La protection de la victime devant les juridictions repressives ivoiriennepar Gneneindjomain Moussa OUATTARA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master en droit privé 2023 |
Paragraphe 2 : Le droit à l'assistanceDans l'optique de toujours faciliter le procès pénal à la victime, le législateur ivoirien lui permet en cas d'insuffisance de ressources financières de bénéficier de l'assistance judiciaire (B). Cela permet de garantir le principe d'accès de tous à la justice. Que la victime ait les moyens ou pas elle peut saisir la juridiction répressive. De même, elle peut si elle le désire se faire assister d'un Avocat (A) pour la défense de ses droits et intérêts. A - L'assistance d'un avocat 33 114 Article 22 du CPP 34 L'avocat est bien plus qu'un conseiller. Il est un soutien psychologique. La victime bénéficie de l'assistance d'un conseil à toutes les étapes de la procédure répressive. Au stade de l'enquête préliminaire, la victime selon les dispositions de l'art. 97 du CPP peut se faire assister d'un conseil. En effet, tout comme l'auteur et les complices de l'infraction, la victime a la possibilité de solliciter le concours d'un conseil. Elle opte pour cette assistance si elle en a les moyens et si elle estime que l'intervention d'un conseil est nécessaire en fonction de la nature de l'infraction ou des intérêts qui s'y attachent. Mieux, au regard de l'al. 2 de l'art. ci-dessus, dans les localités où il n'y a pas d'avocat, elle peut exceptionnellement se faire assister d'un parent ou un ami. En réalité, tout ceci permet d'encourager la victime à porter à la connaissance des officiers de police judiciaire l'infraction. Par conséquent, de telles garanties d'assistance lui permettent de participer à la manifestation de la vérité et lui facilite la procédure pénale. Au cours de l'instruction, la partie civile peut se faire assister d'un conseil et elle ne peut être entendue qu'en sa présence. Le dossier de la procédure est mis à la disposition de son conseil. Cette mise à disposition facilite le déroulement de l'instruction au profit de la partie civile qui peut, par le biais de son conseil, connaître le contenu des déclarations des inculpés ainsi que des témoins et des civilement responsables. Au cas où, la victime ne s'est pas faite assister d'un conseil lors de l'enquête préliminaire et au cours de l'instruction, le législateur lui offre encore la possibilité de le faire en phase de jugement. Il est donc clair qu'au niveau de l'assistance d'un avocat, plusieurs possibilités s'offrent à la victime de la procédure jusqu'avant le prononcé de la décision. En substance, le droit à l'assistance d'un conseil à toute étape de la procédure pénale ou d'un parent ou ami à titre exceptionnel au niveau de l'enquête préliminaire concourt à la facilitation de ladite procédure au profit de la victime. La victime qui s'est constituée partie civile sans s'adjoindre les services d'un avocat est donc particulièrement démunie face à la machine judiciaire115. 115 PIGNOUX (N.), « la réparation des victimes d'infractions pénales », Thèse, Pau des Pays de l'Adour, 2007, p.450 in NIAMBE (K. R.), op.cit. p.89 35 Cependant, il s'agit d'une victime qui a les ressources suffisantes pour louer les services d'un avocat. Car sans avocat, les intéressés ne peuvent jouir que de manière imparfaite et incomplète des droits qui leur sont accordés par la loi116. Toutefois, une victime n'ayant pas le montant exigé pour sa défense devrait, si elle y aspire forcément, faire usage du mécanisme de l'assistance judicaire. B - L'assistance judiciaireCe type d'assistance est régi par la loi n°72-833 du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, commerciale et administrative et le Décret n°2016-781 du 12 octobre 2016 fixant les modalités d'application de la loi de 72 relativement à l'assistance judiciaire abrogeant le décret n°75-139 du 9 mai 1975 fixant les modalités d'application des art. 27 à 31du code de procédure civile. L'assistance judiciaire, hors le cas où elle est de droit, a pour but de permettre à ceux