B- La mise oeuvre de l'obligation de poursuite
« La poursuite est l'exercice de l'action publique ;
elle consiste à saisir d'un fait la juridiction répressive
compétente ou à requérir un juge d'instruction afin qu'il
instruise ; elle consiste encore à requérir tout au long de la
procédure et éventuellement à
173Article 19 du CPP
174RUBBENS (A), Le droit judicaire
congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale,
op. cit. p.360
77
exercer des voies de recours contre les décisions
rendues175. » La poursuite peut donc être
envisagée ici dans sa dimension matérielle, c'est-à-dire
comme une suite d'actes ordonnés en vue du déclenchement et de
l'aboutissement du procès pénal. « La poursuite n'est
pas autre chose que l'aspect dynamique de l'action publique, envisagée
à la fois dans sa mise en oeuvre et dans son exercice176
»
Le ministère public n'étant plus libre de
déclencher les poursuites sans l'ordonnance du juge d'opportunité
des poursuites, il reste soumis à l'impératif d'engager les
poursuites dans un délai de dix (10) jours. L'ordonnance de poursuite
n'imposera pas au ministère public le procédé de
poursuite. Il reste libre de rédiger l'acte de poursuite qui saisit
nécessairement un juge et de choisir le procédé ou «
le mode de poursuite177 » qui lui parait raisonnable
et le plus adapté à la nature et aux circonstances de l'affaire
pour poursuivre le délinquant. Le choix qu'il effectue est laissé
à sa libre appréciation178. En toute hypothèse,
qu'elle consiste à saisir une juridiction d'instruction ou de jugement,
la poursuite ne peut être opérée sans un acte qui, mettant
en oeuvre l'action publique, comporte mention des faits reprochés
à une personne dénommée ou non, des infractions que ces
faits paraissent constituer, des textes d'incrimination et de répression
qui les prévoient, en jonction du dossier de procédure sur lequel
cette poursuite est fondée179.
Le Procureur de la République peut utiliser deux
procédés pour engager les poursuites. Il peut solliciter
l'ouverture d'une information via un réquisitoire afin d'informer (dit
également réquisitoire introductif d'instance) qu'il adresse au
juge d'instruction. Le réquisitoire décrit les faits
reprochés, précise l'infraction qu'ils semblent constituer et
mentionne, autant que faire se peut, l'identité des personnes
poursuivies, il peut être délivré contre x. Notons que le
procédé de l'information est le seul moyen possible de mettre en
mouvement l'action publique lorsque l'auteur de l'infraction est inconnu.
L'effet essentiel de l'utilisation du procédé de l'information
est de saisir le juge d'instruction et de mettre en mouvement l'action
publique.
Pour les affaires simples et peu importante, elles peuvent
être portées à l'audience par voie de citation directe,
mais les affaires délicates ne peuvent venir utilement devant
175FRANCHIMONT (M), Manuel de procédure
pénale, op. cit. p.59
176 MERLE (R) et VITU (A), Traité de droit criminel.
Procédure pénale, op. cit. n°1051
177 Crim. 27 avril 2011, N° de pourvoi : 11-90011
178 Crim. 26 avr. 1994, Bull. n°149.
179 GUINCHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure
pénale, op. cit. P. 984
78
la juridiction de jugement qu'après que la
lumière ait été suffisamment faite sur les circonstances
de l'infraction et sur la personnalité du délinquant.
L'instruction définitive qui se fait à
l'audience même ne saurait suffire à éclairer ces points,
et une « instruction préparatoire » apparait
nécessaire. Grâce à l'instruction préparatoire, la
juridiction de jugement peut se prononcer dans les meilleures conditions tant
sur la culpabilité que sur la peine. Grâce à elle on
évite d'envoyer devant cette juridiction des affaires douteuses qui se
termineraient par un acquittement fâcheux pour le prestige des
autorités publiques ; on évite également le
désagrément d'une comparution en audience publique à des
personnes injustement soupçonnées. En effet, le juge
d'instruction, après une instruction menée de façon
objective, appréciera s'il en résulte contre
l'intéressé des charges suffisantes pour justifier son renvoi
devant la juridiction de jugement.
Le deuxième procédé, c'est la citation
directe qui consiste, comme son nom l'indique, à saisir directement
(sans passer par la phase de l'instruction préparatoire) la juridiction
de jugement. Elle se présente sous la forme d'un exploit d'huissier
délivré à la requête du Procureur de la
République et citant le prévenu à comparaitre devant la
juridiction de jugement pour s'entendre condamner aux peines prévues par
la loi. Cet exploit doit mentionner le détail des faits reprochés
et les dispositions légales sous le coup desquelles ils tombent. La
citation directe a pour effet de saisir la juridiction de jugement.
L'exigence faite au ministère public de poursuivre
automatiquement après l'ordonnance de poursuite, selon un
procédé de poursuite librement choisi, dans un délai de
dix jours, contribuera à la transparence de la procédure et
empêchera au ministère public de faire trainer les dossiers dans
son parquet pour nuire aux victimes. Cette obligation de poursuite a une
portée très significative.
PARAGRAPHE 2 : La portée de la soumission du
ministère public à l'obligation de poursuite
L'obligation de poursuite imposée au Procureur de la
République tend à protéger son indépendance
(A) et la victime face aux immunités du Procureur de la
République (B).
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