas les victimes avec le temps qu'elles prennent pour se tenir. Si elles font une année sans se tenir, tous les présumés criminels vont se retrouver dehors avec la possibilité de s'enfuir puisque la détention préventive ne peut dépasser 10 mois. Le mimétisme juridique doit refléter l'environnement dans lequel il doit s'appliquer. La suppression des sessions criminelles permettra aux victimes d'obtenir justice dans un temps relativement court et de mettre de côté les jurés qui ne connaissent pas le droit, mais se prononcent sur la base de leurs sentiments et impressions et non de manière objective.

Tout compte fait, le remède contre les dysfonctionnements relevés dans le système de classement sans suite réside, dans la création, d'un juge d'opportunité des poursuites, avec des pouvoirs et des obligations bien définis ; la prise en compte des droits des victimes et le renforcement de l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite.

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