qui n'ont pas de ressources suffisantes, d'exercer leurs droits en justice, en qualité de demandeur ou de défendeur sans aucun frais. L'assistance judiciaire peut être accordée en tout état de cause à toute personne physique ainsi qu'aux associations privées ayant pour objet une oeuvre d'assistance et jouissant de la personnalité civile.117 L'assistance judiciaire est applicable à tous litiges, aux actes de juridictions gracieuses ou aux actes conservatoires. Cette assistance est une procédure par laquelle l'Etat veut garantir l'accès à la justice aux victimes. A travers cette assistance, la victime qui ne possède pas de ressources suffisantes peut déclencher l'action publique, peut bénéficier des services d'un avocat commis d'office tout au long du procès. Par ailleurs, le recours à cette possibilité a connu ou connait quelques difficultés. En effet, sous l'empire du décret de 75, chaque demande d'assistance devait se faire au niveau du bureau central qui était à Abidjan. La distance éloignée de ce bureau était un véritable obstacle à sa mise en oeuvre. Mais avec le décret de 2016118 , il a été envisagé d'implanter un bureau local auprès de chaque tribunal. Mais l'on se demande si chaque tribunal en Côte d'Ivoire est assorti d'un bureau local d'assistance. En tout état de cause, au niveau national existe le bureau 116 DESPORTES (F.), LAZERGES-COUSQUER (L.), Traité de procédure pénale, ECONOMICA, 4ème éd., 2015, p.1153 117 Article 27 du code de procédure civile 118 Décret n°2016-781 du 12 octobre 2016 fixant les modalités d'application de la loi de 72 relativement à l'assistance judiciaire, J.O.R.C.I., n°2 du 02 janvier 2017. 36 national au sein de la Chancellerie qui connait en dernier recours des contestations relatives aux décisions des bureaux locaux.119 L'existence d'un seul bureau national dans la ville d'Abidjan nous parait un obstacle à l'exercice du droit à l'assistance judiciaire. En effet, la victime démunie qui n'a pas obtenu satisfaction devant le bureau local sera amenée à abandonner son droit à l'assistance judiciaire si elle doit se rendre à Abidjan pour contester cette décision. De ce fait, on assiste à la limitation de sa protection. Cependant, la procédure d'admission à l'assistance est régie par le chapitre 4 du décret de 2016. Effet, le requérant doit faire la demande par écrit devant le secrétariat du bureau local120. Cet écrit doit contenir ses coordonnées, l'exposé des faits et motifs invoqués, la juridiction saisie, la nature de l'acte.121 Il doit également contenir le certificat d'imposition ou de non-imposition délivré par les services des impôts du requérant122. Après l'enregistrement de la demande, un récépissé est donné au requérant. Toutefois notons qu'avis peut être donnée à la partie adverse de contester cette demande.123 Mais, malgré l'importance de ce mécanisme, il reste méconnu des populations notamment de victimes. C'est à ce juste titre que Namizata Sangaré, présidente du Conseil National des Droits de l'Homme indiquait que « l'accès à la justice est important dans l'élaboration d'un Etat de droit. Toute personne, quelle que soit sa situation, a droit à une assistance judiciaire. Mais malheureusement très peu de gens sont informés ou en font la demande. Cette journée vise à inciter les personnes qui n'ont pas les moyens à faire la demande et à se faire assister, mais aussi les inviter à connaître les mécanismes »124. En un mot, les droits de facilitation de la procédure à la victime lui permettent d'utiliser efficacement ses droits de participation à la manifestation de la vérité. 119 Article 02 du décret de 2016 op.cit. 120 Article 12 du décret de 2016 op.cit. 121 Article 13 du décret de 2016 op.cit 122 Article 14 du décret de 2016 op.cit 123 Article 18 du décret de 2016 op.cit 124 « Assistance judiciaire en Côte d'Ivoire : Des praticiens et acteurs de la société civile réfléchissent », [En ligne] https://www.fratmat.info/article/223409/societe/justice/assistance-judiciaire-en-cote-divoire-des-praticiens-et-acteurs-de-la-societe-civile-reflechissent 37 |
|